L HYMNE AUX QUATRE CHANTS
16 pages
Français

L'HYMNE AUX QUATRE CHANTS

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Description

J’ai là une terrible histoire qui m’a été révélée dans un songe.
Au début c’est un univers en noir et blanc. C’est le monde des contes et des légendes anciennes. C’est le monde de la solitude, du sensible, du tangible.
Le gueux et la fange grouillent dans les lieux les plus inhospitaliers pour accueillir la vie.
Cette nouvelle éditée en 1993 a obtenu le second prix à un concours international des "plumes francophones"

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Informations

Publié par
Publié le 05 mars 2013
Nombre de lectures 75
Langue Français

Extrait

L’HYMNE AUX QUATRE CHANTS

Lorsqu’ un conte ne donne pas le souffle à
quelque Dieu ancien, il n’est pas grand-chose :
au pire il restera incréé au fond d’un tiroir
virtuel. La création n’est pas rien. Conter peut
être un acte initiatique, prophétique.
Pour monter une telle entreprise il sera bon de
se doter d’une ambition imaginative décuplée :
l’éloquence. L’entreprise peut être immense,
salutaire et essentielle.

Au fond, un conte ne se satisfait pas à se
raconter : il s’écoute. Mais l’histoire écoute
elle-même une voix qui chuchote, une voix
basse, une voix grave. Une voix primitive et
lointaine.
Cette voix suggère des histoires, elle explore
des énigmes, des mythes et des anciennes
croyances. Elle révèle des perturbations et des
conflits. Elle pointe du doigt des failles et des
interprétations erronées. Ce qui n’est que
possibilité parmi tant d’autres devient soudain réalité. Mais il y a des signes, et quelques
écrits anciens nous les transmettent.

Voilà donc ce que cette voix exprime :
J’ai froid dans le dos par le simple fait de
l’évoquer.

*
PARTIE 1
J’ai là une terrible histoire qui m’a été révélée
dans un songe.
Au début c’est un univers en noir et blanc.
C’est le monde des contes et des légendes
anciennes. C’est le monde de la solitude, du
sensible, du tangible.
Le gueux et la fange grouillent dans les lieux
les plus inhospitaliers pour accueillir la vie.

Evoquons tout d’abord les paysages.

Des montagnes usées, les versants sombres de
multiples vallées, une cabane en bois à l’orée
d’une forêt noire et surtout un paysage désolé,
inquiétant et oublié. Une cabane de bois qui ressemble à une ogive effondrée recouverte de
mousse. Il pleut dedans, et dehors c’est pareil.
Le ciel est noir blanc gris. Il est sans nuance. Il
est comme un dessin dans lequel l’artiste
commet des ombres passagères de façon
distraite.
La forêt est sombre de toute évidence et à
toutes les heures du jour et de la nuit. Elle est
froide et humide. Il y a un silence qui met mal
à l’aise dans cette forêt. Ici il n’y a que cendre
et brouillard. Ici tout est à l’agonie. Ici, la vie
s’est dotée d’un regard terne et froid.

Maintenant nous parlerons des personnages.

Ce ne sont que des pauvres hères qui n’ont
plus que la peau sur les os. Ils rongent les
racines et les écorces pour lutter contre leur
faim dévorante. Des désespérés qui ne
survivent que pour se tenir bancals sur leurs
jambes maigres. Leur désœuvrement est sans
fond, et leur misère est bien pire.
Et puis…et puis, il y a ce père brutal, rustre,
devenu alcoolique. Cet homme que l’alcool et
la folie ont rendu dément et violent envers sa
famille : sa femme et son fils. C’est une vie de
cauchemar, des corps déformés par la douleur
de vivre. Des corps humains qui crient la
violence à huis clos. Des liens d’inhospitalité
les unissent. Bien au-delà de toutes
apparences, ils s’abandonnent à la misère et au
saccage de l’âme.
La mère pleure toutes les larmes de son corps.
Evidemment le fils est analphabète. Mais il est
le nœud du bâton, l’esclave du père, l’ombre
de son petit doigt.

Je ne vais pas en parler avec un trait pesant.
Car le fils rêve de s’affranchir de tant
d’injustice. Les coups du père l’initient sans
qu’il le sache encore à une quête nouvelle : la
liberté.
Il n’est pas comme son père : il rêve, lui, mais
il ne le sait pas. Il part longuement en forêt,
pieds nus, dans cette forêt qu’il connait par
cœur. Il étudie les pistes laissées par les bêtes sauvages. Il dérobe les œufs dans les nids, il
traque les lapereaux, il ne sait rien faire
d’autre.

Puis un jour, mué par un instinct de démiurge,
il est guidé…oui, guidé par on ne sait quelle
magie : il part sans le savoir encore.
Il rencontre une mère de pierre : elle lui donne
sa bénédiction et sa protection. A l’orée de la
forêt le pauvre hère est déjà perdu.

*

PARTIE 2

Il est misérable, misérable et pauvre. Il ne
connait aucun chant.
Le jeune vagabond marche. Il vient du bord
de la falaise, du bord de l’abîme sans fond.
Il sort de la mort, vêtu des lambeaux de l’aube.
Pressentant le jour, il hâte sa marche parce
qu’il est seul. Le jour l’impressionne, il n’a
jamais rien vu de pareil. Le jeune garçon n’a vu ni être humain, ni animal, ni arbre, ni herbe,
ni buisson ni montagne : rien.
Depuis longtemps il marche. Ce monde est
vide…oui, vide et plat. Le solitaire va de
désert en désert pour peupler de son ombre,
son errance.

Mais peu à peu, autour de lui, d’innombrables
couleurs s’improvisent. Le noir et le blanc ont
disparu. Peu à peu tout devient déclinaison de
pastels. Il éprouve manifestement une
confusion des sens. Le ciel même est
transfiguré. Lorsqu’il se charge d’une
nébulosité intense, la température brusquement
descend. Le marcheur continue sa route
malgré tout. Il s’enfonce dans le voile opaque,
d’une luminosité puissante.

Et Ô surprise : l’enfant voit tomber
doucement, sans le moindre bruit,
innombrables et légères une multitude de
pellicules blanches.
Dès cet instant, le jeune vagabond se sent
moins seul. Il trouve cela fort agréable, et lorsqu’il regarde le sol, un tapis ouaté, d’un
blanc très lumineux le recouvre.
Ses cheveux noirs sont constellés de ce blanc
immaculé descendu du ciel. Son cœur tape
fort. Sa vie bascule. Son cœur chante de tant
de découvertes. Il entonne son premier chant :
LE CHANT DE L’HIVER.

Au matin, la neige a cessé de tomber. Des
collines blanches l’entourent. Seul, le pauvre
fou marche comme un être furtif dans cet
espace nouveau. Ses pieds ne touchent plus le
sol, il flotte. Le jeune garçon appelle ce qu’il
voit alentour : le relief montagneux.
Il est satisfait, il part avec un chant dans le
cœur. Le voyageur marche encore longtemps
dans les montagnes. Il connait le chant de
l’hiver.

Très loin de là, sur les versants sombres d’une
vallée noire, au fond d’une tanière sale le père
boit et la mère se meurt de chagrin. Il pleut
toujours sur la couche familiale. La mère
s’adresse à ses dieux et leur implore leur pardon, les mains jointées en signe de
déférence.

Avec son bâton, le jeune homme marche. Il
aperçoit peu à peu le lourd manteau blanc qui
laisse paraître des trouées d’un vert tendre
étonnant. Puis çà et là, sur les collines des
roches émergent. Des oisillons piaillent dans
les buissons. Des menus torrents se dessinent
entre ses pieds. Puis il aperçoit, petites, frêles
et exquises des taches jaunes et blanches : il
les appelle : crocus et perce neige. C’est alors
qu’il entreprend une vertigineuse descente
depuis son dernier refuge d’avant le ciel.
Devant lui s’étendent des coteaux verdoyants
sous un soleil encore timide. Des forêts
s’esquissent qui ne ressemblent pas à celle
qu’il a quittée. Des parfums nouveaux picotent
son nez.
Ce sont les senteurs du printemps, se dit-il.
Puis il tend l’oreille, il a l’ouïe fine car il
entend déjà les oiseaux qui se répondent
Il entonne son deuxième chant :
LE CHANT DU PRINTEMPS.
Ce chant lui murmure
- Que ta soif de grandir soit une soif
sublime. Que ta lèvre en feu touche le
vase ultime de la vie qui t’accueille. Le
cœur en émoi, tu t’émerveilleras de
tant d’arc en ciel, car la nature
généreuse remplira ta coupe pour te
griser encore et encore !
Entre l’aubépine et le genévrier, le jeune
garçon avance avec lenteur et émerveillement.
Il connait le chant du printemps.

Au fond d’une sournoise vallée, très loin de là,
une mère sur sa couche de mort récite des <

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