L Île aux perroquets
428 pages
Français

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L'Île aux perroquets , livre ebook

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Description

Deux anges enflamment les embrasses du rideau. La scène apparaît. Dans un parc les jardiniers disposent les orangers. Ce matin comme chaque jour depuis dix ans on annonce le retour de Dagon et d'Ombrie la reine, si belle, si transparente, que tous rêvent de la contempler On prépare le bal qui suivra la bataille entre les prétendants. De tous les recoins du monde affluent Colchide, Parménie, Jaba, Ogden… ces princes exotiques qui vont rivaliser pour conquérir Kori, une princesse qui hésite, qui revêtira sa robe indigo, mais qui rêve d'un autre destin.
Sa disparition la nuit du bal réveille les émotions du vieux roi. Où est passée Kori ? Elle est dans un refuge que le géographe ne situe pas sur sa mappemonde. Elle est dans l'île aux Perroquets. Là où la vie est une féerie.

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 1998
Nombre de lectures 23
EAN13 9782876234741
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0116€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LÎLE AUX PERROQUETS
Élisabeth Déchelette
L’ÎLE AUX PERROQUETS féérie
MICHEL DEMAULE
IL A ÉTÉ TIRÉ DE LÉDITION ORIGINALE DE CET OUVRAGE CENT CIN-QUANTE EXEMPLAIRES AVEC COUVERTURERIVESARJOWIGGINS NUMÉROTÉS DE1À150.
EXEMPLAIRE N°
DU MÊME AUTEUR
Entre midi et midi, éditions Michel de Maule, 1988.
Conception graphique : LES3T STUDIO.
© ÉD I T I O N S T U M/MI C H E L D EMA U L E, 1998.
LE LEVER DU RIDEAU
Dans le silence l’ange monte l’allée entre les spectateurs, au centre il hésite, et se divise. L’ange doré vers la gauche, l’ange jaune vers la droite longent le rideau en levant une torche. Leurs épaules sont carrées, ils s’arrêtent dans un même souffle. Vont-ils brûler le rideau ? Il est en carton façonné, rigide. Du haut du plafond, au-dessus de la fosse, descend un grincement, c’est le bas d’une nacel-le en acier. Le machiniste perçoit le grincement, vite, il faut le remonter, que s’est-il passé ?
De la nacelle sortent deux jambes qui se balancent. C’est qui ? Les anges ne peuvent pas reculer, quelqu’un est coincé entre le ciel et la terre, sa tête encore dans le ciel. Le grincement oscille en entraî-nant les spectateurs dans l’incertitude. Le machiniste raidit le dos et les bras, il veut rétablir le silence. C’est peine perdue, il faut com-mencer dans la difficulté. Les spectateurs pressentent la complexité de l’histoire, ils scrutent la physionomie des anges, sans y trouver d’explication. Qui a fomenté ce désordre ?
Sous l’effort de la poulie la nacelle se met à virer et grincer plus fort. C’est le chef d’orchestre, les jambes enserrées dans la machine,
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on l’entrevoit, c’est bien lui, il baisse d’un coup, il monte, il descend par saccades. Les attaches vont-elles se rompre ? Les anges n’ont pas bougé, ce sont les spectateurs qui prévoient. Tout est possible. Le machiniste sent la tension jusque dans ses os. Il est blême, la honte coule sur sa peau. C’est de sa faute, à six heures il a vérifié la poulie, tout était prêt, et maintenant c’est l’erreur, en plein début, il n’a plus qu’à actionner la catastrophe, elle lui ébranle le cerveau, elle atteint les spectateurs. Certains ont des élancements dans une oreille, du côté qui leur est cher. L’ange doré se tourne vers le jaune, leurs bustes pivotent, leurs torches à bout de bras, leur regard invi-sible de notre côté. Contient-il une indication principale ?
Entre les rangées de fauteuils passe l’annonceur, il remonte l’al-lée en courant, ses yeux fulminent, son manteau vole en plis. Il se retourne, s’incline devant le public, se redresse, il ouvre les bras, les ferme dans un claquement. Le manteau suit en ramenant l’attention au milieu du début. Est-ce vraiment commencé ? L’annonceur est vertical, ses yeux sont noirs, il ne dit rien. Les grincements s’ampli-fient.
Soudain les anges ouvrent leurs bras à angle droit. Venant de la droite, de la gauche, entre ciel et terre, deux éclairs de lumière bri-sée passent par les torches, percent une trouée dans le rideau, décou-vrant la banquise à perte de vue. Elle paraît rose. Les anges reculent d’un pas, ils lèvent la torche plus haut, la nacelle ralentit dans un grincement qui fond en petits cris. Ce sont les cormorans à mi-hau-teur, leurs ailes poudrées de neige, nous sommes dans le Nord, la glace est rose, la mer plus loin aussi, les anges vont enflammer le chef d’orchestre qui ne sert à rien. Ses pieds dépassent du ciel, sa tête est muette. C’est trop tôt pour imaginer une intrigue. Le siffle-ment sous la banquise, c’est le froid.
Très loin, sur les replis du rose, devant les cormorans qui s’épar-pillent, on entend le Brésil. Une faible plainte trouée de pauses. C’est là que séjourne le roi. La rumeur annonce-t-elle un retour ? Retours toujours agités, il faut attendre, le roi habite la terre à sa guise, il est trop roi pour être descendu à la manivelle par un machiniste. Il arri-
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vera en bateau. La reine est au Brésil évidemment, mais elle n’a jamais appartenu au royaume. Elle est d’ailleurs, elle y est toujours restée. Elle va revenir aussi, son ombre se profile, se rétracte sur la banquise. À quoi sert-elle ?
Les anges baissent les torches, le froid résonne, en un coup sourd sur du bronze. D’où est-il parti ? Il a surpris ceux qui s’y atten-daient, ils ne s’y attendaient déjà plus, d’autres coups jaillissent en éventail, les anges sont reflétés sur la banquise qui résonne. Ils jet-tent les torches, la lumière redouble en irradiant le sol, les cris des cormorans sont roses, le roi dort au Brésil, la reine n’est nulle part. Le machiniste est suspendu à la corde qui retient la poulie, les pieds du chef brûlent plus haut, la nacelle se balance. Est-ce la seule solu-tion ? Personne n’a rien compris.
Des pans de carton brûlé s’affaissent, les anges ont disparu, des arbres se profilent, ce n’est plus le grand nord, c’est le jardin, c’est le soir, un jeune homme se promène, il est aussi noir que l’air, il se promène de dos en attendant ce qui n’arrive jamais. Il marche, il rêve, il parle tout seul, il ne sera jamais roi, cela se voit à l’inclinai-son de son épaule. Il disparaît avant d’être là. C’est si bref qu’il fau-dra s’en souvenir. Était-ce lui vraiment ou bien son ombre ? Ce début promet des merveilles.
Le jardin reste allumé sans la moindre présence. Tout s’y passe, on s’en doute, mais dans quel ordre ? Un balcon de pierre émerge entre les arbres, sur la gauche. Le sculpteur a percé et noué la den-telle dans la pierre, dans les interstices glissent les rayons, les oiseaux fusent en cris croisés, ils explosent en taches dans les coins du ciel. Quel est l’enjeu exactement, quelqu’un le sait, celui qui com-mande la confusion. Un son brutal, un second sur la droite, c’est le début qui reprend, le bateau qui cogne contre le port de pierre, il tangue et cogne plus fort, il enfonce le jardin qui s’estompe, si vite soudain qu’il faut se le redire. C’est un bateau, ce n’est plus le jar-din, c’est la suite, l’action qui va ramener le roi, et la reine qui n’a jamais obéi aux injonctions, elle choisira son heure, le dernier coup sur le bronze, le plus brutal, fait tomber le silence.
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Le silence dure plusieurs instants, les oiseaux sont déjà au Brésil, ils tournent au-dessus du roi qui ronfle. Les lambeaux du rideau encadrent l’annonceur, il parle depuis plusieurs phrases déjà. Qui a entendu ? Il continue à parler mais il a dit l’essentiel. Certains dou-tent du sens des mots. Ses joues se gonflent, ses épaules se haussent, il parle sans s’écouter, il n’a pas le courage, pas chaque mot, l’his-toire est trop rude, elle est vraie. De ce qu’il n’a pas dit, en filigrane dans notre cœur reste un regret. Il faudra recommencer.
Le jeune homme, identique, émerge à pas gris de l’oubli dans lequel il essayait de s’enfermer. Il n’a pas réussi à se fondre dans l’ombre de lui-même. De cet échec il revient vivre en chair et en os. De la droite arrive une jeune fille de biais, surgie d’un endroit dont elle n’a plus le souvenir. Elle a quelque chose à dire mais elle s’ar-rête au milieu du mouvement, elle n’est plus sûre. Sa main s’immo-bilise en une annonce muette. Qui sont-ils séparément ?
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Jeune homme : — D’où venez-vous ?
Jeune fille : — Je n’ai jamais su. C’est trop loin.
Jeune homme : — Vous n’êtes pas essoufflée.
Jeune fille : — Je suis venue progressivement, je n’étais pas décidée.
Jeune homme : — Allez-vous rester ?
Jeune fille : — Je vais faire comme tout le monde.
Jeune homme : — Vous n’étiez pas obligée. Personne ne vous commande.
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