LE PROFANE, LE SAVANT ET LE SAGE
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Description

Trois amis se retrouvent à l'appel de l'un d'entre eux

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Publié le 03 février 2013
Nombre de lectures 44
Langue Français

Extrait

LE PROFANE, LE SAVANT ET LE SAGE « MES CHERS AMIS..... » S’agissant d’une lettre écrite de haute pensée, les deux destinataires ressentirent, par delà la peine du coeur, la peine de l’effort à la lecture de l’invitation. L’écriture transmise d’une main apparemment faible et tremblante, mais encore confiante en l’esprit qui la gouverne, cette écriture là, disais-je, traçaient son cheminement sur l’idée de la mort et des interrogations qu’elle suscite.Mais, au delà de la mort, elle interrogeait la vie. Cette longue lettre était un appel, un appel du coeur, car celui qui l’avait écrite était mourant. Il s’adressait à ses deux amis de toujours. La lettre continuait en ces termes : «ENTRE L’IGNORANCE ET LA CONNAISSANCE, IL Y A LE DOUTE....LE DIVIN AYANT SEME LE DOUTE SUR LE CHEMIN DE LA VIE, DANS SES ACTES ET SES PENSEES, L’HOMME LE CULTIVE ET LE RECOLTE.-PLANTE RARE AU MILIEU DES SILLONS DE SES
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CERTITUDES -ET S’IL RECOLTE REELLEMENT LE DOUTE, L’HOMME DECOUVRE ALORS LE MONDE ET AINSI SE DECOUVRE LUI-MEME. S’IL COUTE A L’HOMME QUI DOUTE, DES INTERROGATIONS, CELUI-CI NE PEUT QUE S’ENNOBLIR DANS L’ACTION DE MEDITER, AFIN D’OBSERVER SON ESPRIT EN PARFAITE LIBERTE: AINSI S’EPANOUIRA SA PERSONNALITE..... » Les deux hommes lisaient attentivement le message qui leur était destiné. Leur vieil ami était mourant, et les invitait une dernière fois à se réunir. Vers la fin, la lettre disait encore ceci : « NE FERMONS PAS LES YEUX SUR NOS DIFFERENCES, NOUS CONTENONS EN NOUS TROIS, LE PRINCIPE DE CE QUE L’HUMANITE RECELE, NOS TROIS ARCHETYPES SONT L’OEUVRE VIVANTE DE LA VOLONTE DE DIEU, ET SI REELLEMENT IL L’A VOULU AINSI, NOUS DEVONS NOUS EN ACCOMODER. JE VOUS INVITE ENFIN A CONSIDERER QU’IL Y A DANS L’ACTION DE DOUTER- EN OPPOSITION A L’ACTION D’AFFIRMER- UNE DIMENSION SPIRITUELLE QUI VOUS A MALHEUREUSEMENT ECHAPPE A TOUS DEUX.
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LE DOUTE AGIT EN FONCTION DE LA PERSONNALITE : IL Y A LE DOUTE QUI PERMET DE REFLECHIR EN ADMIRANT L’OEUVRE DU DIVIN AVEC UN SENTIMENT D’HUMILITE, ET PAR LA MEME, QUI PERMET DE S’ELEVER DANS UNE VUE HAUTE ET HORS DES CONTRADICTIONS DE NOS PENSEES. MAIS EGALEMENT, IL Y A LE DOUTE QUI TRADUIT LA FAIBLESSE. VOUS N’AVEZ PAS SU ECOUTER PAR TROP VOULOIR PARLER, VOUS N’AVEZ PAS SU APPRENDRE PAR TROP VOULOIR SAVOIR. SAUREZ VOUS TROUVER EN CES LIGNES LE CHEMIN QUI NOUS SEPARE, ET DECOUVRIR EN CHACUN DE VOS PAS, CETTE IRRATIONNELLE IMPRESSION QUI APPORTE A L’HOMME GRANDEUR ET ESPERANCE? » Les deux hommes connaissaient bien leur ami, et n‘allaient pas en faire une bisbille pour autant. Tout au plus, quelques images leur traversèrent l’esprit: des images de jeunesse, rien qui puisse ébranler leurs convictions présentes, des images où le mourant était animé d’un esprit fin et curieux. Son charisme fut d’une telle émanation que les autres le respectèrent. ...Ils allèrent même jusqu’à le craindre.
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 *** Les trois compagnons d’une vie vont se retrouver au terme de celle de l’un d’eux. Leur chemin respectif fut très différent, leur approche de l’existence en fut pour autant marquée, quant à leurcaractère, il fit le reste.  Les trois vieux amis ne furent pas toujours d’accord, loin s’en fallut, mais leurs liens suffisamment forts, parvinrent à soutenir à bout de bras une amitié d’homme tout simplement.Aujourd’hui, deux d’entre eux prennent la route, et partent saluer une dernière fois celui qui pour eux était un saint homme. *** En poussant la lourde porte de chêne, une fumée bleutée s’exhala sur le seuil. Accueilli par une cacophonie de tous les diables, il plongea dans la grande piècesombre et peuplée de l’auberge, sentant déjà son incessant besoin de contact le pousser vers le grand comptoir de bois massif. Des hommes aux regards enflammés par l’alcool le dévisagèrent, tandis qu’il s’avançait, presque fier par tant d’intérêt porté surpersonne. sa
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Il commanda à boire, et très vite prit part aux discussions avinées. Son bavardage fut une fois de plus sa faiblesse. Il se hasarda ainsi dans quelques affirmations imbéciles sur des propos à travers lesquels l’homme instruit n’a toujours pas trouvé d’issue convenable.Comme un cancanier habile, son langage de cantinière faisait recette. Il se livrait à des conjectures, il maniait l’image et la métaphore sans pudeur, et hélas sans discernement. Croyant lui-même en sa malice, il tentait de convertir de braves ignorants à ses croyances bornées et partisanes. Son comportement de camelot alluma soudain un regain d’intérêt près du comptoir. Il aimait plaire, il aimait être écouté. Et la lutte qu’il menait avec son alter égo l’empêchait de douter de ce qu’il croyait être son intelligence. Il répétait sans cesse un mauvais numéro, toujours le même, lui le fier à bras, le plus beau des minables. Il ne levait surtout pas le regard vers les autres, de peur de se voir lui même. Il n’écoutait pas les autres, de peur de s’entendre lui même parler. Il travaillait sa pose et sa voix. Il travaillait son geste. Il travaillait même sa prose en joli français, dans ce pitoyable théâtre des hommes.
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Et chaque fois qu’il ouvrait la bouche, il semblait qu’il allait mettre au monde l’ultime Phénix de la création. En déliant les mots, il articulait des inepties et des affabulations. Il devenait central, il devenait important, il se sentait soudainement un homme. Il était tout simplement comme le paon qui fait la roue tout en montrant son derrière. Le brave homme était en route pour rendre un dernier hommage à un vieil ami de toujours. Chemin faisant, et d’auberge en auberge, il se liait le plus sympathiquement du monde au premier individu qu’il croisait sur son chemin.L’oeil coiffé d’un sourcil brouillon, il paraissait toujours hilare et sur de lui. On aurait dit un fou bêlant qui cachait sous son paletot une solitude de moine. Mais il était heureux, tous les soirs, il était en représentation, et tous les soirs il savait trouver un public disponible et bienveillant à ses causes.  *** Très loin de là, dans une grande ville grondante et bruyante, au dernier étage d’un vieil immeuble, le second des trois amis partageait son
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existence avec son chat, perché là haut, dans une chambre de bonne, sous les toits. Il consommait sa vie à lire. Chez lui habitait le silence, en lui habitait la réflexion. Cet homme gris et peu disert faisait chaque jour la lecture d’une pile impressionnante de journaux. Il dévorait toute l’information que lui servait la presse, avec une constance sans faille. Une bibliothèque imposante demeurait sa nourriture essentielle. Ce n’était autre que les différentes sciences découvertes sur les chemins de l’humanité. Sa bibliothèque recouvrait les deux tiers de son espace vital : mais lui fallait-il beaucoup d’espace pour vivre ? Une liasse de vieux journaux était empilée sur le coin de la table, et l’homme dévorait cette nourriture de l’esprit comme un mort de faim. Il accumulait le savoir et la connaissance pour n’en rien faire. Mais que pouvait faire un vieillard de tout cela ? Loin de toute la folie ataxique du monde, il n’avait de cesse que de lire et prendre des notes. L’homme qui aimait tant les livres ne baissait surtout pas le regard en bas, vers le monde de la rue. Tout ce qui se passait en bas lui était forcement étranger. Sa vie à lui n’était que théories inscrites dans quelques puissantes rhétoriques. - Lui qui faisait de la vie une
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chose abstraite, un produit unique pour sa matière éminemment grise. Le savant extrayait de l’ombilic du verbe toute la science suffisante lui permettant d’organiser la vie, mais dans ses pensées uniquement.  En somme cet individu austère pensait le monde dans une tour, loin de la rumeur des hommes, dans un ghetto tout autant narcissique que son compère le beau-diseur. Tandis que les idiots cherchent à s’imiter entre eux, celui là s’imitait lui-même et trouvait cela grand. Il contemplait dans les livres sa propre image. Il toisait son esprit sous toutes ses coutures, il remplissait l’espace de ses pensées, avec cette crainte absurde d’y déceler une parcelle vide.Cet homme exceptionnellement instruit redoutait la bêtise et l’ignorance comme le plus grand fléau de l’humanité.La devise de cet homme était la suivante : -« celui qui en dehors des mathématiques pures prononce le mot impossible manque de prudence » Mais ce soir là, il lui arriva de faire cette chose que, depuis bien longtemps, il ne s’était permise : il rangea méticuleusement ses livres et notes, il nettoya et astiqua. Il consulta sa bibliothèque pour choisir parmi les centaines
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d’ouvrages, les deux ou trois qui l’accompagneront durant cette longue absence. Il allait quitter sa chambre pour longtemps. Il venait de répondre à l’appel de son vieil ami mourant.  ***  Leur voyage fut évidement long, sur des routes sans fin. Les montagnes alentour esquissaient des formes paresseuses. Ici, le coeur palpitant des vallées, la zébrure des routes immanquablement. Puis une plaine que le seul regard ne pouvait embrasser. Les montagnes encore, soulevées par des vies telluriques, sur lesquelles quelques échauguettes édifiées de mains anciennes se dressaient seules et désespérées, pareilles à des sentinelles abandonnées par les armées menacées. Les sentiers chauds croquaient les sandales, et la garrigue, et les castagnettes des cigales.... Mais les deux voyageurs ne savaient que faire d’un tel rayonnement de la vie terrestre. Transportant leur narcissisme respectif, ils étaient trop préoccupés par leur monde de certitude.  ***
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 Ainsi, lorsque tous deux arrivèrent devant la porte d’une petite maison,- certes -, ils parvinrent à se saluer, heureux de se revoir après tant d’années, mais ils semblaient usés par le voyage et peiné par l’événement. Les deux amis retrouvèrent subitement cette attitude qui fait de l’homme: un homme. Ils rencontrèrent enfin l’hésitation et toutes ces questions que la mort draine dans le subconscient. A ce moment là, une voix faible les interpella. Venant de l’intérieur de la bâtisse, elle invitait les deux voyageurs à franchir le seuil. «Par ici mes amis....Merci à vous d’avoir répondu à mon appel, mais avant de vous quitter, j’ai encore une chose importante à vous dire : car vous méritez plus de lumière, mais n’en avez point cherché la source ! » Celui qui parlait et dont la parole allait sans fin, suspendait son souffle à ce qui n’était plus rien.«Je ne peux m’attarder plus longtemps. Approchez vous tout près de moi mes amis. Ecoutez bien ce que je veux vous dire... Pour moi, le grand jour a pris fin, et je ne veux emporter tout ce qui m’a été donné ici. Le créateur qui rappelle toutes ses créations, m’appelle aussi, et je dois maintenant vous quitter. Je viens de recevoir l’invitation aux
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sources mêmes du voyage, dans la profondeur de ma plus précieuse valise : mon âme..... Nous sommes tous invités à avancer, à suivre le chemin, car nous sommes tous condamnés à espérer... toujours....Même si j’ai passé ma vie à douter, je ne parle pas pour toi mon ami, toi qui a passé le plus clair de ton temps à afficher ta méconnaissance, et tes passions aveugles, toi qui a affirmé bien des sottises, avec, je dirais, une certaine emphase, et les gens simples t’ont crus intelligent....Tu n’es pas sot, je ne veux pas dire cela, mais tes laxismes ettes verbiages n’ont pas épanouis ton esprit, car la lumière ne jaillit pas des longs discours. Quant à toi, mon ami, tes idées sont des voiliers démâtés dans la tempête, et tes pensées sont l’océan: et atteindre un rivage improbable ou sombrer, telle est ta destinée. Une accumulation de savoir pour n’en rien faire adesséché ton esprit et assombrie ton coeur. Même si ta connaissance est immense, il faut admettre hélas que ta coupe est vide. Point d’îlot dans ta vie, point de repos ont rendus inculte un champs d’amertumes dans toncœur. Même si j’ai passé ma vie à douter, disais-je, aujourd’hui dans ma valise, se trouvent ma conscience, ma mémoire, ma foi
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