Les cinq crimes de M. Tapinois
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Les cinq crimes de M. Tapinois , livre ebook

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Description

Est-il possible qu'un détective puisse annoncer d'avance un crime et l'heure exacte où il sera commis ? Tel est l'extraordinaire point de départ de ce roman qui nous montre aux prises, au cœur même de Paris, deux écoles policières : l'ancienne et la moderne, celle de la routine et celle qui utilise les dernières découvertes scientifiques, une indéchiffrable énigme, une action dont l'intérêt va toujours croissant, des personnages débordants de vie, de relief, autant d'attraits pour le public dont la curiosité est constamment tenue en haleine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 novembre 2015
Nombre de lectures 7
EAN13 9782373470741
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Les Cinq Crimes de M. TAPINOIS

 

de J. JACQUIN et A. FABRE

 

 

D’après le texte publié en 1924 dans le magazine « LECTURES POUR TOUS ».

AVANT-PROPOS

 

EST-IL POSSIBLE QU’UN DÉTECTIVE PUISSE ANNONCER D’AVANCE UN CRIME ET L'HEURE EXACTE OÙ IL SERA COMMIS ? TEL EST L’EXTRAORDINAIRE POINT DE DÉPART DE CE ROMAN QUI NOUS MONTRE AUX PRISES, AU CŒUR MÊME DE PARIS, DEUX ÉCOLES POLICIÈRES : L’ANCIENNE ET LA MODERNE, CELLE DE LA ROUTINE ET CELLE QUI UTILISE LES DERNIÈRES DÉCOUVERTES SCIENTIFIQUES. UNE INDÉCHIFFRABLE ÉNIGME, UNE ACTION DONT L’INTÉRÊT VA TOUJOURS CROISSANT, DES PERSONNAGES DÉBORDANTS DE VIE ET DE RELIEF, AUTANT D’ATTRAITS POUR LE PUBLIC DONT LA CURIOSITÉ EST CONSTAMMENT TENUE EN HALEINE.

Un article du Grand Quotidien.

 

LEGrand Quotidien du 15 mars 1923 (édition soir) publiait dans sa « Dernière Heure » l'étrange nouvelle que voici :

« Cette nuit, entre onze heures du soir et trois heures du matin, à un endroit que nous ignorons, mais qui, NOUS POUVONS CEPENDANT LE PRÉCISER, se trouve à deux cents kilomètres de Paris, un crime sera commis. AUTRE PRÉCISION : la victime sera une femme.

Dès que des renseignements plus circonstanciés nous seront parvenus, nous les ferons connaître à nos lecteurs. »

« Ça, grommela un bonhomme rondelet et court de jambes qui venait de sortir du ministère de l'Intérieur et, tout en lisant le journal, descendait paisiblement l'avenue Marigny, ça c'est un coup monté par ce sacré « canard » pour se rattraper de l'affaire Bardin. »

Et le quidam, après avoir cligné l'œil droit et haussé l'épaule gauche, roula la feuille en boule, puis, d'un geste de souverain mépris, la lança dans une bouche d'égout.

Qui apporte quelques éclaircissements au précédent.

 

CHACUN de nous a, dans la journée, son heure de prédilection.

Il n'y avait pas de moment plus agréable, pour M. Tapinois, que celui où, vêtu d'un élégant pyjama et chaussé d'escarpins vernis dans lesquels ses pieds jouaient à l'aise, il pouvait s'asseoir, les rares jours où il lui avait été permis de coucher dans son lit, devant la tasse de chocolat qui composait son petit déjeuner.

L'esprit alerte après le repos de la nuit, le corps frais et dispos au sortir du tub, il s'accordait alors quelques instants de récréation qu'il occupait à faire la causette avec sa vieille maman.

Le thème de cette conversation matinale ne variait guère.

« As-tu bien dormi, mon enfant ? demandait la bonne dame sur le même ton de tendre inquiétude dont elle usait envers son fils, maintenant quadragénaire, au temps où il portait encore des culottes courtes. Je te trouve un peu pâlot !

— C'est la couleur de mon teint.

— Ton père, lui aussi...

— Que parles-tu de mon père, interrompait M. Tapinois afin de couper court aux souvenirs attristants. Ma nature est semblable à la tienne, et, toute menue et toute fluette que tu sois, n'es-tu pas la mieux portante des vieilles mamans ? Tranquillise-toi... Et puis, je vais te dire une chose qui te fera plaisir : encore deux ou trois affaires à suivre, et je me reposerai... Oui, c'est promis, je resterai ici toute la journée, et le soir, je fumerai ma cigarette, l'été sur le balcon, l'hiver au coin du feu, comme un enfant bien sage... Es-tu contente ?

— Ce serait trop beau !

— Cela viendra… En attendant cet heureux temps, je ne déjeunerai pas à la maison aujourd'hui ; peut-être n'y dînerai-je pas non plus. Il pourrait arriver aussi que je ne rentre pas coucher, si même je ne pars pas en expédition cette nuit...

— Ah ! quel maudit métier tu as choisi ! soupirait la pauvre femme.

— Il est si passionnant ! »

M. Tapinois était le reporter criminel du Grand Quotidien.

On connaît ce journal qui se vante, non sans quelque raison d'ailleurs, d'avoir, parmi la presse parisienne, le plus fort tirage, les meilleurs collaborateurs, les articles les plus sensationnels et les lecteurs les plus nombreux.

Lorsqu'un crime ou un vol provoque l'émotion ou excite la curiosité du public, il se contente, tout d'abord, d'annoncer l'événement, comme tous ses confrères, pour montrer qu'il est au courant. Puis, il laisse la police se débrouiller. Si elle y réussit, il se désintéresse de l'affaire qu'il traite alors à la manière d'un simple fait-divers.

Mais que le ou les auteurs du vol ou du crime restent introuvables, alors il entre en campagne. Oh ! sans fracas ; sans annoncer bruyamment qu'il va réussir là où les autres ont échoué. Non, non. Pas un mot, pas une allusion. Tandis que l'opinion s'énerve, il poursuit discrètement son petit bonhomme de chemin ; et, soudain, au moment où l'on s'y attend le moins, l'éclair luit, le tonnerre éclate ; le ou les coupables sont démasqués, et il les livre magnanimement à la justice ; car, ainsi qu'il le proclame très haut, son collaborateur n'opère pas lui-même.

Faut-il citer quelqu'une de ses prouesses ?

Personne n'a oublié, sans doute, l'extraordinaire histoire du vol du Clocher, le célèbre tableau de Millet qui disparut, un beau matin, du Musée du Louvre, et comment, au nez et à la barbe de la police impuissante, le Grand Quotidien, non seulement découvrit le voleur, mais encore retrouva l'inestimable joyau de la collection Chauchard.

Ce fut à cette occasion que M. Tapinois conquit ses premiers galons de reporter criminel, au grand dam d'un certain brigadier Paimpol, de la Sûreté générale, qui, dans cette aventure tragi-comique, fut lamentable.

Depuis cet instant, la gloire du Grand Quotidien et, nécessairement, celle de son collaborateur, n'avaient cessé de grandir, servies par une succession de « mystères » criminels retentissants où la police avait joué de malheur.

Par un effet du hasard, le brigadier Paimpol – gros homme, un peu commun d'allure, et dont la face large et fortement colorée s'adornait d'une moustache de palikare, d'un noir de jais, sous laquelle la bouche disparaissait, – s'était presque toujours trouvé sur le chemin de M. Tapinois, de l'élégant M. Tapinois, à qui l'habitude des sports avait conservé une jeunesse d'aspect et d'allure paradoxale que ne démentait pas son visage aux traits fins où n'avait poussé, sur la lèvre supérieure, qu'un minuscule filet de poils blonds.

Or, Paimpol n'avait pas eu à se louer de ses rencontres avec son adversaire, car une guigne persistante n'avait jamais cessé de le poursuivre.

Mais voici que la veine paraissait abandonner à son tour M. Tapinois, et, avec lui, le Grand Quotidien.

Quatre mois avant le jour où avait paru dans ce journal la singulière annonce d'un crime inconnu, telle qu'on l'a lue dans le chapitre précédent, il s'était produit un tragique événement qui, en raison de la personnalité de celui qui en avait été la victime, avait soulevé à Paris et dans toute la France une émotion considérable.

Un pêcheur qui, à l'aurore brumeuse d'une matinée de l'automne précédent, relevait ses « verveux », posés la veille dans l'étang de Trappes, avait fait remonter à la surface de l'eau le cadavre d'un homme.

Le parquet de Versailles, dont Trappes n'est éloigné que de quelques kilomètres, prévenu par la gendarmerie, s'était aussitôt transporté sur les lieux, et, grâce aux papiers trouvés sur le mort, l'identité de celui-ci avait été immédiatement établie.

Il s'agissait de M. Bardin – Jacques Bardin – le richissime propriétaire des Magasins Universels dont la réputation est, peut-on dire, mondiale.

L'affaire prenait, de ce fait, une telle importance qu'avant de poursuivre plus avant leurs investigations, les magistrats du parquet avaient téléphoné à la Sûreté générale pour demander son concours.

Une heure plus tard, le brigadier Paimpol – toujours lui ! – accompagné de deux ou trois inspecteurs, faisait son apparition.

Se penchant sur le cadavre qu'on avait naturellement retiré de l'eau pour l'étendre sur la rive, il l'examina avec attention. Puis, après avoir posé quelques questions, notamment sur l'endroit où on l'avait découvert (à quelque distance du bord, trois mètres à peine, fut-il répondu), il déclara péremptoirement que M. Bardin s'était suicidé.

« Remarquez, messieurs, dit-il, que les vêtements du défunt ne présentent aucun désordre : donc, il n'y a pas eu lutte.

« Considérez ensuite que M. Bardin est encore coiffé d'une casquette de voyage, qui, dans les mouvements désordonnés qu'il eût dû faire pour se défendre, ne serait certainement pas restée sur sa tête.

« Troisième point : M. Bardin n'a pas été dépouillé de ses bijoux : épingle de cravate, bagues, montre, chaîne, bourse en or et menus objets de toilette, qui sont tous de très grande valeur.

« Enfin, vous m'avez dit que vous aviez trouvé dans son portefeuille une somme relativement considérable : dix mille francs en billets de banque.

« Si, à ces constatations matérielles, on ajoute cette considération qu'il est bien difficile d'expliquer autrement que par l'idée d'un projet funèbre la présence de M. Bardin dans un endroit aussi isolé, on conviendra qu'on ne saurait conclure autrement que je l'ai fait. »

Le raisonnement du policier était assez solidement étayé.

Certes, il restait à déterminer les motifs qui avaient pu pousser le défunt à cet acte de désespoir ; cela devait faire l'objet d'une enquête plus approfondie.

Pour peu qu'on songeât à la situation de cet homme, possesseur d'une fortune évaluée à plus de quatre cents millions, jouissant, à soixante ans passés, d'une santé que bien des jeunes gens lui eussent enviée, heureux en affaires, il sautait aux yeux qu'il ne fallait point orienter les recherches du côté des préoccupations matérielles.

D'autre part, M. Bardin était veuf depuis dix ans et on ne lui connaissait aucune liaison qui eût pu lui causer des mécomptes. Mais peut-être avait-il éprouvé, sur le tard, une de ces passions qui troublent les cerveaux les plus solides ?

« C'est là, sans doute, que gît le lièvre, s'était dit le brigadier Paimpol, qui ne manquait pas d'un certain sens psychologique. Nous verrons ça demain... »

Mais le lendemain, ce fut bien autre chose !

Les journaux du matin, y compris, naturellement, le Grand Quotidien, avaient répandu dans Paris la nouvelle de la mort tragique de M. Bardin.

Dès l'ouverture des bureaux de la Sûreté, des amis du défunt s'y présentèrent spontanément, et déclarèrent que l'avant-veille, au cours de la nuit même qui avait précédé la découverte de son cadavre dans l'étang de Trappes, le richissime négociant chez qui ils avaient passé une dernière semaine de chasses, les avait reconduits en auto de son château de Jolibois, dans la Sarthe, à la gare du Mans où ils avaient pris, pour rentrer à Paris, l'express d'une heure du matin.

Ils savaient, du moins celui-ci l'avait annoncé, que leur hôte projetait de rester encore un ou deux jours à Jolibois pour régler des questions d'intérêt avec ses fermiers.

Quand ils le quittèrent, M. Bardin était très gai, aussi gai qu'eux-mêmes d'ailleurs, car le dîner, l'après-dîner surtout, s'étaient prolongés jusqu'au moment du départ qui avait eu lieu vers minuit trente, en raison du peu de distance qui séparait Jolibois du Mans – une vingtaine de kilomètres à peine – et la cave du château, « ma bibliothèque », l'appelait M. Bardin, contenait notamment une certaine fine champagne 1803 à laquelle tout le monde avait fait honneur.

*

UNE enquête sommaire demandée téléphoniquement au parquet du Mans apprit, quelques heures plus tard, que M. Bardin avait quitté la gare du Mans peu après le départ de ses amis, et qu'il avait pris la direction de Jolibois, mais qu'il n'avait pas reparu au château où on l'avait vainement attendu toute la nuit.

L'affaire se compliquait.

Évidemment M. Bardin avait eu le temps de se rendre en auto du Mans à Trappes avant le lever du jour. Mais où était cette auto que personne n'avait aperçue, du moins aux environs de l'étang ?

Une battue, immédiatement organisée dans un rayon de plusieurs kilomètres autour de Trappes, ne donna aucun résultat.

Entre temps, le médecin légiste chargé de procéder à l'autopsie avait conclu, ainsi qu'on s'y attendait d'ailleurs, à l'asphyxie par immersion, mais il ajoutait que le décès devait remonter à près de quatre heures avant la découverte du cadavre.

Les ténèbres s'épaississaient.

Un télégramme qu'on reçut, dans la soirée, du Procureur de la République de Caen, n'était pas fait pour les dissiper.

La description très complète de l'auto disparue avait été télégraphiée à tous les parquets qui, eux-mêmes, avaient avisé les brigades de gendarmerie de leur ressort.

Caen annonçait qu'une voiture abandonnée, répondant au signalement, avait été trouvée près de Mézidon, avec deux pneus éclatés et son réservoir d'essence à sec.

Cette fois, c'était la nuit, une nuit complète dans laquelle la justice et la police se perdirent.

Paimpol se consolait, cependant, de cet échec, en songeant que le Grand Quotidien qui, il en était certain, « marchait », lui aussi, sur l'affaire, ne semblait pas plus heureux.

Le fameux journal – sa bête noire – gardait, en effet, au sujet de cette mystérieuse aventure, un silence inaccoutumé.

« Ce qu'il doit rager, le Tapinois », ricanait le policier en clignant l'œil droit et en haussant l'épaule gauche.

Quelqu'un qui, à l'heure du chocolat, eût pu pénétrer auprès du reporter, dans cette matinée du 15 mars 1924 où, suivant l'opinion manifestée par ce lecteur courtaud et replet que nous avons présenté dans notre premier chapitre et que tout le monde a maintenant reconnu, le Grand Quotidien essayait d'aiguiller l'opinion sur un nouveau mystère destiné à faire oublier l'affaire Bardin, aurait peut-être pensé que le policier ne s'illusionnait pas.

À demi renversé dans un large fauteuil d'osier dont le dossier s'inclinait fortement en arrière, le nez en l'air et les yeux perdus vers le plafond de la salle à manger où se balançait une merveilleuse lanterne chinoise, souvenir d'un de ses lointains voyages, M. Tapinois, négligeant son déjeuner qui refroidissait, tiraillait nerveusement, sans prononcer une parole, les poils follets de sa moustache de collégien.

« Tu as du souci, n'est-ce pas ? » s'inquiéta sa mère que cette attitude inaccoutumée surprenait.

À cette question, le reporter, si calme d'ordinaire, ne fut pas maître d'un geste d'agacement.

« Ils m'ennuient, à la fin, ces messieurs de la police, » s'exclama-t-il en se redressant.

Et comme la vieille dame, étonnée de cette sortie, l'interrogeait du regard :

« Comprends donc, maman, poursuivit-il : ils viennent encore une fois de me prendre ma dactylo, sans doute pour la faire parler sur ce qu'elle a pu apprendre de mes secrets...

« Du reste, continua-t-il au bout d'un instant, tandis qu'un sourire moqueur détendait son visage, j'ai pris mes précautions. Ce qui m'irrite, vois-tu, c'est que je vais être obligé de chercher une autre secrétaire et de l'habituer, ensuite, à mes petites manies... Que de temps perdu inutilement !

— Il me semble pourtant, qu'en ce moment, ce dont je suis loin de me plaindre d'ailleurs, tu n'es pas très occupé.

— Il y a du vrai dans ce que tu dis, maman, répliqua M. Tapinois, mais cela va changer dès aujourd'hui. »

Pour le prouver sans doute, il se leva et vida d'un trait sa tasse de chocolat.

Où l'on apprend du nouveau.

 

SI la police représentée, à nos yeux, par le brigadier Paimpol avait « tiqué » sur le crime mystérieux annoncé par le Grand Quotidien, le public avait gardé une indifférence à peu près complète.

Il eût fallu d'autres détails et plus dramatiques, pour qu'il fût empoigné dès le début. Il n'en avait pas été de même des journalistes et surtout des collaborateurs de M. Tapinois, en qui chacun avait immédiatement deviné l'auteur d'un « papier » dont l'intérêt ne pouvait échapper à des gens du métier : le « patron », ils le savaient par expérience, n'aurait pas laissé passer une information d'une pareille singularité, s'il n'avait été convaincu qu'elle reposait sur des bases sérieuses et que la renommée du journal n'avait qu'à gagner à sa publication.

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