Les vies imperméables
45 pages
Français

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Les vies imperméables , livre ebook

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Description

Tomber amoureux de la plus belle fille du lycée, comme tous les garçons de son âge ; finir la semaine au Café des Amis avec les collègues du chantier ; cuisiner un gâteau pour faire plaisir à sa mère, qui semble dormir sur le canapé du salon ; rencontrer par hasard au restaurant un ancien camarade de classe ; s’entendre dire par sa fille de quinze ans d’ « aller se faire voir ». Une relation qui se termine, une autre qui commence. Une mémoire qui flanche, une vie qui bascule…Dans Les vies imperméables , chacune des nouvelles saisit avec humour et tendresse des instants de vie ordinaires. Il est parfois difficile d’échapper à son quotidien, aussi terne soit-il. D’ailleurs, personne n’essaie vraiment. Les personnages se contentent de vivre, ils espèrent des lendemains meilleurs, une rencontre, un signe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2011
Nombre de lectures 36
EAN13 9782363150479
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les vies imperméables
Arnaud Dudek
ISBN 978-2-36315-173-5

Juillet 2011
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et in dits pour un nouveau plaisir de lire.

Table des mati res

Le gâteau
Fin de semaine
Jeune fille
Les corps perdus
Stéphane Mouillard
De vraies vacances
À l'intérieur
Oublié
Au commencement
Le col du fémur
Au temps des usines
La souplesse
À rendre pour le...
Méprise
Pardonnez-nous
Des kilomètres de vie en rose
Les vies imperméables
Après Dolorès
Parallèles
Existe en blanc
Puzzle
Martin Chancel
Biographie
Le gâteau
Une cuisine fonctionnelle, au charme soviétique. Un camaïeu de gris du sol aux placards tachés de graisse. Deux assiettes sèchent à côté de l'évier. Un réfrigérateur robuste ronronne à côté d'un lave-vaisselle en panne. Sur le rebord de la fenêtre, au dessus d'un radiateur en fonte, le tire-bouchon en métal a dû connaître plusieurs guerres mondiales.
Léo s'agite bientôt au centre de la pièce. Cheveux rouges, hirsutes. Sur ses épaules de mouche, un T-shirt Lucky Luke trop large. Son jeans est arrimé à sa taille de crevette par une ceinture Mickey fluorescente. Une croûte violacée sur le coude (lacets capricieux, mauvaise chute dans la cour). Entre ses mains, il tient un récipient en pyrex. Il s'appelle Léo, mais il pourrait aussi bien s'appeler Tom, ou Hugo. Il est deux fois moins vieux que le frigidaire. Ce mercredi-là, Léo a décidé de cuisiner un gâteau.
Sa mère dort au salon, vautrée dans un canapé rouge vif, le nez dans une pile de vêtements sales. En attendant son réveil, Léo reproduit par tâtonnements successifs des gestes qu'il a vus souvent faire. Un yaourt nature, deux doses de sucre, un sachet de sucre vanillé, deux œufs, trois doses de farine. Et puis de l'huile de tournesol, qu'il verse lentement dans la mixture, tirant un bout de langue rose, au paroxysme de la concentration. Léo grimace. Ses yeux brillent comme ceux d'un chercheur qui vient de trouver une formule capable de sauver une partie de l'humanité. Il a oublié la levure.
Au garde à vous, à côté du pot de yaourt vide, Flipper le regarde pensivement. Le dauphin en peluche trouve que Léo s'en sort à merveille.
« Je mets au four ? »
Flipper semble d’accord. Sa mère a dû lui donner ce nom en hommage à la série télé de sa jeunesse. Flipper est le deuxième meilleur ami de Léo, après Samy Bentaïeb, le voisin du dessus. Un gamin plus jeune que lui de sept mois. Il fait donc beaucoup plus bébé que notre jeune pâtissier (la grand-mère de Léo le trouve mal élevé et sournois : elle est un peu raciste, mamie). Léo aime passer du temps avec Samy. Jouer à la guerre, diriger des armées, tirer de toutes les armes à feu qu’ils ont sous la main, faire pleuvoir des balles drues comme la grêle sur leurs ennemis invisibles. S’ils ne partagent plus la même table, à l’école, c’est parce que Madame Large les a séparés avec colère. Madame Large est une sorcière, sa voix est plus grave que celle de l’oncle Jacques qui pourtant fume deux paquets de cigarettes par jour. Samy l’appelle le travelo, ça fait rire tout le monde, même si personne ne sait ce que ce mot signifie. A cause du travelo, Léo cohabite désormais avec Alexandra Calet, une paire de lunettes géante, moche comme un pou. La honte.

Une bonne partie de la pâte est entrée dans le moule. Léo l’enfourne sans se brûler. Il reste un long moment à regarder son œuvre brunir. C’est fascinant, un gâteau qui cuit. Faute de levure, le dessert ne gonflera pas. Mais il aura de l’allure. Maman le trouvera magnifique, songe Léo en serrant Flipper contre sa poitrine. Elle se lèvera, frottera ses yeux embués de sommeil, entrera dans la cuisine, épuisée, vidée. L’odeur du gâteau caressera alors ses narines. Elle lui pardonnera l’état de la table, théâtre d’opérations militaires dévastatrices, champ de bataille infâme, auquel il ne manque que le clairon. Elle regardera son fils comme s’il était une personnalité de premier plan, un petit génie, un cuisinier étoilé. Maman sera fier de lui.
Peut-être que, cette nuit, maman ne criera pas au milieu d’un nouveau cauchemar. L’avenir ne lui fera pas peur. Ce sentiment de fierté ne se dissipera pas avant plusieurs jours. Peut-être même que maman ne pleurera plus jamais. Un jour, il travaillera et lui offrira une voiture. Un jour, quand il aura des sous. Une Mini Cooper. Comme la dame du troisième, la bourgeoise, celle qui rentre toujours tard et jamais avec le même mari.
En attendant la voiture, un gâteau, c'est pas si mal.
Mais pour l’instant, Maman dort au salon, vautrée dans un canapé rouge vif, le nez dans une pile de vêtements. Sommeil aussi paisible que profond. Un tube de médicaments a roulé sous le canapé. Il est vide.
Fin de semaine
Nous nous installons tous les vendredis, vers cinq heures, au fond du Café des Amis, près du flipper qui ne rapporte plus un sou. La semaine de labeur s’oublie sous l’effet des pressions pur malt. Le patron les sert aux habitués avec un clin d’œil complice.
Les sous-bocks de nos spéciales tournent entre nos doigts. Nous les réduisons lentement en miettes, morceau par morceau. On discute, on se moque, on s’énerve. Le nouveau chef de chantier est une baltringue… Ce n’est pas vraiment de sa faute, il manque de connaissances pratiques... Depuis que Momo s’est blessé avec un pistolet à clous, on doit s’en contenter... Les intérimaires, il n’y a pas à dire, ce n’est pas pareil, il faut les former, on perd du temps...
Les mégots de Gauloise s’écrasent dans le cendrier. Titi paie la tournée : le club de football qu’il supporte vient de subir sa quatrième défaite d'affilée. Il se console en écoutant les histoires salaces de Roland. C’est vrai qu’elles sont drôles, ses histoires, même si on ne les raconte jamais quand on rentre chez nous. Surtout pas devant les enfants !
Les enfants… L’aîné (quel engin, celui-là !) n’a pas réussi ce trimestre à intercepter son bulletin scolaire. « Plonge dans les profondeurs de la nullité ». Il n’y va pas de main morte, le prof. De quoi momifier le gaillard près du radiateur. Il restera le trublion en chef, pis c’est tout. Comment lui en vouloir ? Nous ne sommes pas des exemples. On a quitté l’école à quinze ans pour intégrer l’entreprise de travaux publics où nos pères et nos grands-pères s’étaient déjà cassé les reins. Pas étonnant que le fiston souhaite suivre ce chemin. Quel gâchis ! Des diplômes lui auraient ouvert quelques portes, c’est sûr. Malgré tout, il l’aura, à Noël, son scooter : nous casserons le livret d’épargne.
Les bières font leur effet. Nous nous succédons aux toilettes, des toilettes aussi propres que celles de cellules de dégrisement. Le jeu consiste à frapper les mouches d’un jet d’urine précis. Ça fait gueuler le patron.
Coup d’œil à l’horloge murale. Combien d’ouvriers ont surveillé l’heure du retour sur cette horloge ? C'est pas tout ça, mais il est temps de rentrer au bercail. Nous nous quittons sur une solide poignée de main. Nous nous croiserons sans doute dimanche au marché, devant le stand du volailler, avec une épouse dans une main et la marmaille dans l’autre. Le vendeur demandera si nous voulons de la sauce avec le poulet, et on se regardera gêné. On aura envie de se retrouver au café, pour une partie de Rapido et un verre de Folie Douce, l’apéro local. Mais cette Folie Douce, même fraîche, aura un avant-goût de lundi.

La vieille Renault, modèle en vogue en Roumanie, s’arrête devant la maison. La boîte aux lettres est cabossée : samedi, promis, quelques coups de marteau lui redonneront de l’allure. L’alcool nous rend plus déterminés que jamais. Nous retrouvons avec bonheur femme et enfants. Brigitte a pris douze kilos en douze ans de mariage, les monstres sont moins bien élevés que des chimpanzés, mais c’est notre famille. Les buveurs de bière du vendredi soir aiment la vie.
Un bonheur à peine gâché par la belle-mère. Elle hurle en patois sur les gosses, les traite d’effrontés (nous, on passe pour des alcooliques). Son seul méri

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