Océan
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Automne imminent, ciel grisonnant. Des feuilles brunes tournoient sur la plage. Le sable est comme gelé, une légère brise matinale fait vibrer le filet de beach-volley. La serveuse d’un restaurant sur la plage passe le chiffon sur une table de la terrasse, abritée par une bâche. Les vacances sont terminées. Les clients du restaurant se font plus rares, le travail va devenir plus ennuyeux. Son travail achevé, elle s’assied sur les marches de bois qui donnent sur le sable, face à l’océan. Elle le regarde. La vision de cette immensité azure soulève en elle une multitude d’émotions distinctes, opposées, se mélangeant, jouant à cache-cache. Elle n’arrive plus à savoir si elle est heureuse, si elle est satisfaite. Tout est embrouillé, et pourtant si clair. Elle pense à son travail, à sa famille, à sa vie sentimentale. Elle pense à sa vie, son destin, le chemin qu’elle suit, chemin au bout duquel elle distingue une étoile qu’elle vise mais n’atteindra jamais. Pourtant elle poursuit sa route, une route parmi tant d’autres, insignifiante pour la plupart mais importante pour ceux qui comptent. Elle pense au prénom qu’on lui a donné, aux choix qu’elle a faits. Elle pense aux courses qu’elle a faites la veille pour elle et son petit ami, elle pense qu’elle a oublié les œufs. Elle pense à l’océan, regarde les reflets que le soleil, à la lueur masquée par de grands stratus, lui confère. Elle pense à sa vie, puis à l’océan. Elle considère les deux, essaie d’établir des liens.

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Publié le 16 novembre 2013
Nombre de lectures 23
Langue Français

Extrait

OCEAN
Automne imminent, ciel grisonnant. Des feuilles
brunes tournoient sur la plage. Le sable est comme gelé,
une légère brise matinale fait vibrer le filet de
beach-volley. La serveuse d’un restaurant sur la plage
passe le chiffon sur une table de la terrasse, abritée par
une bâche. Les vacances sont terminées. Les clients du
restaurant se font plus rares, le travail va devenir plus
ennuyeux. Son travail achevé, elle s’assied sur les
marches de bois qui donnent sur le sable, face à l’océan.
Elle le regarde.
La vision de cette immensité azure soulève en elle
une multitude d’émotions distinctes, opposées, se
mélangeant, jouant à cache-cache. Elle n’arrive plus à
savoir si elle est heureuse, si elle est satisfaite. Tout est
embrouillé, et pourtant si clair. Elle pense à son travail, à
sa famille, à sa vie sentimentale. Elle pense à sa vie, son
destin, le chemin qu’elle suit, chemin au bout duquel elle
distingue une étoile qu’elle vise mais n’atteindra jamais.
Pourtant elle poursuit sa route, une route parmi tant
d’autres, insignifiante pour la plupart mais importante
pour ceux qui comptent. Elle pense au prénom qu’on lui
a donné, aux choix qu’elle a faits. Elle pense aux courses
qu’elle a faites la veille pour elle et son petit ami, elle
pense qu’elle a oublié les œufs.
Elle pense à l’océan, regarde les reflets que le
soleil, à la lueur masquée par de grands stratus, lui
confère. Elle pense à sa vie, puis à l’océan. Elle considèreles deux, essaie d’établir des liens. Elle pense à la
philosophie. Elle s’y intéresse, parfois. Elle remercie
l’océan pour l’inspiration qu’il lui offre, elle pense
qu’elle aurait assez de matière pour commencer un
roman, ou une nouvelle. Elle pense qu’il y a encore de la
vaisselle qu’elle a oubliée au restaurant, derrière le
comptoir. Elle pense à l’océan. Puis elle se lève, retourne
derrière son comptoir, et aperçoit un homme assis au bar,
un bouquin à la main, qui attend qu’on vienne le servir.
Elle ne l’avait pas remarqué, celui-là.
Plus loin sur la plage, devant un restaurant
concurrent, un vieil homme vient s’allonger sur une des
chaises longues installées sur le sable, à disposition des
clients. Il profite de ces transats qui vont bientôt être
enlevés, parce que les vacances d’été sont terminées.
L’homme retire son béret, et fixe le phare de Cordouan
qui s’élève au loin. Puis son regard se déplace pour se
poser sur l’océan. Un milieu à la surface lisse, calme,
mais un milieu si complexe.
Alors qu’il fixe l’océan, une vague de souvenirs le
submerge. Il a une longue vie derrière lui, il a commis
des erreurs, regretté ces erreurs. Maintenant il n’a plus
que peu de choses, qui lui suffiraient presque. Il sait qu’il
n’a plus beaucoup de choses à vivre. Il pense à la vie
qu’il a laissée en plan il y a bien longtemps, ici, à Royan.
Il pense à sa fille qu’il a lâchement abandonnée, à sa
femme qu’il a laissée sans le sou, tout aussi lâchement. Il
pense qu’il est un idiot. Il pense que tout n’est pas perdu.
Il pense à la séance de dédicace qu’il doit donner à lalibrairie de Saint-Georges dans quelques heures, pour son
roman fraîchement publié. Il pense que c’est le premier
qu’il publie sous son véritable nom.
Il pense au titre de son ouvrage, et à pourquoi il
l’a appelé comme ça. Océan. Il pense à ce qu’il avait dit à
sa fille en la quittant : « Si je te manque, si tu te sens
perdue, regarde l’océan. Moi aussi je serai en train de le
regarder. » Il pense que sa fille ne regarde plus l’océan
maintenant, elle a certainement autre chose en tête. Puis
il se lève, et regagne la promenade.
Dans le premier restaurant, la serveuse, curieuse,
demande à l’unique client du restaurant le nom du livre
qu’il est en train de lire. Le client lève la tête, sourit et
répond : « Océan, d’Antoine Serrève. C’est vraiment
passionnant. » La serveuse remercie le client, avant de se
replonger dans ses pensées. Une autre serveuse entre.
Elle salue la première et lui lance : « Tu peux partir,
Claire. Je te remplace. » Claire Serrève répond d’un signe
de tête, prend ses affaires et sort du restaurant, direction
la librairie. Elle pense qu’elle a un livre à acheter.

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