Terminus
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Un premier jet, primiera rajada en occitan.

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Publié le 08 février 2012
Nombre de lectures 72
Langue Français

Extrait

Terminus
Ce matin là, comme tous les autres, je sors de chez moi tôt. Il est six heures et quart. Je
descend ma rue pour me retrouver dans les
interminables couloirs du métro parisien.
Quelques rares personnes marchent vers un embarcadère. Des travailleurs du matin en tous
genres. Je débouche sur un quai. Certains bavardent, d’autres patientent seuls, lisant, écoutant
de la musique ou rêvant. On me salue. Un jeune type mal rasé me demande une cigarette. J’en
sors une de mon paquet et la lui tends. Il me remercie et, dans une quinte de toux, rejoint un
ami à lui. L’ambiance est chaleureuse. De nulle part surgissent les douces mélodies d’un
violon ou d’une guitare, œuvres de musiciens anonymes. Peu à peu, au fil des minutes, les
gens arrivent en masses. Tous se croisent, s’interrogent du regard, se bousculent et s’excusent.
Certains ne s’excusent pas. Plus loin, sur des sièges, une vieille femme s’éveille. L’ambiance
accueillante de toute à l’heure disparaît peu à peu. La foule s’accroît. Les gens sont pressés,
malpolis. Certains portent les stigmates d’un sommeil trop présent. D’autres affichent un air
joyeux. Un jeune couple homosexuel est pris en dégoût par une majeure partie de l’assistance
dés qu’ils arrivent. Moi, j’observe les gens. Je les scrute. Je tente de savoir, d’après leurs
styles vestimentaires, leurs visages, quelle est leur profession. Mon oeil s’accroche et mon
esprit s’envole, dans un lointain. Une vague rumeur s’élève de l’un des tunnels ; un métro
arrive. Il est d’un blanc cassé. Ses portes s’ouvrent dans un bruit strident. Les masses se
précipitent, à l’assaut de rares places assises. Moi, je me dirige d’un pas lent vers un second
wagon, visiblement vide. Il l’est. A l’exception d’une jeune fille. Elle est belle. Ses cheveux
noirs comme l’ébène et ses vêtements, pareillement sombres, soulignent une froide pâleur.
Elle est belle. Je ne peux détourner mon regard de ce corps si pur et si beau. C’est l’un de mes
vices. Bien qu’étant âgé j’aime encore et d’autant plus les formes des jeunes adolescentes. A
défaut de ne pouvoir faire autre chose je les dévore des yeux. Je les croque sur mon carnet à
dessin et les contemple le soir avant de me coucher. Je trouve mes modèles principalement sur
les lignes de métro et, occasionnellement, dans des cafés perdus au milieu de quelque rue
piétonne. Muni de mon seul crayon et de mes yeux je les déshabille, les scrute dans les
moindres détails. Je n’ai que faire de leurs regards outrés, regards de lionnes en furie. Au
contraire, ils m’excitent. Elle, ne me voit pas. Elle dort. Je ne peux résister à une pulsion
sauvage et m’assieds à ses cotés. La jeune femme ne se réveille pas. Je l’admire. Mais je
n’arrive pas à la dessiner. Alors, frustré et ne pouvant m’empêcher d’aller plus loin je fais
tomber ma mine par terre et dois me pencher pour le ramasser. Elle est en mini jupe. Ma main
heurte sa cuisse. Je dois m’arrêter, reprendre mon crayon. Je m’y efforce. Je ne suis pas un
pédophile, un violeur non plus mais je ne parviens pas à en saisir les courbes et pourtant elle
se tient là, contre moi. Mes mains frémissent, bouillonnantes d’envie. Dans un virage sa tête,
dans son sommeil, tombe sur mon épaule. Un frisson de plaisir me parcourt, me chatouillant.
Alors, conscient de ce que je fais, je lui soulève une mèche de cheveux et lui caresse
doucement les joues. Un sourire semble se dessiner sur son adorable minois. Je pose ma
seconde main sur sa cuisse nue. C’est à présent une réelle expression de contentement
qu’exprime tout son corps. D’un regard victorieux je balaie le wagon. Et c’est là que je vois.
Des taches sombres, semblables à du sang. Elles sont partout. Certaines sont fraîches. Et alors
une main froide me touche l’épaule. Celle de ma voisine. A présent son visage n’exprime plus
la joie mais une colère froide, une expression triomphante aussi. Elle semble m’indiquer
quelque chose. Je me lève, prêt à m’enfuir. C’est une mauvaise idée ; une multitude de corps
nus me font barrage. Ce sont toutes mes victimes, celles dont j’ai épinglé le dessin au mur de
mon appartement. Celles aussi que j’ai connues et qui m’ont aimées. Leurs visages sont flous
mais assez nets pour que je puisse reconnaître sur l’un d’eux le portrait de ma mère, première
proie de mes dessins. Elles sont toutes là, pour moi. Je dois rêver. Je crie et me retourne vers
ma voisine. Ses yeux sont injectés de sang. Ils sont rouges. Elle ouvre la bouche, dévoilant
deux canines jaunâtres encore maculées d’un sang frais. Elle s’approche de moi. Je recule.
Elle avance. Je cède du terrain. Je finis acculé à l’extrémité du compartiment. C’est la
première fois de ma vie qu’une femme a le dessus sur moi. Dans une effroyable lenteur elle se
penche vers moi et me susurre à l’oreille un reproche qui pour moi résonne comme un cri ;
mauvais garçon. Ce mot est repris par toutes qui, en chœur, me le lancent tels des poignards.
Elles rient à gorge déployée. Le vacarme est assourdissant. Une ultime fois je contemple leurs
corps de déesses. Et puis elles disparaissent, se décomposant en un tas de chair, d’os et de
sang. Une odeur de moisi apparaît alors. Seule demeure cette jeune beauté. Je veux me relever
mais elle m’en empêche. Sa force est surhumaine. C’est celle d’une vengeance sourde qui se
délivre enfin. Elle reste un moment à me dévisager comme j’en ai dévisagées tant d’autres
mais son regard est chargé d’une haine qui ne connaît de limites. Il me fait mal. Après ce long
silence elle m’attrape à la gorge et commence à serrer. L’air a du mal à pénétrer dans mes
poumons. Je la supplie. Elle s’arrête, relâche son étreinte puis, inexorablement, resserre. Son
visage rayonne de joie. Ses doigts eux, sont devenus serres. Je crois sentir des griffes. C’est en
fait mon sang qui, dans une douloureuse lenteur, s’écoule hors de ma gorge. Je commence à
délirer. De la réalité ne reste que la douleur. Elle joue avec moi. Me faisant haleter, suer. Et
puis, lasse de ce petit jeu macabre elle serre une ultime fois. J’entends ma nuque craquer. Plus
rien. C’est fini.
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