L anti-américanisme au sein de la gauche socialiste française
239 pages
Français

L'anti-américanisme au sein de la gauche socialiste française , livre ebook

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Description

L'anti-américanisme constitue depuis le XVIIIe siècle une donnée centrale de la vie culturelle et politique en France plus que dans tout autre pays européen. Plus récemment associé à un parti plus modéré comme le parti socialiste français, le discours anti-américain des socialistes ne débute qu'à partir des années 70. Il est intéressant de s'interroger sur cette situation au sein du panorama politique français.

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Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 187
EAN13 9782296252165
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A ma famille et mes amis pour leur soutien précieux A mon Oncle Marcel Bem parti trop tôt…
INTRODUCTION
On peut situer l’origine de l’antiaméricanisme français au dix huitième siècle. Il constitueune donnée centrale de la vie culturelle et politique en France, plus que dans tout autre pays européen. Parmi les quelques spécialistes de l’antiaméricanisme en France, Philippe Roger, disciple et spécialiste de Roland Barthes, a ainsi mis en évidence qu’il est apparu avec la philosophie des lumières. Il explique en sémiologue l’expression de cet antiaméricanisme français se présentant comme une stratification de discours négatifs qui deviennent une tradition, transmised’une génération à l’autre. Il analyse l’étrange sentiment, où attirance et répulsion pour ce pays se mêlent, comme si les Français étaient jaloux et déçus du petit frère devenu trop grand. A la lecture des analyses faites à ce sujet on comprend pourquoi l’antiaméricanisme est un serpent de mer. Les annonces répétées de sa disparition alternent avec la dénonciation de sa réémergence. En effet, avec l’effondrement du communisme et la « fin de l’Histoire » selon l’expression duphilosophe Fukuyama, on pouvait penser que la victoire du monde occidental et de ses valeurs accroîtrait le prestige de l’Amérique, etferait de l’antiaméricanisme une culture vieillissante. Il n’en fut rien. L’antiaméricanisme redouble même d’intensité et de diversité dans son réquisitoire. Il encombre,plus que jamais, le discours politique français aujourd’hui et brouille notre perception démocratique. Il entretient un climat de suspicion dommageable entre deux Etats anciennement alliés et dont la solidarité importe au monde.
Quel est le ciment de l’antiaméricanisme ? Comment le discours se construitil ? Comme le dit F. Lessay, il « est constitué d’une passion négative dont les formes d’expressions varient selon la place occupée dans le spectre idéologique, le degré de culture, le 1 moment historique » . Nous verrons cependant dans ce travail de recherche que les traits caractéristiques de la logique antiaméricaine sont récurrents : la sélection des preuves, la contradiction interne du réquisitoire, la désinformation ou l’omission volontaire. Il faut par
1 « Histoire et actualité de l'antiaméricanisme en France et ailleurs », Collectif,Cahier d'histoire sociale n°21, Albin Michel, 5 févr. 2003
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ailleurs écarter certains préjugés de lecture et éclairer sur ses intentions : Rejeter l’antiaméricanisme n’est pas se comporter en dévot des EtatsUnis. Il ne s’agit pas ici de remplacer une passion par une autre, mais bien de se libérer de tout fantasme ou préjugé encombrants. Or, dans la plupart de ses manifestations, l’anti américanisme est, comme l’a démontré Georgy Katzarov, « pauvre en 1. argumentation et fort en polémique » Avec l’académicien et auteur libéral Jean François Revel, dans l’Obsession Antiaméricaine, on comprend qu’il faut distinguer entre l’antiaméricanisme et la critique des EtatsUnis. L’objet de notre réflexion sur l’antiaméricanisme n’est pas, en effet, de condamner toute critique des EtatsUnis. Celle ci, au contraire, « est nécessaire à condition de s’appuyer sur des informations exactes et de porter sur des abus, des erreurs, ou excès qui existent réellement, sans ignorer de façon délibérée, les bonnes décisions, les interventions salutaires ou bien intentionnées, les actions couronnées de succès »2. La société américaine n’est pas exempte de défauts et tend parfois le flanc à la critique des erreurs ou abus. Quel pays est irréprochable? Mais l’antiaméricanisme que l’on observe ici est une passion, qui, faisant feu de tout bois, fustige les Américains pour ce qu’ils font et pour ce qu’ils ne font pas, pour ce qu’ils sont. Il repose sur une vision totalisante, sinon totalitaire, et souvent déformée du pays. Pour leurs détracteurs, les EtatsUnis ne sont pas un pays mais une idée abstraite, celle, aujourd’hui, d’une « superpuissance 3. égoïste et arrogante indifférente à tout sauf à son intérêt propre » Les ouvrages de référence sur la question m’ont aidés à comprendre comment déceler la naissance de l’antiaméricanisme et son expression dans les textes, sur quelles logiques et thématiques il s’appuie, comment fournir des contre arguments pertinents.
Mais cette recherche a un champ plus restreint et traite de l’antiaméricanisme au sein la gauche socialiste française, c'estàdire l’ancienne SFIO et l’actuel PS, depuis 1945. C’est un travail dans cette optique, plus précis qui allie donc une notion, l’anti américanisme, et l’histoire et le fonctionnement d’un parti politique.
1 Ibid2  « L'obsession antiaméricaine, son fonctionnement, ses causes, ses inconséquences », JeanFrançois Revel,Pocket, 4 sept. 2003 3 «Regards sur l'antiaméricanisme : Une histoire culturelle », Georgy Katzarov et Hélène Ahrweiler, L'Harmattan, 8 sept 2004
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Cette recherche est pour le moment unique, inédite, singulière et se heurte ainsi à la difficulté de ne pas avoir d’exemple, de tuteur, de référent sur le même thème. Cependant, le défi qu’elle représente est aussi grand que son intérêt scientifique. C’est ce qui m’a poussé à étudier ce sujet original. La question qui s’est d’emblée posée et que nous tenterons de résoudre est de savoir si l’antiaméricanisme existe dans la gauche socialiste française et sous quelle forme. Quelle origine atil ? L’antiaméricanisme de la gauche socialiste française estil autonome ou dépendant culturellement ? Estil structurel ou de l’ordre du discours, c'estàdire stratégique ? Le Parti socialiste estil antiaméricain par essence ou usetil de l’antiaméricanisme qu’en tant qu’outil rhétorique ? Pour répondre à cette problématique plusieurs registres ont été usités : l’histoire politique et l’histoire des idées politiques, la sociologie politique, la communication politique, la science politique. Ceci implique un travail fondé sur des livres et essais universitaires, politiques, d’histoire des relations internationales ou de l’histoire du Parti socialiste, de certaines interviews de personnalités politiques ou universitaires et principalement de documents d’archives car c’est dans les écrits ou les discours que l’on peut déceler de l’anti américanisme. La base de nos sources est essentiellement constituée par la consultation indispensable des documents de base du Parti socialiste (contributions, motions, motions d’orientation des Congrès, comptesrendus des conventions nationales et fédérales, textes publiés à l’issu des comités directeurs ou des réunions du bureau national…) mais aussi toutes les revues doctrinales et celles du parti. Nous nous pencherons surtout sur les discours et interventions écrits ou juste oraux, publics ou à usage interne. Il faut souligner encore que ces sources évoluent légèrement, surtout pour traiter de la dernière partie de ce travail de recherche (des années 1990 aux années 2000) et de nouveaux outils de recherche, comme Internet ou la télévision, vont être utilisés. Cependant, la première difficulté vient du fait que les archives concernant le parti des socialistes sont dispersées, morcelées sinon assez minces. Même en travaillant avec des archives spécifiques au Parti socialiste français : l’OURS, les archives de l’institut Jean Jaurès, les archives du PS rue de Solferino ; ou avec des sources plus généralistes comme : Le centre historique de l’IEP de Paris, la bibliothèque Nationale François Mitterrand, l’INA, tel un gruyère certains pans de l’histoire socialiste restent flous, très minces ou
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disparaissent. Du fait de la structure même du Parti socialiste qui n’est pas une organisation aussi forte et ancrée que certains partis, comme en Allemagne par exemple, on ne trouve que très peu d’archives et ces dernières sont recueillies au gré des dons de personnalités politiques ou de donateurs privés. Néanmoins, nous avons mené un travail de recherche exhaustif et sérieux, traquant le moindre dossier d’archive nous permettant d’étayer notre thèse. La seconde difficulté vient du large éventail de matière que recouvre l’antiaméricanisme. En effet, ce dernier ne concerne pas seulement, nous le verrons, que des sujets économiques ou de relations internationales mais également des thèmes culturels, écologiques… Là encore, nous avons mené un travail minutieux dans le plus grand nombre de domaines. Nous nous intéresserons au discours socialiste avant tout, comment il se construit, comment articuleton ce discours antiaméricain, comment on produit les matériaux idéologiques à l’antiaméricanisme. Il faut préciser que ce discours évolue dans le temps, nous le verrons, surtout avec la médiatisation de la vie politique à partie des années 7080 et l’accession des socialistes aux plus hautes responsabilités qu’offre la Vème République (période Mitterrand). On s’intéressera également aux actions politiques qui sont parfois fortes en symboles. Nos recherches seront sur ces points, exhaustives. Mais, il ne serait pas pertinent de ne se consacrer qu’au seul Parti socialiste en soi. Il faut prendre en compte, dans l’analyse de l’antiaméricanisme socialiste, le parti dans son contexte politique, social et institutionnel, national et international. Son rapport à sa propre culture et aussi ses réactions vis àvis de la culture et de l’opinion politique française. Il faut tenir compte de son environnement politique et culturel durant toute la période étudiée et notamment de l’évolution des rapports dans toute la gauche politique française sans la connaissance,sommaire, de même laquelle un tel travail est nécessairement voué à l’échec. Ainsi, ce que l’on peut d’ores et déjà établir comme hypothèse grâce à ces différents registres, c’est qu’il existe bien de l’antiaméricanisme culturel au sein de la gauche socialiste française. Cet antiaméricanisme structurel reste minoritaire et dépendant idéologiquement, notamment du Parti communiste Français (PCF). Nous démontrerons qu’avec les changements institutionnels et l’expérience de l’exercice du pouvoir, une seconde sorte d’antiaméricanisme : l’antiaméricanisme tactique, va naître au sein du nouveau parti des socialistes à partir des années 70. Beaucoup plus puissant car officiel et médiatisé, cet anti américanisme de discours aura une vocation majoritaire et se servira
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