La gauche et les mouvements "noirs" en Jamaïque
272 pages
Français

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La gauche et les mouvements "noirs" en Jamaïque , livre ebook

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Description

La Jamaïque est traversée par les tendances ouvrières radicales qui agitèrent les Caraïbes anglophones au crépuscule des années 1930. Face à un système colonial qui couple exploitation économique et domination raciale, la gauche et les mouvements "noirs" s'adressent à un public comparable, la classe ouvrière étant presque exclusivement composée de descendants d'esclaves. Ce travail pose la question des stratégies de mobilisation politique employées pour chacune des deux tendances et des rapports entre les notions de race et de classe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 195
EAN13 9782296460997
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA GAUCHE ET
LES MOUVEMENTS « NOIRS »
EN JAMAÏQUE

Enjeux et dynamiques d’une
impasse politique (1938-1980)
Antony CEYRAT


LA GAUCHE ET
LES MOUVEMENTS « NOIRS »
EN JAMAÏQUE

Enjeux et dynamiques d’une
impasse politique (1938-1980)
DU MÊME AUTEUR
Jamaïque, la construction de l’identité noire depuis
l’indépendance, Paris, L’Harmattan, 2009.


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-54726-1
EAN : 9782296547261

Fabrication numérique : Actissia Services, 2013
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier Madame Myriam Cottias pour son aide et sa patience.

Merci aux membres du Centre International de Recherche sur les Esclavages (CIRESC, EHESS, Paris) pour leurs conseils enrichissants.

Merci à Madame Giulia Bonacci , historienne et chargée de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) pour sa coopération.

Merci à Monsieur Abdoulaye Gaye , Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche (ATER) en Etudes Anglophones à l’Université des Antilles et de la Guyane (UAG) pour sa disponibilité lors de notre entretien.

Merci à la Mairie de Vélizy-Villacoublay pour l’aide financière qui m’a été accordée pour conduire mes recherches.
Introduction
D ans son ouvrage Les Jacobins Noirs : Toussaint-Louverture et la Révolution de Saint-Domingue, paru en 1938, C.L.R. James formulait la relation entre race et classe en ces termes : « En politique, la question des races est subordonnée à celle des classes, et raisonner sur l’impérialisme en termes de races ne sert à rien {1} ». Pour un lecteur pressé, la position de l’intellectuel trinidadien ne laisse que peu de place au doute quant au rapport hiérarchique entretenu par ces deux notions : dénoncée dans ces mêmes pages comme une « absurdité {2} », la question raciale ne serait d’aucun secours pour comprendre la sujétion d’une partie de la population dans les Caraïbes. Ce postulat, ainsi que l’engagement politique de l’auteur {3} , illustrent la critique d’une gauche caribéenne caractérisée « par l’absence d’un modèle politique global où les facteurs de classes et raciaux expliquent les rapports de domination régissant la société {4} ». S’il est vrai que C.L.R. James théorise la relégation de la catégorie raciale à un rôle marginal dans l’analyse des relations sociales, ce n’est cependant pas lui faire justice que d’offrir de sa pensée une présentation tronquée. Conscient de la complexité des situations coloniales et postesclavagistes, James se garde de tout dédain absolu pour la question raciale lorsqu’il s’empresse d’affirmer immédiatement qu’« il est tout aussi faux de traiter le facteur racial avec négligence, comme une question purement accidentelle {5} ». Secondaire mais non-négligeable, l’équation raciale est à l’image des peuples colonisés à la veille de la Seconde Guerre Mondiale : dépendante, mais d’une irréductible importance. Bien que l’objectif de ce travail ne soit pas d’étudier la pensée politique du seul C.L.R. James, ce dernier offre plusieurs angles d’approche intéressants du sujet proposé. Contemporain des questions qui nous occuperont par la suite, issu d’une île voisine de la Jamaïque faisant également partie de l’empire britannique, compagnon du socialisme et du panafricanisme, la trajectoire individuelle de James nous invite à réfléchir sur les rapports quasi-intimes entretenus par la gauche et les mouvements « noirs » au XXème siècle dans les Amériques.

Avant de développer le thème de la recherche, un effort de définition s’avère indispensable : qu’entendra-t-on par « gauche », « mouvements noirs », « race » et « classe » ? Au-delà, quels sont les enjeux et les implications de ces différentes notions vis-à-vis du sujet considéré ? La définition d’une idéologie, plus encore d’une appellation générique telle que « la gauche », n’est pas aisée ; en outre, elle ne saurait être comprise en dehors de tout rapport avec « la droite », car le corpus idéologique de la gauche est autant le fruit de l’affirmation de ses valeurs que de sa confrontation avec ses adversaires politiques au travers des mécanismes de la démocratie (comme le débat public ou les pratiques électorales, par exemple). Le choix qui fut le nôtre d’une perspective centrée sur la gauche soulève une première difficulté liée à la pertinence d’une telle segmentation de l’offre politique nationale : en découplant droite et gauche dans le traitement du sujet, le chercheur s’expose au risque de négliger leurs interactions dynamiques, faisant d’elles des ensembles froids et hermétiques. La position de la gauche, chaque fois que cela est possible, n’est donc pas étudiée seulement pour elle-même mais aussi dans sa relation de compétition avec son opposant. Pour autant, s’il ne faut pas négliger l’importance de la droite dans la construction de son alternative politique, l’analyse des rapports entre la gauche et les mouvements « noirs » ne s’en avère pas moins fructueuse. Là où la droite jamaïcaine met traditionnellement l’accent sur la nécessaire collaboration des travailleurs avec les employeurs et recherche le soutien des firmes étrangères dans sa stratégie de développement, le discours de la gauche radicale est centré sur l’amélioration des conditions de travail des ouvriers, l’accès à l’éducation et à la santé et sur la dénonciation de l’exploitation économique par les pays capitalistes. Il ne s’agit pas, bien entendu, de porter un quelconque jugement de valeur sur ces deux groupes politiques, ni d’en réduire la complexité à un simple affrontement entre conservatisme et progressisme. L’objet de cette étude est de souligner que la position de la gauche ne manque pas de rejoindre certaines des préoccupations des mouvements « noirs » engagés pour la défense d’une population d’ascendance africaine confrontée à l’âpreté de conditions économiques et sociales héritées de l’esclavage et du colonialisme.

La seconde difficulté attachée au traitement de ce sujet est d’ordre définitionnel : quels sont les acteurs qui constituent la gauche en Jamaïque ? L’option que nous avons retenue est de considérer une définition endogène de la gauche, c’est-à-dire de s’intéresser aux mouvements et aux individus revendiquant leur appartenance à la famille socialiste et/ou communiste. Cette approche présente l’avantage d’éviter les assignations d’identités politiques à des acteurs qui, en leur temps, auraient pu contester l’attribution de telles dénominations. Elle ne saurait, néanmoins, nous dispenser d’un effort de définition justifiant des regroupements opérés sous le label « la gauche ». Etant donné le panorama étendu des doctrines socialistes et communistes, des différentes versions formulées en différents lieux et différents temps politiques, il a été choisi de ne retenir que le dénominateur commun le plus strict à ces différentes conceptions, c’est-à-dire l’ensemble des idées attachées à l’amélioration des conditions de vie de la classe ouvrière exploitée par le capitalisme économique, en ayant recours à l’action révolutionnaire ou réformatrice. En croisant cette définition avec les allégeances partisanes affichées par les individus, il est possible d’isoler plusieurs acteurs dans cette sphère de gauche. Nous nous intéresserons principalement au People’s National Party (PNP), qui adopta la voie du socialisme en 1940, mais aussi à des groupes politiques de dimension plus modeste (tels que la Jamaica Progressive League, la People’s Educational Organization ou le Workers’ Party of Jamaica entre autres) et aux syndicats émergeant dans la tourmente des émeutes de 1938 (comme le Bustamante Industrial Trade Union, le Trade Union Council puis la National Workers’ Union ). L’intérêt de croiser une définition, même a minima , de la gauche et les revendications individuelles des militants est de réfléchir sur certains mouvements dont les priorités sont éloignées de celles de la gauche telle que définie plus haut. Ainsi

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