Les Haïtiens au Congo

Camille Kuyu

Description

Au lendemain de son indépendance en 1960, le Congo a fait face à un besoin énorme de cadres pour combler le vide laissé par les Belges. Parmi les assistants techniques gouvernementaux recrutés un peu partout, les Haïtiens étaient les plus nombreux. En dépit des difficultés de la vie quotidienne, ces derniers ont joué un rôle important dans la construction de l'état congolais, notamment dans le domaine de l'éducation. Ce livre est une contribution à la réhabilitation des héros de cette assistance technique, et à une réécriture de l'histoire des relations transatlantiques.

Sujets

• Histoire
• Immigration
• Interculturel

Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 01 juin 2006
• Nombre de lectures: 272
• EAN13: 9782296957374
• Langue: Français

Extrait

Les Haïtiens au Congo
Etudes Africaines
Collection dirigée par Denis Pryen

Déjà parus

Adama GAYE, Chine – Afrique : le dragon et l’autruche, 2006. Ali CISSÉ, Mali, une démocratie à refonder , 2006.
Jerry M’PERENG DJERI, Presse et histoire au Congo-Kinshasa, 2006.
Fériel BELCADHI, L’image de la Côte d’ivoire dans le quotidien Le Monde, 2006.
Théo DOH-DJANHOUNDY, Autopsie de la crise ivoirienne. La nation au cœur du conflit , 2006.
Georges Niamkey KODJO, Le royaume de Kong), 2006.
France MANGHARDT, Les enfants pêcheurs au Ghana, travail traditionnel ou exploitation, 2006.
Viviane GNAKALÉ, Laurent Gbagbo, pour l’avenir de la Côte d’Ivoire, 2006.
Daniel Franck EDIATA, L’Afrique dans le système LMD , 2006.
Enoch DJONDANG, Les droits de l’homme : un pari difficile pour la renaissance du Tchad et de l’Afrique , 2006.
Abderrahmane N’GAÏDE, La Mauritanie à l’épreuve du millénaire. Ma foi de « citoyen », 2006.
Ernest DUHY, Le pouvoir est un service, le cas Laurent Gbagbo , 2006.
Léonard ANDJEMBE, Les sociétés gabonaises traditionnelles , 2006.
Gaston M’BEMBA-NDOUMBA, Les Bakongo et la pratique de la sorcellerie, 2006.
Mouhamed Lemine Ould EL KETTAB, Ouadane, port caravanier mauritanien , 2006.
Mouhamed Lemine Ould EL KETTAB, Facettes de la réalité mauritanienne , 2006.
A. C. NDINGA MBO, Introduction à l’histoire des migrations au Congo-Brazzaville. Les Ngala dans la cuvette congolaise. XVII e -XIX e siècles , 2006.
Pierre N’GAKA, Le droit du travail au Congo Brazzaville , 2006.
Doudou SIDIBÉ, Démocratie et alternance politique au Sénégal , 2006.
Camille K UYU


Les Haïtiens au Congo


Préface de Julien K ILANGA M USINDE


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© L’Harmattan, 2006
ISBN : 2-296-00858-5
EAN : 9782296008588

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Préface
Dès les premiers mots, cet ouvrage annonce ses couleurs : une histoire des liens rompus il y a des siècles mais qui se rétablissent au hasard de l’histoire. « 23 septembre 1993. Un début d’après-midi […]. Dans les labyrinthes de la Sorbonne, une jeune fille se perd. Nos regards se croisent. Je la dépasse. Puis je reviens sur mes pas. Elle me demande un renseignement. Ensuite viennent les présentations. Elle est Haïtienne, et moi Congolais […]. » Est-ce un hasard ? Deux regards qui se croisent, dans un contexte de l’enseignement, la Sorbonne. Deux peuples qui se rencontrent à travers deux personnes : le Congo et Haïti. Une jeune fille perdue, et l’autre revient sur ses pas, à l’image d’une référence historique aux temps immémoriaux. Quelle symbolique ! On se croirait dans un roman.

Cet ouvrage part des liens nouveaux tissés au hasard d’une rencontre pour restituer un passé séculaire dont la toile de fond reflète l’image d’une quête identitaire violée à laquelle il faut rendre ses lettres de noblesse. Ces regards croisés dans un passé récent ne manquent pas d’évoquer le temps de la douleur de la séparation involontaire, pour une marche forcée vers des horizons inconnus, vers les Amériques, vers un paysage et une vie incertaine.

Lorsque l’on compare la rencontre de l’auteur de cet ouvrage et sa future âme sœur au croisement entre deux peuples – le Congo et Haïti – dans un mouvement de redécouverte de leurs liens anciens, l’on est tenté de penser à un élan inattendu d’un mouvement vers l’une ou l’autre direction, celle des êtres qui s’accomplissent dans leur plénitude et dans leur totalité. C’est une symbolique attachante qui traduit le retour du cycle de l’histoire vers un accord conciliant entre l’esprit et le corps qui fait que la vie et la survie du cosmos résident dans la saisie profonde des signes du temps.

Cette rencontre apparemment fortuite est le fondement même de cet ouvrage qui porte le titre : Les Haïtiens au Congo.

Cette relecture de l’assistance technique haïtienne au Congo, ce retour volontariste d’un groupe d’intellectuels haïtiens venus à la rescousse de la République du Congo lors de ses premières années de l’indépendance, rappelle ce passage « puis, je reviens sur mes pas… ». Eux aussi sont revenus sur leurs pas, à la recherche des traces de leur identité oubliée sous le regard de leurs frères désarmés. Qui aurait pensé aux traces indélébiles laissées par ce groupe de volontaires haïtiens, ce soupçon de grain d’or qui continue de briller et qui appelle à sa mise en valeur pour redonner confiance à ces deux peuples et qui, curieusement et au même moment de leur histoire actuelle, traversent le calvaire dans leur quête d’une ère de lueur visant à combler un vide historique factice ?

Les témoignages éclairants et poignants d’un échantillon de Haïtiens et des bénéficiaires congolais de leur action volontaire dans l’enseignement au Congo dans les années 1960 constituent un trésor, une mémoire qui a réussi parfaitement à pérenniser l’itinéraire à la fois sinueux et glorieux de l’histoire des deux peuples.

Cet ouvrage de Camille Kuyu qui retrace sous un regard critique indirect une tranche importante de l’histoire de la République démocratique du Congo met en exergue l’attachement de ces héros dans l’ombre à la noblesse de leur apport.

C’est donc un plaisir, pour moi, d’être ce lecteur privilégié de cette œuvre de l’esprit où se déploient simplicité et fécondité, et où l’homme reste le sculpteur, malgré l’immensité des forces qui le dépassent. Grâce à cette œuvre, il est permis de penser que, si les âmes qu’elles ressuscitent revenaient hanter notre terre, l’humanité apprendrait à mieux faire naître des ordres nouveaux qui inciteraient au goût de vivre et à cet élan vers les hauteurs. Je suis convaincu que les autres lecteurs à venir liront ce texte avec autant de délectation.

Professeur Julien KILANGA MUSINDE
Directeur des langues et de l’écrit
à l’Organisation internationale de la francophonie
Recteur honoraire de l’université de Lubumbashi
Avant-propos
23 septembre 1993. Un début d’après-midi. Sur le chemin qui me mène du Panthéon à la Sorbonne, mon esprit est occupé par les débats qui venaient d’avoir lieu à l’occasion d’une soutenance de thèse. Je venais moi-même de soutenir ma thèse trois mois auparavant. Dans les labyrinthes de la Sorbonne, une jeune fille se perd. Nos regards se croisent. Je la dépasse. Puis je reviens sur mes pas. Elle me demande un renseignement. Ensuite viennent les présentations. Elle est Haïtienne, et moi Congolais. On disait à l’époque Zaïrois.

Quelques instants plus tard, assis sur un banc, place de la Sorbonne, elle me parla de son pays. Je lui parlai du mien. Les discussions basculèrent sur le prochain bicentenaire de la Première République noire. Je lui dis que le bilan de Haïti durant ces deux cents ans d’indépendance n’était pas négatif pour moi. Car des centaines de Haïtiens ont traversé l’Atlantique pour participer à la construction du Congo, au lendemain de son indépendance politique. C’était une découverte pour elle. Elle retiendra bien la leçon et s’en servira plus tard.

Nous avons continué à nous voir et avons décidé de nous marier. Nous étions loin d’imaginer les difficultés qu’une telle décision pouvait entraîner. Un jour, alors que tout me semblait aller pour le mieux, ma fiancée me fit comprendre que sa famille n’acceptait pas notre union, et que certains caciques de sa communauté parentale étaient déterminés à empêcher ce mariage. Pour certains d’entre eux, un Africain ne pouvait qu’être un sans-papiers qui voulait profiter de leur fille. Pour d’autres, un Africain ne pouvait qu’être polygame.

Pour contourner cette difficulté, ma dulcinée a imaginé un stratagème. À mon insu, elle me présenta comme l’enfant d’une Haïtienne assistante technique au Congo dans les années 1960. Mon père, un Congolais, m’aurait gardé après le retour de ma mère en Amérique. Cette dernière n’aurait plus donné de nouvelles depuis lors. Il est vrai que je n’ai jama