Sauve qui peut ! 1940
378 pages
Français

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Description

Raymonde Sigalas-Royer a 18 ans quand la guerre éclate et qu'elle doit fuir avec sa famille sur les routes de l'exode. Ce récit autobiographique se lit comme une épopée burlesque et dramatique où l'héroïsme ordinaire d'une famille pris dans les soubresauts de l'Histoire nous parle à chacun. Ce témoignage exemplaire sur la vie quotidienne sous l'occupation nous décrit ces quatre années qui bouleversèrent à jamais sa vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 janvier 2016
Nombre de lectures 20
EAN13 9782336401874
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Graveurs de mémoire
Cette collection, consacrée à l’édition de récits de vie et de textes autobiographiques, s’ouvre également aux études historiques. Depuis 2012, elle est organisée par séries en fonction essentiellement de critères géographiques mais présente aussi des collections thématiques.


Déjà parus

Taïeb (Yves), L’enfant et la boutargue, Souvenirs, 2015.
Bessard (Xavier), Un directeur export au travers des continents, Pérégrinations d’un expert, 2015.
Chebrou (Jacqueline), Une jeune fille raconte…, Carnet de guerre, 1939-1945, 2015.
Flepp (Monique), Dans la courbe de la vague , 2015.
Esposito (Bernard), Propos de Gérald Bloncourt, Je n’ai rien à cacher, Un peintre et photographe haïtien se souvient, 2015.
Kalifa (André), Pièces d’identité, Récits autobiographiques, 2015.
Bost (Jérôme), Fenêtre sur le collège et sur l’éducation, Témoignage, 2015.
Chabih (Jilali), De Fès à Marrakech via Paris, Du bled au doctorat d’État, 2015.
Arnaud (Jacques), Filmer des spots de pub, un métier aventureux, 2015.
Nicolet (Jean-Louis), Mon enfance marocaine, Souvenirs, 2015.
Houziel (Gilbert), Oran, 20 rue de l’Aqueduc, De la marine au quartier juif, des histoires d’un monde disparu, 2015.
Rehmany (Wirya), Kurde, journaliste et libre, Mythes, guerres et amours d’un peuple meurtri, 2015.
Titre
Raymonde Sigalas-Royer









Sauve qui peut ! 1940

Mémoires d’une jeune fille sous l’occupation
Copyright
























© L’HARMATTAN, 2016 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-75198-6
PARTIE I BAC 40
Juin 1940 : Cette fois, c’est la guerre.
Les Allemands sont à Vaucouleurs. 6 kilomètres !
Effrayées, les femmes de la maison m’ont dit :
« Prends le volant. Je l’ai pris et ce geste a orienté toute ma vie ».
À peine vécu et déjà raconté à mon père prisonnier des allemands, puis aux grands-mères qu’on n’avait pas pu emmener, ce témoignage des années de guerre aurait pu disparaître.
Mais les amis, les enfants, m’ont encouragée à fixer par écrit cette odyssée familiale.
R.M. SIGALAS-ROYER
I – NOUS REPRENDRONS L’ALSACE ET LA LORRAINE
– Est-ce qu’on passe le bac, ici, Monsieur ?
Je n’avais pas dû crier assez fort. J’ajoutai, à tout hasard, « s’il vous plaît ». Ne pas laisser filer cette chance. Nous étions là. Nous avions fini par arriver. Je voyais ses gros souliers, juste au-dessus de mon capot, qui vissaient et qui dévissaient la jambe bleue du pantalon. C’était tout de même un homme, après tout. Il comprendrait. Le nez contre la tôle de ma portière, je lançai vers les hauteurs, à l’aveugle, un ultime « Monsieur ».
Mais j’aurais dû m’en douter. Le monsieur en question, indifférent à toute contingence, restait, au-dessus de la mêlée – et je ne l’imaginais que trop bien ! – l’inaccessible girouette qui nous avait tous magistralement bernés, moi la première, depuis plus de deux heures que j’essayais d’obéir à ses impératifs de sémaphore : droite, gauche, avant, arrière, à mon commandement, stop ! Je le savais bien, pourtant, qu’il ne fallait plus croire à rien. Mais allez donc résister, vous, à des gestes aussi simples, habituels, surtout quand tout le monde braille à vos oreilles dans la voiture :
– Un homme, comme avant, vite !
– Là-bas, un homme, qui nous fait signe !
– Un homme, mon Dieu, un homme !
Un homme, en effet, comme tombé du ciel, au beau milieu d’une place, et qui, insensible aux évènements, paraissait diriger, et de bras de maître, ce qu’il reste en toute circonstance convenu d’appeler la circulation.
Il faut dire qu’il était bien le seul à sembler diriger quelque chose, en cette fin d’après-midi du 17 juin 1940. Simplement parce qu’il était perché sur un socle et qu’il avait gardé son képi.
Seulement, voilà : dans un grand bruit de ferraille, la camionnette de gauche, catapultée, venait d’enfiler son capot à travers la grille de protection du mirador, et moi qui, de ce fait, me retrouvais pour ainsi dire en première ligne, avec les deux pieds noirs qui pivotaient en mesure dans le droit fil de mon pare-brise, je commençais à me poser des questions, à me demander, par exemple, si ce fonctionnaire admirable entre tous n’était pas resté à son poste, là-haut, tout bêtement… parce qu’il ne pouvait plus descendre… puisque nous étions là, voitures, fourgons, charrettes, vélos, brouettes, à pousser, à vrombir. Il n’y pouvait plus rien. Nous non plus. Il nous avait appelés, nous avions obéi. Et maintenant, il était cerné, l’imbécile ! Coincé, condamné, au péril de sa vie, à tourner, comme un toton fou, au-dessus de nous, qui avancions toujours, roues contre roues, pare-chocs contre portières – désastre ! –, sans un vide par où filer. Sûr, c’était ça. Sinon, il les aurait quittées, ses positions. Il aurait fichu le camp, comme tout le monde, comme les deux sous-lieutenants de ce matin qui avaient pris mes ailes d’assaut dans un virage de la descente de Tulle. Et ce n’est pas un repli stratégique de plus qui aurait changé grand chose à la tournure des évènements. Au contraire. Sans ce forcené du service, nous ne serions pas là, au beau milieu de cette place, à jouer aux auto-tamponneuses avec la voiture de papa… Oui, voilà ce que j’osais me dire, moi qu’une vache avait vue pleurer, toute seule, dans une grange, hier soir, après que la radio eût lâché sur les ondes, en plein repas, incongru, comme un pet, le mot honteux. Un mot que je me refusais à prononcer, même dans ma tête. Mais il faudrait bientôt que je me bouche les oreilles si je ne voulais pas l’entendre, parce qu’il s’insinuait partout, avec ses sonorités de serpent. Il passait en ce moment de la banquette avant à la banquette arrière, de la bouche de Rette à la bouche de Sim, qui me le glissait, avec son souffle, dans les cheveux :
– L’armistice, je te dis que c’est fête.
– Non, l’armistice, c’est le onze novembre.
– L’armistice, dis, Braïla, qu’est-ce-que c’est, tu sais, toi, l’armistice ?
Je ne disais jamais de gros mots. Mais jamais il ne m’en était tant venu à l’esprit. Je transposai :
– Une crotte.
Un frisson me fut transmis à travers la sueur qui collait mon bras à celui de ma sœur, qui collait à ma mère. Il était temps de regarder la réalité en face : mon avant-gauche, sous le choc d’un matelas en dérive, s’aventurait dangereusement vers le piédestal.
– Si tu pouvais t’approcher encore un peu…
– Mais vous ne voyez pas que je touche, non ?
– Tu pourrais demander la route…
– La route d’où ?
– Demande plutôt dans quelle ville on est.
– À Cahors, je vous dis, j’ai vu le panneau.
– Demande si on pourra coucher.
– Et pour l’essence ?
– Et l’armistice ?
– Oh oui, demande vite, demande si l’armistice est signé.
– Où c’est, Cahors ?
– Demande pour notre pauvre pépère, Sainte-Marie mère de Dieu, où peut-il bien être à cette heure ?
– Et à l’heure de la mort.
Toujours la grosse voix de Sim, à contretemps, qui m’échauffait le cou. Elle ne pouvait pas s’enfoncer, non, comme les autres, derrière, au lieu de se cramponner à mon siège ? Il est vrai qu’elle n’avait pas beaucoup de place, entre les deux, au milieu.
Je finissais par ne plus répondre. Ou alors, je disais « oui », pour avoir la paix, aux cinq femmes (et enfants) entassés avec moi – six – dans notre 302 noire, parce que, malgré tout, c’était fantastique d’être perdue et de n’avoir plus rien, ni de compte à rendre à personne. Ma grand-mère avait renoncé à se jeter par la portière en hurlant son chapelet, ma mère à me signaler les voitures qui s’approchaient un peu trop de la nôtre, et Marielle, derrière moi, les vingt ans de Marielle condamnés à me faire con

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