Blue note pour héroïne brune
101 pages
Français

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Description

Phil Mazelot est un ancien agent des Renseignements qui a officié durant la 1re Guerre Mondiale. Même s’il s’en défend, et se dissimule du mieux qu’il peut sous des dehors de dur à cuire, c’est un rêveur, un vrai poète, un parolier de génie et parfois des vers sublimes lui viennent en tête aux pires moments de ses enquêtes.


Si la France insouciante de la fin des années vingt savoure encore la victoire, il sent le camp adverse ruminer son humiliation. Un nouveau conflit lui paraît inévitable. De poursuites haletantes en rencontres improbables, Mazelot va se rendre compte que le pouvoir et l’argent corrompent toutes les valeurs de la société. Des héros ordinaires se fédèrent peu à peu autour de lui pour former l’un des tout premiers réseaux de ce qui deviendra quelques années plus tard, la Résistance.


Thiébault de Saint Amand vous propose une série historique, musicale et irrésistiblement coquine où l’argot et l’humour sont omniprésents.


La première enquête de Phil Mazelot vous réserve bien des surprises… Qui aurait pu croire que Frédo mourrait un jour dans son lit ?

Dans cette aventure passionnante au cœur de Paname, dans le milieu des maisons à lanternes, la belle Nadège succédera-t-elle à mama Élisa, la mère de Frédo, qui veut garder l’emprise sur le clac familial du Montparnasse ? Le bel Angelo et Mademoiselle trahiront-ils le secret chuchoté par Frédo sur son lit de mort ?

Informations

Publié par
Date de parution 27 avril 2015
Nombre de lectures 150
EAN13 9791094725474
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Extrait

CHAPITRE 1

Je claudique vers la crèche de Frédo. Paname ne me plaît que sous les hallebardes. L’été, le soleil te fait branque. L’hiver, le froid te colle des engelures. La flotte à Paris, c’est l’intersaison consensuelle disponible chaque mois de l’année. Mais bon, trois semaines de repos et une remontée de la rue Mouton Duvernet plus tard, la sciatique me chatouille à nouveau.

C’est bien une idée d’artiste d’implanter un pensionnat rue des Plantes !


Jolie façade d’après-guerre comme je les apprécie, un hôtel particulier qui mélange raffinement et barioleries. C’est sans doute pas un bouic nauséabond, mais c’est pas non plus un magasin à surprise. T’es affranchi à vingt mètres par des chalands discrets aux profils variés. Tu as ceux qui poussent les portes sans les mains et d’autres qui s’écrasent le pif à les renifler en s’usant les quilles. Si en 1914 on avait mis des frangines aux confins des Ardennes, les pères Joseph nous auraient fait les tranchées pour pas un rond. Miner ses semelles à ce point-là sans jamais oser, ça fait pleurer.

Enfin, me voilà devant la belle maison honorable de « Mossieu Frédo ».


J’arrive à l’heure du facteur qui a le teint aussi rouge que la lanterne du boxon. Il fouette tellement du goulot qu’il doit édenter les timbres rien qu’en tirant la langue. Il sort un paquet de babillardes et tente de lire les adresses. Il étire les bras au maximum. En reluquant ses efforts pénibles, je me dis que le vélo doit connaître les loges par cœur. Encore un homme de lettres qui ne doit pas souvent écrire.

La porte s’ouvre, il tend le courrier à celui qui doit être le nouveau sacristain, le bel Angelo Palotte. L’homme de l’ombre, l’ami sincère, la dernière main du mourant ou sa première gâchette, ça dépend de la dotation funèbre de l’éplorée à venir. Tout le monde le sait, Angelo est très proche de Nadège Veaupessiot, la belle marquise. Comme toujours, le principal intéressé, le plus heureux des trois, remerciait l’autre, la larme à l’œil, de le voir lui charger autant de bois sur le front pour l’hiver.

— Je suis l’Inspecteur…
— Ça va ! Usez pas votre salive, vous avez le pedigree sur la tronche. De toute façon, Madame était sûre que vous viendriez.
— Madame Veaupessiot est là ?

— Oui. On s’doutait bien que la mort de Monsieur vous démangerait les neurones.

Angelo me tourne rapidement le dos en jactant et je saisis ainsi l’invitation à entrer d’office.

Mes neurones qui démangent ?

Si peu, tu parles ! Un mois que j’y pense, matin, midi et soir.

L’assurance maladroite du portier ne masque pas sa jeunesse. Ses mains tremblent et il transpire déjà. Le corps de ballet est à l’affût et se marre en sourdine. C’est toi qui choisis, mais ce sont elles qui parient sur tes chances. Elles sont plutôt jeunes et pimpantes. Mon œil vise immédiatement la cheftaine, de loin la plus âgée.

Mademoiselle est un soleil en ce lieu d’ombres. S’il me faut quelques instants pour m’habituer à l’obscurité entretenue, je n’ai toutefois aucune difficulté à la distinguer. Une longue crinière toute bouclée coule sur ses épaules dénudées, elle tient une sorte de badine dont elle se sert pour guider le troupeau. Elle ordonne et dirige à la baguette, ses mouvements amples font bouger tout son corps à peine dissimulé sous un jeu de voiles transparents. Si son visage doux est à l’image du reste, elle doit avoir une peau de lait qui te rappelle la campagne en plein Paname.


Je lui souris instantanément.

Posée sur fond de rideau rouge, l’air faussement austère et grave, on dirait Louis XIV métamorphosé en grande folle. Avec une paire de cuissots pareille, sûr que le grand veneur du roi Soleil aurait lâché Diane pour balancer la sauce plus d’une fois à son tour.

Une soubrette me prend le vestiaire alors que Mademoiselle m’invite à rejoindre le bar. Deux seconds pour une veuve maquerelle, on ne craint pas la crise immobilière, rue des Plantes ! L’intérieur est cossu et joufflu à profusion. Les tableaux, c’est des joufflus de bergères. Les tentures, c’est des joufflus de beuglantes d’opérette. Et sur le bar, des joufflus d’anges en porcelaine ! Partout où tu poses les yeux, tu n’as que des moulins à vents.

— Vous boitez, Inspecteur ? Quittons le bar et prenez plutôt ce fauteuil, vous y serez plus à l’aise. Racontez-moi, on vous a fait des misères ? me demande Mademoiselle, première main laborieuse et seconde honorable, visiblement affectée.
— Des misères, non. À mon âge, vous savez, trois semaines de membre raide, c’est une cure de jouvence.

Je ne fais pas mouche, car on sent la belle habituée au baratin de michetons.

Elle doit avoir 25 piges et son regard ne se détourne jamais du mien. Il n’y a que dans les bordels où les hommes supportent si bien l’insolence des mômes. Si j’ajoute à cela une avant-scène garnie comme je les aime, l’enquête commence bien. J’avais eu peur avec la bonniche aux deux salières retournées, mais là, on se retrouve comme à la maison. Il ne manque que mon Élise m’apportant les pantoufles et le canard. À cette heure, le piano est encore muet, une aubaine ! Je connais trop de bordels qui ont engagé un Mozart à trois doigts qui te les brise autant qu’un limonaire à court de vapeur.


La belle m’abandonne au sémillant Angelo Palotte. Costume coupé comme un seigneur sur un corps de sportif, des pompes de mac de circonstance, une pochette bleue comme ses yeux, un déhanché de laboureur de corsets, c’est l’homme de maison. Pour durcir ses traits encore juvéniles, il arbore des bacchantes gauloises qui prêtent à rire.
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