L héritage sanglant
65 pages
Français

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Description


L’HÉRITAGE SANGLANT


Le corps du père Canard, un vieil ermite sans ressource, est retrouvé mort, poignardé, dans la forêt. Dans ses poches, trois cent mille francs en billets.


Le célèbre Commissaire Rosic apprend la nouvelle alors qu’il dîne avec le magistrat de la Région et Jacques Vix, un ancien professeur de philosophie devenu riche à la suite d’un héritage et qui se targue, auprès du policier, de pouvoir dénouer n’importe quelle intrigue à la seule force de sa réflexion.


L’occasion est trop belle pour Rosic de clouer le bec de l’impudent, mais le crime est plus complexe qu’il n’y paraît et Jacques Vix plus perspicace et intelligent que le Commissaire ne l’avait supposé...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 5
EAN13 9782373471380
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Commissaire Rosic

L'HÉRITAGE SANGLANT

Roman policier

 

par Rodolphe BRINGER

 

D'après la version publiée sous le titre « L'héritage sanglant » dans la collection « Le Roman Policier » aux éditions « Ferenczi & Fils » en 1918.

I

CONVERSATION APRÈS BOIRE

 

L'HÔTEL du Grand-Cerf, à R..., est réputé à trente lieues à la ronde non seulement pour l'excellence de sa cuisine, mais encore pour la fraîcheur de ses ombrages ; l'été, il est véritablement délicieux de déjeuner ou de dîner sous les hautes futaies de son vaste parc qui n'est qu'une enclave prise dans la vaste forêt domaniale qui entoure la petite ville.

Aussi, quand arrive la belle saison, des tables nombreuses sont dressées sous les hêtres plus que centenaires, et lesdites tables sont trop souvent insuffisantes pour réunir les nombreux touristes qui se présentent, attirés par la renommée du vieil hôtel.

Cependant, ce jour-là, bien que l'on fût en mai et que la température se montrât particulièrement douce, à peine une dizaine de clients étaient disséminés dans le parc ; c'est que, depuis quinze jours, le ciel avait été assez morose, de trop longues pluies étaient tombées, et les touristes, quoique invités par ce premier sourire radieux d'un printemps à la vérité tardif, n'avaient pas encore osé s'aventurer à la campagne.

Parmi ces rares déjeuneurs, une table réunissait trois hommes qui se délectaient de la chère exquise de l'hôtel et de la douceur de cette journée adorable où le soleil riait dans un ciel très pur dont tout l'azur resplendissait à travers les frondaisons nouvelles de la forêt.

Ces trois hommes étaient M. François Chazal, un homme d'une trentaine d'années, à la figure barbue, au crâne dénudé, les épaules larges, mais le dos un peu voûté et le ventre commençant à protubérer sous le gilet, ce qui trahissait un homme condamné au travail de bureau et aux longues études sous la lampe.

Cet homme était en effet un magistrat sévère et grave, tout récemment nommé au poste de procureur de la République de la petite ville de R...

Le second paraissait avoir quarante-cinq ans, et le visage bronzé, le nez proéminent, les yeux caves, mais, brûlant d'une flamme vive, la bouche ironique surmontée d'une petite moustache grisonnante, et la lourde mâchoire inférieure, comme toute cette allure jeune et bien découplée indiquaient au contraire l'homme d'action, de décision et d'énergie, et c'était le célèbre M. Rosic, l'inspecteur de la Sûreté réputé dans le monde du Palais comme de la presse que la mystérieuse affaire du « Poignard de Cristal », si habilement débrouillée par lui, venait de mettre subitement en vedette.

Quant au troisième, c'était un grand jeune homme, de l'âge à peu près de M. le procureur de la République et qu'aucun signe particulier ne désignait à l'attention. Sa figure complètement rasée pouvait passer inaperçue n'importe où et son signalement se caractérisait certainement par cette formule désespérante : front moyen, nez moyen, yeux ordinaires, bouche moyenne, menton moyen. Il se nommait Jacques Vix.

Dès sa plus tendre enfance, Jacques Vix s'était fait remarquer par deux traits de caractère particuliers : d'abord, sa paresse indécrottable et ensuite son intelligence véritablement extraordinaire.

Au lycée, il avait fait le désespoir de ses professeurs, et en même temps leur étonnement ; n'apprenant jamais ses leçons, n'écoutant les cours que d'une oreille inattentive et distraite, ne bâclant ses devoirs qu'à la dernière minute, il était, en définitive, le cancre le plus déplorable qui pût croupir sur les bancs de l'Université ; et puis, tout à coup, un jour, sans rime ni raison, Jacques Vix daignait faire une composition et alors, étonné, surpris, n'en pouvant croire ses yeux, son professeur était contraint de le classer premier tant il avait fait montre de savoir et de connaissances diverses.

On avait fini par le connaître, et malgré sa paresse invétérée, le lycée de Grenoble, où il avait cahin-caha fait ses études, n'avait pas tardé à placer sur lui ses meilleures espérances, espérances, d'ailleurs, qu'il n'avait point trompées.

Lauréat du concours général, reçu avec une note excellente à ses examens de baccalauréat, présenté à l'École Normale supérieure, Jacques Vix avait tout de suite décroché la timbale en s'inscrivant avec le numéro un dans la section de philosophie.

Enfin, à vingt-deux ans, sans avoir jamais rien perdu de son rang, Jacques Vix était également sorti le premier et on l'avait immédiatement envoyé comme professeur au lycée de Lyon.

Là, son indolence naturelle avait désespéré l'administration comme elle avait fait le désespoir de ses professeurs jadis ; sa classe marchait au petit bonheur, les fainéants avaient beau jeu avec ce professeur qui ne se donnait jamais la peine de corriger les devoirs de ses élèves, et sans aucun doute Jacques Vix, malgré toutes ses qualités, de disgrâces en disgrâces, n'aurait pas tardé à s'en aller végéter dans quelque lointaine sous-préfecture provinciale si, un beau jour, un arrière-petit-cousin, étant mort intestat, Jacques Vix n'avait hérité de lui la coquette somme de trois millions.

— Enfin, s'était dit Jacques Vix, je vais pouvoir vivre sans rien faire !...

Et, fort de ses cent cinquante mille livres de rente, il était venu s'installer à Paris, comprenant que c'était la seule ville du monde où un homme qui est décidé à ne faire œuvre de ses dix doigts peut voir s'écouler ses jours sans risquer de s'ennuyer.

Jacques Vix, au lycée de Grenoble, avait été le condisciple de François Chazal, et, comme les deux jeunes gens étaient l'opposé l'un de l'autre, la plus étroite amitié, comme il arrive toujours, n'avait cessé de les unir.

Aussi, ayant appris que son ami venait d'être nommé procureur de la République à R..., qui est aux portes de Paris, Vix lui avait écrit immédiatement :

« Un des jours de la semaine prochaine j'irai te demander à déjeuner. »

Et, fidèle à sa promesse, ce matin-là, Vix avait débarqué à R..., s'était fait conduire, ignorant l'adresse de son ami, au tribunal, et là avait trouvé Chazal en grande conversation avec Rosic venu dans le pays pour élucider une mince affaire de faux en écriture qu'il n'avait eu d'ailleurs aucun mal à débrouiller.

— Tiens, te voilà !... Eh bien, tu arrives à propos !... On peut dire que tu as le nez fin !... s'était écrié Chazal.

— Vraiment ?...

— Justement, voulant traiter M. Rosic, que je te présente, j'ai commandé au Grand-Cerf, dont tu connais la réputation, un excellent petit déjeuner... Tu en auras ta part, car, lorsqu'il y en a pour deux, il y en a pour trois !... Si tu es gourmet, tu vas goûter des côtelettes de chevreuil comme tu n'en as sûrement jamais savouré, tout millionnaire que tu sois !...

— Tiens, fit Vix, je croyais que la chasse était fermée !... Pour moi, le plaisir sera double de déguster du chevreuil en temps prohibé en compagnie du procureur de la République du pays !...

Chazal se mit à rire :

— Mon cher, les cuisiniers sont si habiles, aujourd'hui, que de simples côtelettes de mouton habilement préparées peuvent jouer le chevreuil à s'y méprendre... Maintenant, si les côtelettes sont réellement du chevreuil, c'est affaire entre le maître d'hôtel et sa conscience !... Le procureur de la République n'a pas à entrer dans ces considérations culinaires.

Une demi-heure après, Chazal, M. Rosic et Jacques Vix étaient attablés sous les ombrages du parc du Grand-Cerf et, mouton ou chevreuil, ils avaient savouré ainsi qu'il sied, le plat renommé de la maison ; ces côtelettes, précédées de hors-d'œuvre appétissants, suivies d'une poularde de Houdan grasse et cuite à point et d'asperges délicates, le tout arrosé des crus les plus fameux de la cave, avaient on ne peut mieux disposé les trois convives, qui, les coudes sur la table, le cigare ou la cigarette à la bouche, un verre de vieille fine à portée de la main, jouissaient de cette heure divine que leur faisaient et le printemps et la digestion facile, tout en discourant légèrement.

Et de quoi peuvent parler trois hommes, quand l'un est un procureur de la République et l'autre un détective réputé ?... De criminalité, bien entendu, et, désintéressé en apparence de ces choses, Jacques Vix écoutait sans mot dire, se laissant aller à sa paresse ordinaire, ne voulant, semblait-il, même pas se donner la peine de prêter trop d'attention aux propos de ses deux commensaux.

Cependant, comme M. Rosic parlait des difficultés innombrables qu'il avait eues, jadis, pour débrouiller le mystère à première vue inextricable du « Poignard de Cristal », Jacques Vix eut un sourire et de cette voix lente et comme désabusée qui lui était propre :

— J'ai suivi cette affaire... Il me semble, cependant, qu'elle était claire comme de l'eau de roche !...

— Ah ! Vous trouvez, clama Rosic bondissant comme si un ressort se fût distendu sur sa chaise.

— Oui... Certes et permettez-moi de vous le dire, vous avez fait preuve de beaucoup d'intelligence... Mais il me semble que si vous n'étiez pas précisément détective de profession, tout de suite la vérité vous eût sautée aux yeux !...

Rosic éclata de rire :

— Facile à dire après coup...

— Ce fut du moins mon impression première !...

— Je vois, fit l'inspecteur de la Sûreté, que vous êtes un grand lecteur de romans policiers !...

— Même pas !... Je vous jure que depuis que j'ai quitté le professorat, si ce n'est mon journal, le matin, je ne lis pas grand-chose... Pourtant, comme tout le monde, j'ai parcouru les aventures de Sherlock Holmes.

Rosic se renversa sur sa chaise pour mieux rire :

— Nous y voilà ! fit-il.

Mais Vix, le plus sérieusement du monde :

— Mais, non... je vous assure que vous vous trompez... je n'ai pas sur sir Sherlock Holmes les idées que vous supposez... J'admire le talent de M. Conan Doyle, l'auteur, et je l'admire dans une certaine mesure, car il est de toute évidence que lorsque l'on a composé un crime dans tous ses détails, c'est un jeu d'enfant d'en deviner par avance les auteurs et les combinaisons mystérieuses... Le lecteur qui lit un roman policier ne se rend pas compte que l'homme de lettres qui l'a écrit n'a aucune peine à deviner l'écheveau d'une trame dont il est lui-même l'auteur... Pourtant, il faut reconnaître que la méthode de Sherlock Holmes appliquée à la police...

— Mais justement, s'indigna M. Rosic, quand un crime, je dis un vrai crime, a été commis, le policier chargé d'en trouver les auteurs n'est pas renseigné...

— Avec un peu de logique... et de méthode...

— Ah, vous croyez...

— Je crois, fit Jacques Vix, que le grand défaut, monsieur Rosic, des détectives est leur déformation professionnelle !... Le crime est innombrable et la police simpliste !... Quand un crime a été commis, immédiatement, et malgré vous, vous le comparez à quelque cas analogue et, sur-le-champ, vous vous embarquez sur une piste dont vous ne voulez pas démordre...

— Je voudrais bien vous y voir ! clama Rosic...

— Je n'y tiens pas le moins du monde, assura Vix... Je suis trop paresseux pour m'occuper à une besogne qui demande du temps, de la réflexion, de la patience, et une continuelle application de toutes les facultés... Pourtant, si je n'étais pas aussi rossard, il me semble que, avec le seul secours de la philosophie que j'ai si mal jadis enseignée aux jeunes gens de la bonne ville de Lyon, je veux dire avec l'unique raisonnement, j'arriverai à débrouiller le crime...

— Tenez, vous me faites rire !... cria Rosic... Et voilà M. le procureur qui, lui-même, ne peut contenir l'hilarité que provoque chez lui une pareille assertion...

Et, en effet, Chazal souriait ; mais dans le fond, sans doute, il se disait que si véritablement Vix voulait se donner la peine, un jour, de faire de la police, il n'aurait peut-être pas grand mal à enfoncer Rosic lui-même, tant il avait de confiance dans la haute et, disons, même supérieure intelligence de son ami.

— Dites toute votre pensée, monsieur le procureur !... fit Rosic.

Mais M. le procureur de la République n'eut pas le temps de répondre, car, en ce même moment, il venait d'apercevoir un gendarme, qui paraissait le chercher.

VI

LE VAINQUEUR DU MATCH

 

EN effet, M. Rosic avait lieu d'être satisfait.

En vingt-quatre heures, il avait débrouillé l'intrigue de l'assassinat mystérieux du père Canard, découvert les auteurs de l'attentat contre le garçon de recette Lecourt et fait coffrer les coupables.

C'était assurément un record.

M. Rosic se disait que nul autre détective n'eût pu, comme lui, mener cette affaire avec tant de rapidité, et il se réjouissait en son cœur en songeant à toute la gloire qu'il allait retirer de cette nouvelle affaire.

Et quand on pensait que des gens qui n'étaient pas du métier, comme ce M. Vix...

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