La sacoche
69 pages
Français

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Description

Gaston Descorval est un jeune homme de bonne nature, mais il est desservi par une forfanterie maladive. Ce trait de caractère lui vaut d’être plongé dans un dramatique dilemme, au point de faire appel à un ami d’enfance, le partenaire du grand détective Maurice Parent, afin de convier ce dernier à lui apporter son aide. Son ultime fanfaronnade pourrait amener à la libération de l’ignoble Pierre Taureau, un horrible assassin. Mais celui-ci est-il réellement coupable ? Maurice Parent se fait fort, à la fois, de résoudre l’enquête et de libérer Gaston Descorval d’un poids trop lourd à porter...



Jules LERMINA (1839 – 1915) est un auteur qu’on ne présente plus et qui a usé sa plume dans de nombreux genres littéraires. Principalement réputé pour les suites qu’il a données à de grandes œuvres de la littérature (« Les Mystères de Paris », « Le Comte de Monte-Cristo »...) et de nombreux autres ouvrages, il ne s’est que trop rarement confronté au genre policier si ce n’est à travers de la série « Toto Fouinard ». Mais, ce que l’on sait moins, c’est que Jules LERMINA a également développé un autre personnage de détective, « Maurice Parent », qui, malgré ses qualités, n’est apparu que dans quatre enquêtes, « Le Clou », « La Chambre d'Hôtel », « Le Tout pour le Tout » et « La Sacoche ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 décembre 2015
Nombre de lectures 4
EAN13 9782373470420
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Les Enquêtes de Maurice Parent

La Sacoche

 

LERMINA Jules

 

Depuis longtemps un désir me presse et me tourmente, si étrange et si bizarre, si hors de l'usage commun que je voudrais le cacher à mes propres pensées.

CERVANTÈS

I

 

Parmi les lettres que m’apporta mon valet de chambre, ce matin-là, l’une me frappa par l’écriture tourmentée, presque hiéroglyphique, de la suscription. Elle portait le timbre de Parcy-sur-Somme, indication qui ne parlait pas à ma mémoire. Je l’ouvris avant toutes les autres, mû par cette curiosité inconsciente qui nous fait deviner un mystère, et je courus à la signature : Gaston Descorval – un ancien camarade d’études à l’École de droit, perdu de vue depuis bien longtemps, garçon assez singulier, pour lequel j’avais ressenti naguère une vive sympathie, plus instinctive que raisonnée.

Voici ce qu’il m’écrivait :

« Si vous ne m’avez pas oublié ; si, malgré ma retraite volontaire, vous m’avez conservé un peu de cette amitié que vous me témoigniez autrefois, je vous supplie de venir à mon secours. Je suis, par ma faute, par mon crime, dans la plus horrible situation où être humain se puisse trouver ; pour tout dire, entre le suicide et le déshonneur.

« J’ai besoin de conseils, j’ai besoin de me confesser, de m’entendre juger par des consciences droites. Donc je vous appelle et je vous conjure de demander à Maurice Parent (dont j’ignore l’adresse), de vous accompagner. Je n’ai ni tué, ni volé : j’ai fait à la fois moins et pire. Il ne s’agit pas d’argent, car je suis prêt à donner toute ma fortune pour racheter ma folie... Je ne dis rien de plus. Ne cherchez pas à comprendre ; dites-vous seulement, tous deux, qu’il y a un malheureux à sauver du plus épouvantable désespoir..., et encore le pourrez-vous ?

« Télégraphiez-moi votre réponse : c’est un arrêt de vie ou de mort que j’attends. Venez, venez ! – « G. D. »

*

Certes, le voyage auquel Gaston me conviait n’était pas de ceux qui effrayent ; et cependant, ainsi surpris à l’improviste, je me sentais peu disposé, je l’avoue, à répondre aussi promptement à un appel dont le motif réel m’échappait, surtout quand je me rappelais avoir toujours remarqué en mon ancien camarade un tour d’esprit enclin au paradoxe et à l’exagération.

Pourtant, relisant sa lettre, vraisemblablement écrite en un accès de fièvre intense, je me sentais pris de pitié. Craignant d’obéir à un entraînement peut-être injustifié, je courus aussitôt chez Maurice. Par bonheur, il était chez lui. Je le mis en deux mots au courant de ce qui se passait, ayant cette faiblesse de dissimuler sous une ironie assez niaise l’inquiétude qui, en dépit de toutes mes résistances, me poignait de plus en plus.

— Avez-vous répondu ? me demanda Maurice.

— Non, certes.

— Eh bien, reprit-il sérieusement, allez au télégraphe ; quand vous reviendrez, je serai prêt, et nous partirons...

— Quoi ! vous vous décidez ainsi... sans réfléchir ?

— Je vous demande pardon, fit Maurice, j’ai réfléchi...

J’ai maintes fois déjà parlé de Maurice Parent, dont la lucidité d’esprit, dont l’expérience presque géniale, dont la finesse quasi-surhumaine exerçaient sur tous ceux qui le connaissaient une autorité contre laquelle on ne songeait plus à résister. Nous le comparions volontiers au Dupin d’Edgar Poe, et bien des fois nous avions eu recours à lui comme à une sorte d’Œdipe pour qui nul sphinx n’avait d’énigmes indéchirables (1). En fait, il avait à la fois la passion et le génie de l’observation, et, le plus souvent, il résolvait les problèmes, en découvrant des « infiniment petits » qui avaient échappé à tout le monde. Du reste, bon, dévoué et aimant à lutter contre l'inconnu.

Il connaissait fort peu Gaston : mais il suffisait, pour le décider à intervenir, que son flair – si je puis dire – lui décelât la piste d’un mystère.

Je n’hésitai donc pas à lui obéir et, une heure après, nous nous trouvions devant la gare du Nord, prenant un rapide repas en attendant l’heure du train.

Maurice évitait soigneusement – je m’en aperçus – de parler de l’objet de nos préoccupations. Nous nous entretînmes de sujets indifférents jusqu’à ce que, nous étant installés seuls dans un wagon de première classe, le sifflet de la locomotive donnât le signal du départ.

Dès que nous eûmes dépassé les premières stations :

— Maintenant, mon ami, commença Parent, racontez-moi l’histoire de ce Descorval, que je connais fort peu, ne l’ayant vu que cinq ou six fois... Quel âge a-t-il ?

— De trente-six à trente-huit ans.

— Qu’a-t-il fait jusqu’ici ?

— Je ne puis vous parler que de six ou sept années pendant lesquelles je l’ai fréquenté, au Quartier Latin. C’était, autant que je l’ai pu comprendre, un orphelin auquel ses parents, cultivateurs de l’Artois, avaient laissé une fortune assez rondelette, quinze à vingt mille livres de rente. Ayant fait de bonnes études au collège d’Amiens, il vint à Paris pour suivre son droit, très assidu au début, puis, peu à peu, entraîné par les plaisirs de la vie facile et oisive... Je ne sache même pas qu’il ait passé sa licence.

— Quel caractère ?

— Difficile à définir, pour moi, du moins. Un mélange d’excentricité et de raison, parfois très bon, d’autres fois presque méchant, ayant ce genre de plaisanterie froide qui souvent frise la cruauté.

— Le croyez-vous capable d’une mauvaise action ?

— C’est selon le sens que vous prêtez à ces mots. Il dit dans cette lettre bizarre qu’il n’a ni tué ni volé. Je le crois volontiers : d'abord ce n’est pas un énergique...

— Soit, mais je devine sous votre langage des réticences. Incapable d’un crime, c’est possible, mais d’une vilenie ?

— Peut-être encore l’expression serait-elle trop forte. Mais, tenez, prenons un exemple. Vous vous rappelez cet épisode des Misérables, dans lequel un passant, pour rire, pour faire rire la galerie, plonge une balle de neige entre les deux épaules de Fantine...

— Il ferait cela ?

— Oui, mais il s’en repentirait une minute après et sacrifierait tout pour racheter sa mauvaise action.

— Vous voyez, reprit Parent, que nous commençons à nous entendre sur les mots.

— Plus peut-être que sur le fond, interrompis-je vivement. Rien n’est plus difficile, pour moi du moins, que d’analyser un caractère. Les exemples qui me viennent à l’esprit tombent à faux. Non, je ne l’ai jamais vu cruel, en action du moins... mais voici qui sera plus clair : rien ne l’amusait plus, en nos conversations de jeunes gens, que de pousser à fond une opinion fausse, d’affirmer un fait inexact, et cela avec une telle netteté, avec une telle habileté d’exposition que souvent il avait gain de cause : on se rangeait à son opinion, on croyait à son récit... et, le lendemain, c’était une véritable joie pour lui que de nous avouer qu’il s’était moqué de nous...

— Au fond, un mystificateur...

— C’est presque cela. Voici une histoire qui me revient à l’esprit. Parmi nos camarades se trouvait un pauvre hère, un de ces malheureux que la misère a guettés à la première porte de la vie et qu’elle poursuivra jusqu’à l’issue de la dernière, ouverte sur la mort. Ses parents n’étaient plus ; il n’avait qu’un oncle possédant quelques sous, mais qui, de longue date, avait déclaré qu’il le déshériterait totalement.

« L’autre s’était résigné : il piochait comme un nègre, donnait des leçons et, tant bien que mal, joignait les deux bouts.

« Un soir, à la brasserie, Gaston arrive, s’assied, et, feignant de ne pas voir Clindot (c’était le nom de notre famélique), dit à voix haute :

« — Et bien ! vous savez... ce brave Clindot ! le voilà riche ! Je sors de chez mon notaire, qui est celui de son oncle, de son oncle mort intestat et qui lui laisse une quarantaine de mille francs !

« Vous jugez de la scène. Clindot, pâle, plus mort que vif. Il proteste, déclare que c’est impossible, qu’il connaît l’existence d’un testament. Gaston insiste, dit s’être chargé de prévenir Clindot qu'il ait à se rendre à l’étude le lundi matin (on était au samedi). Enfin, comment douter de sa véracité quand, tirant de sa poche un rouleau de louis, il offre à Clindot une avance de mille francs. Le pauvre ne put résister à la tentation, encore bien moins à l’espérance... Ce furent pour lui vingt-quatre heures de folle joie...

« Le lundi, il était éconduit de chez le notaire sans les moindres égards. Il voulut tuer Gaston, qui s’en tira en lui laissant le billet de mille francs... »

Maurice avait écouté avec la plus grande attention, et, comme il se taisait :

— Eh bien, lui demandai-je, quelle idée vous formez-vous de ce caractère ?

— Un de nos romanciers l’a déjà jugé, répondit Maurice.

— Qui donc ?

— Frédéric Soulié. Relisez les Mémoires du Diable, et parmi tant d’autres types pris sur le vif et trop oubliés aujourd’hui, recherchez celui de Ganguernet.

— Je me le rappelle... Mais Ganguernet est gai...

— Les comiques froids sont encore plus dangereux...

Le train allait, et bientôt nous nous arrêtâmes à la gare de Longueau, d’où nous devions nous rendre à la propriété de Gaston.

 

(1) L'auteur, dans « Le Clou », « La Chambre d'Hôtel » et « le Tout pour le Tout », a déjà raconté quelques-uns des exploits divinatoires de Maurice Parent.[Retour]

II

 

Nous trouvâmes à la station une voiture conduite par un vieux domestique qui s’approcha de nous et se mit à notre disposition.

Un instant après, nous filions sur la route, au trot d’un bidet de campagne assez vigoureux.

On était alors au mois d’octobre. L’automne avançait rapidement : sous une bise fraîche, les feuilles tourbillonnaient autour de nous ; le ciel était gris, triste ; triste aussi l’homme qui nous conduisait et qui de temps en temps se retournait, nous jetant un regard presque éploré.

— Vous êtes au service de M. Descorval ? lui demandai-je.

— J’étais au service de son père, fit l’homme. Je le connais depuis sa naissance...

Puis, sans attendre une nouvelle question, il reprit vivement :

— Alors ces messieurs sont médecins ? ajouta-t-il d’une voix inquiète.

Maurice ne me laissa pas le temps de répondre.

— M. Descorval est donc bien malade ?

— Ah ! messieurs, c’est à n’y pas croire... quand il y a trois mois il était si frais, si vigoureux. Vrai, c’était plaisir que de le voir arpenter les chemins, fatiguer les plus enragés chasseurs...

— Et depuis trois mois ?

— Ç’a été comme un coup de foudre... Tout d’un coup il s’est mis à maigrir, à pâlir... Plus d’appétit, plus de force... il ne sort plus. On dirait qu’il a peur de mettre le pied hors de chez lui. Il reste tout le temps enfermé dans sa chambre, ne voulant recevoir personne. Et moi qui veille sur lui, quand je vous dirais que je suis sûr que, depuis un grand mois, il ne s’est pas couché. Il cherche à me tromper, il défait son lit, il tape à coups de poing dans les oreillers ; mais je l’ai guetté, et je sais qu’il passe toutes les nuits à marcher dans sa chambre, pieds nus pour qu’on ne l’entende pas...

— Et, à votre avis, reprit Maurice, quelle serait sa maladie ?

— Est-ce que je...

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