Monsieur Lahire
43 pages
Français

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Description


MONSIEUR LAHIRE


Madame Jeanne de Vendœuvres est retrouvée morte, poignardée, chez elle, le jour de son emménagement.


Le commissaire Odilon QUENTIN, chargé de l’affaire, découvre que trois personnes ont rendu visite à la victime, durant cette journée-là : son régisseur, son domestique et son futur gendre.


Alors que le policier lance ses hommes sur les traces des employés de la défunte, lui se charge du beau-fils. Ce dernier semble totalement détaché de l’histoire, mais le dirige pourtant sur la piste d’un mystérieux Monsieur Lahire...


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782373471274
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couve

Odilon QUENTIN

 

* 13 *

MONSIEUR LAHIRE

Roman policier

 

par Charles RICHEBOURG

CHAPITRE PREMIER

 

L'emménagement de Mme Jeanne de Vendœuvres dans son nouvel appartement de la rue des Petits-Champs s'accompagna de beaucoup de bruit, de jurons et des quelques menues déprédations qui servent d'habituelle rançon à ces désagréables corvées.

De sa loge, Marguerite Patris, la concierge, surveilla le va-et-vient des déménageurs ; elle indiqua l'étage de sa nouvelle locataire à deux ou trois personnages inconnus ; puis, excédée, elle se désintéressa de ce mouvement insolite pour se consacrer exclusivement à la préparation de son ragoût de mouton.

Arsène Patris, le mari de la pipelette, adorait ce plat à la sauce abondante et grasse, à condition qu'il contînt une quantité industrielle de navets ; et, en épouse soumise, la bonne femme s'affairait à lui donner satisfaction, lorsqu'elle fut surprise par le silence soudain qui régnait dans l'immeuble.

Un coup d'œil au-dehors lui apprit le départ de l'immense tapissière automobile qui avait amené les meubles ; et elle en déduisit que les hommes avaient achevé leur travail.

Le pourboire n'avait pas dû être fastueux ; du moins, si l'on s'en rapporte au denier à Dieu que la locataire avait abandonné de mauvaise grâce à sa concierge, lorsqu'elle avait arrêté l'appartement.

C'est du reste toujours la même chose ! Les gens à particule ou ceux qui ont des noms à charnière se montrent régulièrement les plus radins ; comme s'ils se croyaient vraiment sortis de la cuisse de Jupiter !

Jeanne de Vendœuvres servait de prototype à cette espèce haïssable, et M'ame Patris l'avait immédiatement rangée dans la catégorie des « chipies », car elle était sèche, anguleuse et parlait d'une voix dominatrice, nasillarde, autoritaire et pointue.

Quel âge ? Difficile à préciser ; aux environs de la cinquantaine, mais pas au-delà de cinquante-cinq, malgré un profil ingrat de jument acariâtre. En tout cas, ce n'est pas pour « celle-là » que Marguerite se mettrait en frais ! Elle lui dirait « bonjour » et « bonsoir », un point, c'est tout.

Par-dessus le marché, cette pimbêche aux airs supérieurs se prétendait noble, à cause de son « petit de » ; cependant, sa carte de visite ne mentionnait aucun titre : ni baronne, ni comtesse, ni rien du tout !

Elle avait fait à la concierge, qui ne lui demandait rien, des confidences volubiles, uniquement pour se faire mousser : ses terres, dans le département de l'Indre, « sur les marches de cette Touraine qui est le jardin de la France »... son défunt mari, « qui n'avait pas eu le temps de devenir le grand homme dont il contenait toutes les promesses »... sa fille unique, « une perle, madame, dont la jeunesse masculine d'aujourd'hui est incapable d'apprécier les innombrables perfections ».

C'est curieux comme le silence peut devenir impressionnant lorsqu'il se prolonge. Impressionnant et redoutable ! Il semble enclore toutes sortes de choses sournoises et maléfiques ; il ressemble, dans certains cas, à un cauchemar que l'on vivrait réellement, tout éveillé.

Pour échapper à son emprise négative, Marguerite Patris tourna les boutons de la T.S.F. et le poste la récompensa en lui envoyant dans l'oreille des miaulements plaintifs et saugrenus. Puis les sons se précisèrent, remplissant la pièce d'un tintamarre tumultueux, que le réglage du potentiomètre transforma en « musique douce », après quelques essais infructueux.

Mais ce bruit, ces flots d'harmonie, tout cela ne constituait qu'une toile de fond qui rendait la sérénité plus profonde, plus hostile encore. Qui donc a parlé de « paix sépulcrale » ? Alors, sans savoir préciser pourquoi, la concierge se rendit compte que, le calme hallucinant qu'elle écoutait comme l'on entend un cœur battre, c'était celui qui régnait dans l'appartement de sa nouvelle locataire !

Une sorte de télépathie, de double vue lui apprit qu'il était arrivé quelque chose d'anormal ; qu'un drame venait de se passer ; et elle se rua dans les escaliers, bien décidée à percer le mystère de cette sensation étrange qui lui mettait les nerfs à fleur de peau.

La porte de l'appartement était entrebâillée, et Mme Patris frappa, par trois fois, de plus en plus fort, en un crescendo menaçant ; puis elle appela. Rien... Pas même le bruit d'une respiration ; pas un frôlement. Le néant absolu.

La bonne femme se prit à trembler, sans comprendre la raison de son trouble, bêtement, se demandant ce qu'il convenait de faire. Elle se décida brusquement, en haussant les épaules, furieuse de son hésitation et de ses craintes irraisonnées. Elle entra.

Tout était en ordre dans l'antichambre, et l'on n'eut guère deviné que, le matin même, la pièce était rigoureusement vide. Il y régnait maintenant une atmosphère de tiède intimité, grâce, probablement, aux estampes encadrées accrochées aux murs et au tapis de Boukhara, qui couvrait les lames cirées du parquet de ses arabesques pourpres et mauves.

— C'est des gens bien ! apprécia la pipelette, à qui un coup d'œil suffisait lorsqu'il s'agissait d'évaluer un mobilier.

Du poing, elle heurta violemment la porte de la pièce suivante, qu'elle savait être le salon, car Jeanne de Vendœuvres lui avait longuement exposé comment elle comptait disposer son appartement.

Cette fois cependant, elle ne se donna pas la peine d'attendre une hypothétique réponse ; d'un seul coup, elle avait récupéré son courage et son sang-froid. Mais, si bien préparée fût-elle, la concierge poussa un hurlement d'épouvante lorsque, dans la salle à manger, elle trébucha sur le corps sans vie de sa nouvelle locataire.

La noble dame était étendue par terre, avec le mol abandon d'un pantin désarticulé, comme une étoile de mer qui se dessèche sur le sable de la plage.

Marguerite Patris n'eut pas besoin d'un long examen pour se convaincre qu'elle était morte : les traits du visage restaient figés dans une immobilité totale, et les yeux, vitreux, paraissaient contempler l'infini de l'au-delà.

La concierge avait lu suffisamment de romans policiers au cours de sa vie pour savoir à quoi s'en tenir en pareille circonstance : il convient, d'abord, de ne toucher à rien ; ensuite, d'avertir la police.

Elle se conforma donc à...

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