Neuf en boîte suivis de Inaptitude majeure et Bidon
17 pages
Français

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Neuf en boîte suivis de Inaptitude majeure et Bidon , livre ebook

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Description

3 nouvelles policières :

Neuf en boîte

Que peut bien fabriquer Raymond Philibert dans sa cave chaque dimanche ?

Inaptitude majeure

Magalie, professeur de droits des affaires en école de commerce se montre particulièrement dure avec une candidate. Ce n'est pas très grave... elles ne se reverront jamais...

Bidon

Jordan n'est pas franchement une lumière. Mais bon, ce n'est pas pour ça qu'il ne pourra pas devenir quelqu'un !





Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2013
Nombre de lectures 9
EAN13 9782823808278
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couverture
Sophie Loubière

Neuf en boîte
suivis de
Inaptitude majeure
et
BIDON

images

Neuf en boîte

Raymond Philibert remontait de la cave, couvert de sable et de sciure, des chaussons jusqu’au menton. Il semblait qu’un pâtissier l’avait saupoudré de copeaux de chocolat blanc et de sucre roux. Dans son vieux gilet blanc, on l’aurait volontiers confondu avec une meringue. Son épouse vaquait à ses occupations dans la cuisine lorsqu’elle le vit traverser le vestibule tel un chat pressé de rejoindre son panier.

– Qu’est-ce que t’as encore été bricoler en bas ?

Il marmonna des mots inintelligibles depuis l’escalier, faisant grincer une marche sur deux. Déjà, l’eau coulait dans la salle de bains. Martha pesta contre les saletés qu’il laissait encore dans son sillage et s’empara de la pelle et de la balayette.

Trois ans qu’il disparaissait sans mot dire dans les profondeurs de leur pavillon. Trois ans de nuisances sonores et de contamination de l’habitat. Bruits suspects et odeurs de colle ou de peinture montaient régulièrement du sous-sol. C’était comme si le viticulteur retraité actionnait une mécanique infernale, enclenchait des rouages et commandait à des marteaux frappeurs, des scies sauteuses, des perceuses en rut, et des machines électriques dont le crissement mécanique se confondait avec des cris de chauves-souris. Le pire était encore ce silence qui succédait brusquement au capharnaüm. Hormis les soupirs du fer à repasser de Martha, on n’entendait plus rien dans la maison pendant de longues minutes, parfois des heures. Puis, cliquetis et grésillements de moteurs reprenaient leur concert. Au début, Martha ne s’était pas inquiétée de cette disparition dominicale : son mari était coutumier du fait. Chaque hiver, lorsque la terre durcissait comme des pains de glace, depuis qu’un prêtre avait eu l’idée saugrenue de les marier, Raymond se lançait dans des travaux pour l’amélioration de l’habitat comme il se plaisait à le présenter à sa femme.

– On va gagner sur la facture EDF, Martha.

Il fonçait chez Castorama avec le break Volvo et revenait tout équipé pour calfeutrer murs, plafonds et fenêtres, rejointoyer le carrelage, rajeunir le compteur électrique, redresser l’escalier, dompter les tuiles de la toiture, interroger la chaudière, faire taire le bavardage des canalisations et optimiser les radiateurs. La bricole, il l’avait dans le sang, Raymond Philibert. Et ça l’arrangeait bien, Martha, que son homme ait de quoi s’occuper lorsqu’il rentrait des vignes. Sinon, ils auraient eu vite fait de se mettre à mort à cause de la télé – lui plutôt sport, chasse et pêche, et elle, amour, gloire et télé shopping.

Mais un jour, alors qu’il équipait les combles de laine de verre en rouleau, Raymond était redescendu tout chose, tenant dans ses bras un carton qui partait en lambeaux.

– Qu’est-ce que t’as trouvé, là-haut ? l’avait questionné Martha.

Il s’était tourné vers elle, les paupières humides : on aurait dit qu’il venait de rencontrer Paul Bocuse ou le Général de Gaulle.

– Neuf en boîte, avait-il murmuré avant d’aller fissa ranger le carton dans le garage.

Pas dupe, Martha était allée y voir, le soir même. Après avoir farfouillé à l’intérieur, ses doigts s’étaient refermés sur quelques boîtes jaunes cartonnées. Et elle avait éclaté de rire : il y avait là des dizaines de petites voitures. Le trésor de Raymond remontait à l’après-guerre.

– Tu vas pas nous mettre ça sous verre, tout de même, c’est pas le trésor de Toutankhamon ! s’était-elle moquée lorsqu’il s’était mis en tête de choisir dans le catalogue de la Camif une vitrine pour y exposer sa collection.

Raymond s’était contenté de hausser les épaules avec dédain, comme un chevreuil tourne le dos au chasseur qui vient de tirer sa dernière cartouche. Froissée, Martha s’était attelée à la préparation de la marinade du rôti de porc tout en méditant sa riposte : Raymond collectionnait déjà les stylos publicitaires à décoration dynamique de chez Dunlop et Renault, les pin-ups Veedol et les vieux bidons d’huile de moteur Motul, Fina, Gryp-oil et Esso. Pas question qu’il transforme la salle à manger en musée de l’automobile en modèle réduit. Pour elle, tout ça, c’était rien que des ramasse-poussière : « Ton bazar ne rapportera jamais un clou ! » Un matin, profitant que son homme était allé pêcher avant le lever du soleil, elle avait emporté le vieux carton. Et zou ! Dans la poubelle du troisième jeudi – celle des encombrants. A six heures, la camionnette des services municipaux avalait les rebuts. De retour chez lui vers midi, les mains encore parfumées de graines de chènevis marinées au pastis dont il se servait pour amorcer le poisson, Raymond en avait fait un malaise. Pas gros, l’étourdissement, mais suffisant pour que le médecin lui ordonne d’arrêter la bricole.

– Pourquoi tu m’as fait une saloperie pareille Martha ?

– Ça valait rien, c’était des ruines !

Raymond avait bougonné, bras croisés devant son assiette pleine, boudant la cuisine de sa femme, en représailles.

– Idiote. T’y connais rien. Neuf en boîte ! Y en avait pour une fortune. Dix fois la retraite !

– Mange au lieu de dire des bêtises. Tu te fais du mal.

C’est qu’il les sentait encore sous ses doigts, ses voitures : la camionnette Citroën Charles Gervais avec décalcomanies, la superbe Plymouth Belvédère marron clair et son toit havane métal, le camion citerne Essolube en brun rouge et châssis gris, les miniatures militaires ou encore la Peugeot 203 berline avec son bouchon de réservoir, sa petite lunette arrière et son plafond lisse.

– Je sais ce que je dis. La Dinky, c’est plus coté qu’un Dali.

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