Fin de saison
109 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Mon grand-père repose maintenant dans son village d'Auvergne, face à la montagne qui l'a vu naître et vivre mais qui ne l'a pas vu mourir. On va fermer la maison... Après toutes ces années à ses côtés, les souvenirs s'emmêlent dans ma tête... Seul son regard d'un bleu clair et délavé reste dans mon esprit... A travers ces récits drôles et touchants, l'auteur explore ces moments de vie où la mélancolie et la tristesse succèdent à des instants d'un bonheur parfois trop fragile.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2009
Nombre de lectures 176
EAN13 9782296924796
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0474€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fin de saison

Et autres récits
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-07469-9
EAN : 9782296074699

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Pierre-Olivier Lombarteix


Fin de saison

Et autres récits


L’Harmattan
Du même auteur


Aux Editions du Temps

Pourquoi les français n’aiment pas les anglais… et
réciproquement.
A Juliette,
Pour aimer les hommes, il faut détester fortement ceux qui les oppriment.
Jean-Paul Sartre
La chute



C’est vrai que j’ai eu mal, très mal même. Partout. La tête d’abord sur laquelle ils ont tiré, tiré si fort. Puis les bras, les poumons, le bassin, enfin partout quoi. Je ne comprends pas vraiment pourquoi ils sont venus me chercher. J’étais bien, j’étais heureux baignant, dans la quiétude et l’insouciance de la chaleur environnante. Les promenades et les déplacements quotidiens me berçaient, les bruits et les sons extérieurs me parvenaient de très loin, comme assourdis, presque adoucis. Ils m’ont fait sortir parce qu’il était temps ou peut-être pour voir du monde sans doute. Déjà ça commence. Dès le début j’ai eu mal, et froid aussi. Je ne savais pas trop ce qui m’arrivait et pour être tout à fait honnête, je m’en souviens même très mal. Il me revient juste, de temps à autre quelques réminiscences d’un sentiment étrange éprouvé alors pour la première fois. Une sorte de malaise, le commencement du mal-être. Tout alors s’est enchaîné, la douleur, la lumière, le froid, le bruit, les cris des gens masqués et gantés autour de moi ; alors j’ai eu un petit peu peur, je l’avoue, et j’ai pleuré.
Il m’a fallu un certain temps pour surmonter cette épreuve mais entre nous, je ne m’en suis jamais totalement remis. Maintenant, je me suis habitué aux bruits autour de moi, ils me rassurent, parfois même ils me bercent et m’accompagnent vers un sommeil qui m’effraie encore beaucoup. La lumière est devenue plus douce à mesure que mes yeux se sont habitués et ouverts et je n’ai plus froid du tout. Je suis presque bien la plupart du temps. Presque tout le temps, parce qu’il arrive encore que régulièrement, quelque chose, le même sentiment que celui ressenti à mon premier jour, m’envahisse et prenne possession de mon petit être. Une sensation d’extrême et de subite anxiété, comme une angoisse mais plus diffuse, moins intense, plus sournoise. Je crois en fait qu’à ces moments-là, entre chien et loup, je ressens une forme de vide en moi, un grand manque, la nostalgie d’un ailleurs dont je n’ai plus souvenir. Cette sensation me rend sourd et aveugle, elle me domine totalement et le fait d’être seul ou avec les miens ne change rien. Alors, plus rien ne compte, il me faut simplement m’armer de patience et résister, résister jusqu’à ce que cette chose qui secoue et contracte tout mon petit corps, de mon bidon jusqu’à mon âme, s’estompe et disparaisse complètement.
La première fois, je l’avoue, j’ai vraiment paniqué, j’ai hurlé, j’ai pleuré parce que je ne savais pas quoi faire. Tout cela m’était inconnu. J’étais seul dans l’obscurité à lutter, à faire face à mon angoisse.
Maintenant, je ne dirais pas que je m’y suis habitué, mais je commence à apprendre à vivre avec, à m’en accommoder. Quelque chose me dit d’ailleurs que l’on va sûrement faire un bon bout de chemin ensemble, ma douleur et moi, alors je n’ai pas non plus tellement le choix.
Le reste du temps, je vis bien, j’oublie la compagne de ces tristes moments et même si, aux dires de certains, je pleure encore beaucoup, moi je sais bien que cela n’a rien à voir, ce n’est pas pareil du tout. Simplement, il m’arrive parfois d’avoir faim ou soif, d’être quelque peu à l’étroit, mal dans mes vêtements ou dans ma peau. J’ai également souvenir d’une fois où mes gencives m’avaient atrocement fait souffrir, et à ce moment-là, je puis vous affirmer que mes cris n’avaient strictement rien à voir avec la longue plainte qui secoue mon petit être certains soirs. J’essaie de leur dire, d’exprimer du mieux que je peux cette angoisse, mais ils entendent sans comprendre, ils regardent sans voir. Ils ne devinent pas, ils ne se souviennent pas, alors le plus souvent, ils chantent. Pour me bercer, pour m’apaiser. J’aime bien ces moments-là, je les écoute chuchoter des chants doux comme un murmure, fragiles comme un secret. Certaines de leurs comptines me ressemblent déjà tellement, à la fois sombres et douces, tristes mais emplies d’espoirs. Pendant un court instant, je redeviens calme, presque serein et m’abandonne enfin au sommeil, un peu comme on rejoindrait une cabane au fond des bois, pour y trouver refuge tout en laissant, au-dehors, les spectres du crépuscule naissant.
Dimanches soirs



J’ai huit ans maintenant. Quelques années ont passé et j’ai bien grandi depuis la dernière fois. Les gens disent de moi que je suis un petit garçon pas très raisonnable mais plutôt mûr pour son âge. A l’école, j’ai trois bons copains et à nous quatre, rien ne nous résiste. Ni les maîtresses, ni les grands de CM2, pas plus les gars des autres classes, que les filles dans la cour.
Enfin quand je dis les filles ce n’est pas tout à fait vrai, j’en rajoute un peu. Il est toujours tentant d’embellir un peu la vérité lorsque l’on raconte une histoire. En fait, les filles on les aime bien. On les embête un peu mais c’est pour leur montrer que l’on tient à elles, même d’une manière fruste et maladroite. Moi, mon amoureuse, elle s’appelle Julie. Elle est très belle. Elle a les yeux d’un bleu très clair, presque gris et porte souvent une queue de cheval. Elle utilise tout le temps un élastique bleu ciel pour nouer ses cheveux. Il est assorti à ses yeux en plus. D’ailleurs, c’est moi qui lui ai offert cet élastique quand elle m’a dit qu’elle voulait bien être mon amoureuse, surtout si j’arrêtais de trop l’embêter dans la cour et si j’acceptais de l’attraper elle en premier lorsque l’on jouerait au loup glacé. Moi j’avais accepté aussitôt, j’étais tellement content que, pour être honnête, j’aurais dit oui à toutes ses conditions.
L’autre fois, on est allés à la piscine et on s’est embrassés. Sur la bouche, mais sous l’eau. On voulait bien s’embrasser mais on avait un peu peur. C’était assez bizarre comme sentiment, presque gênant. Mais tellement excitant. Sans aucune raison apparente et de façon assez inexplicable, on avait également un peu honte. On se sentait presque coupables aux yeux des autres baigneurs. Alors on l’a fait sous l’eau, les yeux fermés certes, mais deux fois. C’était extra, vraiment génial. Ce n’était rien que deux petits bisous sur la bouche, des baisers humides et chlorés, du bout des lèvres, les yeux fermés et sans respirer, mais c’était vraiment trop bien. D’ailleurs j’y ai repensé tous les soirs pendant longtemps après. On est sortis de l’eau juste après, on avait un peu froid et l’on se sentait encore gênés. On avait pris des cabines mitoyennes pour s’habiller. Mais quand on s’est changés, on n’a pas parlé. Chacun de nous est resté silencieux. Une fois dehors, encore troublés par ce premier contact charnel, on a attendu que sa maman vienne la chercher. On est restés là plusieurs minutes, heureux et gênés, sans mot dire. Puis elle est partie souriant timidement. Moi j’ai pris mon vélo et pour rentrer à la maison, je pouvais presque voler.
Je suis bien content qu’elle soit là Julie, elle m’avait tellement manqué. On se connaît depuis la petite enfance mais il y a deux ans, son père avait trouvé un autre travail, ailleurs, très loin, et tout le monde était parti. C’était en juin, à la fin de l’année scolaire. Je me souviens très bien de la tristesse ressentie ce jour-là. Au milieu de la cohue et de l’effervescence de fin d’année, on s’était dit au revoir presque sans parler. A cet âge-là il est difficile de mettre un nom sur ce que l’on ressent et encore plus difficile d’exprimer ses sentiments. Elle était très triste, elle avait pleuré et moi aussi mais pas deva

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