Dire le tragique
171 pages
Français

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Dire le tragique , livre ebook

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Description

Un recueil de divers articles, comme un cheminement aux parcours croisés sur notre rapport à la vie, le temps de notre entrée dans le monde et la quête de la relation avec l'autre pour conjurer la solitude. Toute interrogation de l'être humain sur lui-même est toujours, à quelque dégré, à tonalité tragique. Le sentiment tragique de la vie, chacun l'éprouve, à un moment ou à un autre de sa vie. Mais comment dire et avec quels mots ce même sentiment ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 114
EAN13 9782296673397
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dire le tragique
Du même auteur


L’homme précaire , P.U.F., 2001.

Job. La force d’espérance , Cerf, 2001.

« La subjectivité revisitée. Essai sur Husserl, Binswanger, Lévinas »,
Cahiers de l’institut catholique de Lyon , 2008.
François Chirpaz


Dire le tragique

et autres essais


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www. librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08261-8
EAN : 9782296082618

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
AVANT-PROPOS
Les textes ici rassemblés reprennent divers articles et contributions à des colloques, au long de ces dernières années. Différents par les thèmes abordés mais, en fait, unis par une seule et même interrogation au sujet de la condition humaine.
Une interrogation qui n’est, évidemment, pas neuve ni propre à notre seul temps car elle émerge, dans l’homme, dès le moment où il prend conscience de sa singularité propre dans ce monde où il est venu à la vie et où il a à vivre. En souci, alors, non plus seulement de s’attacher à aménager le monde dans lequel il a à vivre, de se procurer de quoi subvenir à ses besoins ou de se protéger des périls extérieurs mais de s’interroger sur la nature et le destin de celui qui se révèle capable de parole et de pensée. Et, par là même, s’interrogeant sur le sens de sa propre vie.
Ce dont témoignent la longue tradition de la philosophie, mais aussi celle des œuvres littéraires, des textes religieux, comme des grands mythes attachés à raconter l’histoire des origines de chacun des peuples dans lesquels ils sont nés. Une interrogation d’autant plus lancinante que se découvrir dans son humanité est le faire sur le fond d’une épreuve qui fragilise chacun, la découverte de la mort comme son destin inéluctable.
Dans la vie, mais mortel. En lien essentiel avec l’autre, son semblable, dont il a besoin pour vivre, mais contraint de reconnaître pourtant que, quelque soit leur force et leur intensité, de tels liens ne permettent à personne d’échapper à l’épreuve de la solitude. Contraint à s’ajuster à la nécessité qui le fixe sur ce sol et dans cet espace commun et pourtant ne pouvant s’empêcher de rêver à d’autres mondes et à des possibilités différentes.
Si vivre est habiter ce temps de vie en ce lieu assigné, nul n’habite sa propre vie que dans une contradiction jamais réellement dépassée, entre l’autre et soi-même, entre la vie et la mort. Le sentiment de la vie a donc une tonalité inéluctablement tragique pour celui qui porte un regard lucide sur sa condition. Le tragique est cela même, le heurt entre le souci de vivre au mieux, dans ce ici et maintenant et la réalité de l’échéance impossible à escamoter. Une incompatibilité entre la prétention et la réalité de fait d’une condition précaire. Et pourtant un souci constant de tracer, dans ce temps de vie et dans ce monde, son propre chemin, en y repérant du sens.
DIRE LE TRAGIQUE
à la mémoire de Paul Ricœur

« L’entendement de l’homme
dans sa marche sous l’impensable »
(Hölderlin).

J usqu’à quel point est-il possible de trouver les mots pour parvenir à la juste expression de ce qui advient dans cette épreuve extrême qu’est le tragique où ce qui arrive alors dépasse les cadres ordinaires de l’expérience, laissant l’existence sans prise aucune sur ce qu’elle est contrainte, malgré elle, d’endurer?
Bouleversée comme en toute émotion qui l’arrache à elle-même et laissée sans voix mais d’une manière telle qu’elle se trouve soudain comme dans la proximité de son propre anéantissement, tout entière exposée et sans nulle protection.
Dans l’épreuve tragique quelque chose se passe qui ne parvient pas à trouver les mots qu’il faudrait pour le dire, comme si son intensité rendait, d’un coup, toute parole impossible. Son surgissement dans une vie d’homme contraint ce dernier à endurer au-delà de tout ce qu’il avait, jusqu’alors, connu, dans une stupeur rendue muette. Comme si, désormais, la vie devenait incapable d’exprimer rien de ce qui l’atteint en cet effroi qui s’empare d’elle. Une intensité extrême de ce qui advient et, du coup, une parole rendue muette par l’effroi qui étreint l’existence.
C’est à ce point de la jointure devenue impossible du vivre et du parler que je choisis de me placer pour tenter de comprendre l’épreuve tragique qui surgit dans une vie en en bouleversant le cours. Comment rendre compte de ce qui, alors, se passe dans l’existence terrassée par le poids soudain du malheur, en un mot, dire la détresse de l’âme qui voit s’effondrer toute possibilité, ses espoirs comme ses rêves, en ce soudain surgissement du chaos? S’efforcer de dire le tragique ne consiste-t-il pas à tenter de donner nom à l’innommable, de penser l’impensable, la confrontation de la vie avec la soudaine proximité de la mort? Et cela, à partir de la détresse elle-même.
En un sens, toute émotion arrache l’existence au rythme habituel de ses jours. Elle naît dans le surgissement soudain d’un imprévu tel qu’il déroute car il bouleverse le cours ordinaire de la vie. Dans le cours ordinaire de la vie, l’alentour des êtres et des choses peut changer au gré des rencontres et des événements mais, dans ce changement même, il conserve un air familier de déjà vu et de déjà vécu. L’aujourd’hui n’est, peut-être, pas tout à fait à ce qu’a été hier, mais si sa relative nouveauté peut surprendre, elle ne déroute pas pour autant.
C’est pourquoi la tonalité affective générale du vivre ne change guère et l’humeur peut conserver une stabilité relative. Dès lors, par contre, qu’une émotion l’affecte, elle ne le fait qu’en transformant le climat général du rapport à la vie. Quelque chose se passe dans le monde au dehors qui trouble le monde intérieur propre à chacun, laissant ce dernier sans prise sur la turbulence de sa vie affective. Et cela est l’émotion même, choc brutal et imprévu, à l’amplitude extrême, transformation soudaine du rapport à la vie et au monde avec, comme conséquence immédiate, une impossibilité à se repérer dans ce même monde et à exercer le moindre contrôle sur ses gestes et ses conduites. L’existence est, alors, comme hors d’elle-même, sans la moindre prise ni sur ce qui lui advient ni sur elle-même, entraînée dans un flux irrépressible.
Lorsque l’émotion surgit sous le signe du bonheur, comme dans la rencontre amoureuse, elle ouvre un espace insoupçonné de promesses. L’expérience de l’amour, si elle ne se réduit pas à une simple turbulence du désir, est promesse non d’une simple relation mais d’une rencontre à l’intensité encore ignorée et inconnue jusqu’alors avec un autre, là où l’existence est en ouverture sur la personne de l’autre et sur la vie même.
La vie voit, d’un coup, s’ouvrir un horizon neuf, plein de promesses heureuses comme si, désormais, rien ne pouvait être que plus beau que ce qu’elle avait connu jusqu’alors car toute rencontre réelle est, par elle-même, ouverture plus ample sur la vie. Mais celle qui laisse pressentir l’irruption du tragique est d’une tout autre nature car elle n’étreint l’existence qu’en écrasant chacune de ses possibilités, lui imposant une contrainte à la limite du supportable et la laissant sans voix.
Dans le cours de l’expérience ordinaire, l’existence parvient à conserver une part relative d’initiative et de maîtrise sur les événements et donc sur son destin. Sans doute a-t-elle à vivre dans une situation qu’elle n’a pas choisie, confrontée à des événements qu’elle n’a pas prévus et en permanence soumise aux contraintes du quotidien de la vie commune. Toutefois, tant qu’elle parvient à se réserver une marge pour son initiative, elle conserve une maîtrise relative sur ce qui lui advient. Elle ne peut pas tout, mais ce qu’elle peut lui permet de préserver la distance de son quant-à-soi, assez, en tout cas, pour agir ainsi qu’il convient pour sa sauvegarde et, déjà, pour trouver

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