Divertissement et consolation
235 pages
Français

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Divertissement et consolation , livre ebook

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Description

En réponse à l'insuffisance du concept de société du spectacle cet ouvrage propose la notion de société des spectateurs, qui traduit la passivité générale des peuples sous l'effet de la drogue consolatrice des divertissements. Est avancé le postulat politique selon lequel on ne peut sortir du cercle vicieux de la domination qu'en refusant, individuellement et collectivement, de se laisser consoler par le divertissement, et en devenant acteurs de l'Histoire par l'adoption de l'attitude philosophique de l'inconsolation.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 238
EAN13 9782296446359
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

D IVERTISSEMENT ET CONSOLATION
Ouverture philosophique Collection
dirigée par Aline Caillet, Dominique Château
et Bruno Péquignot

Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques.
Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu’elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.


Dernières parutions

Marly BULCÃO, Promenade Brésilienne dans la poétique de Gaston Bachelard, 2010.
Sylvain TOUSSEUL, Les principes de la pensée ou la philosophie immanentale , 2010.
Raphaëlle BEAUDIN-FONTAINHA, L’éthique de Kropotkine, 2010.
Arnaud TRIPET, L’éveil et le passage. Variations sur la conscience, 2010.
Stanislas R. BALEKE, Ethique, espérance et subjectivité, 2010.
Faten KAROUI-BOUCHOUCHA, Spinoza et la question de la puissance, 2010.
Arnaud ROSSET, Les Théories de l’Histoire face à la mondialisation, 2010.
Jean PIWNICA, L’homme imaginaire. Essai sur l’imagination, 2010.
Dominique LEVY-EISENBERG, Le Faune revisité. Figures du souhait dans L’Après-midi d’un faune de Mallarmé, 2010.
Céline MORETTI-MAQUA, Bacchus de la civilisation pompéienne au monde médiéval , 2010.
Michel FATTAL, Saint Paul face aux philosophes épicuriens et stoïciens , 2010.
Jean MOREL, Kierkegaard et Heidegger. Essai sur la décision , 2010.
Silvia MATTEI, Voltaire et les voyages de la raison, 2010.
Jacques STEIWER, Vers une théorie de la connaissance systémique, 2010.
Francis HUTCHESON, Epistémologie de la morale, Illustrations sur le sens moral (1728), Correspondance entre Gilbert Burnet et Francis Hutcheson (1725), Réflexions sur le rire et Remarques sur la fable des abeilles (1725-1726), Avant-propos, introduction et traduction inédite de l’anglais de Olivier Abiteboul, 2010,
Yves MAYZAUD, Personne, communauté et monade chez Husserl, 2010,
Susanna LINDBERG, Heidegger contre Hegel : les irréconciliables , 2010.
Martin Moschell


D IVERTISSEMENT ET CONSOLATION


Essai sur la société des spectateurs
Du même auteur


Nous pensons toujours ailleurs. Note sur la diversion, L’Harmattan, 2006.


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12866-8
EAN : 9782296128668

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À celle qui est partie
Exorde.
Un chagrin d’amour d’une excessive cruauté ayant présidé au déclenchement logique de cet essai, je ne prendrai pas dans ce préambule la pose du philosophe assuré d’avoir réussi à domestiquer ses passions sous le fouet des concepts. Ni non plus ne céderai au démon des lamentations romanesques propres au genre de l’auto-fiction. Je ne raconterai donc pas ici les péripéties dramatico-grotesques de ma déception amoureuse, mais chercherai bien plutôt à décrire ou à mettre en scène sur la page une sorte de thérapie par la pensée, processus mental saugrenu grâce auquel j’ai finalement échappé à la solution trop séduisante et trop facile de l’auto-destruction.
Au sein de l’intimité la plus douloureuse, dans la plus radicale solitude, j’ai découvert l’oasis intellectuelle d’un observatoire des comportements humains. Dans l’oeil cyclonique du tourbillon amoureux, généralisant spontanément mon cas pour le supporter, j’ai transformé mon besoin infini de consolation en obsession épistémologique. Cherchant à dresser l’inventaire des consolations par le divertissement, j’ai mis à jour une solidarité d’espèce inattendue entre les deux concepts, divertissement et consolation. Ayant choisi de me divertir pour me consoler, j’ai été heureusement surpris d’aborder la terre promise du « nous » en m’enfonçant dans le désert du « je ».
Si l’impulsion de cette recherche a bien été d’ordre affectif, je n’en ai pas pour autant travaillé sans méthode. Je me suis inspiré de Robert Musil {1} , pour qui l’essai n’est pas quelque chose qui suppose du relâché dans un domaine où le travail exact est possible, mais le comble de la rigueur accessible dans un domaine où le travail exact est impossible.
Musil décrit le champ de l’essai d’une manière contradictoire : l’essai a sur un de ses côtés le domaine du savoir, de la science, et sur l’autre le domaine de la vie et de l’art. L’essai ne fournit pas de personnages comme le roman ou le théâtre, mais un enchaînement de pensées réglées par un raisonnement logique. L’essai ainsi conçu convient à l’amoureux éconduit, car il invente une solution globale à travers le témoignage et l’enquête. Travail intellectuel intense pour masquer l’intensité de la douleur psychique, effort de pénitence qui est à la fois divertissement et consolation.
I DIVERTIR ET CONSOLER
« Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes curieuses, les médailles, les tableaux et autres drogues de cette espèce étaient pour les peuples anciens les appâts de la servitude, la compensation de leur liberté ravie, les instruments de la tyrannie. »
ETIENNE DE LA BOETIE {2}
1. Seuil.
Nous voulons être divertis.
Se divertir, c’est s’abstraire, s’évader, se mettre à distance. Pour oublier, pour se cacher, pour se mentir, pour fuir une vérité trop difficile à supporter, pour se réfugier dans une passivité béatement heureuse, dans l’idiotie ludique d’une suspension qui est aussi dispersion, gaspillage, absence.
Loi du monde autant que règle de l’âme, le besoin de divertissement confère à la civilisation marchande sa forme ambivalente de société du spectacle.
Après avoir établi l’universalité du divertissement, Blaise Pascal en formule la plus sévère critique, et lui oppose le pari de la consolation chrétienne. Par le moyen du divertissement, la marche des siècles fait basculer la consolation dans la laïcité. Le mythe chrétien s’efface lentement devant le divertissement généralisé, dont le pouvoir consolateur satisfait aussi bien l’instinct d’évasion que le désir de joie des individus mondialisés.
La culture se substitue à la religion et remplace le sacré par la synergie dialectique du divertissement et de la consolation. La volonté d’être diverti est à la fois innée, biologiquement déterminée, et socialement construite par la culture dans le jeu ambigu d’une diversité mythifiante. Le divers divertit et fait diversion, occultant le caractère unifié et univalent de l’ordre mondial. L’apothéose du divertissement correspond à l’exploitation politique optimale du psychisme humain.
Génie maléfique de l’espèce : l’homme utilise contre lui-même ce qui le constitue.
Dans l’histoire du lien humain, le besoin de divertissement se manifeste dès la scène primitive de la consolation, avec le premier sourire du premier enfant répondant à un geste de tendresse de la mère.
L’exemple de l’enfant montre que se divertir, c’est aussi rire, jouir sans arrière-pensée, s’abandonner consciemment au plaisir. C’est pourquoi le divertissement consolateur ne se réduit pas à une aliénation, il exprime et réalise aussi notre aspiration au bonheur. En tant qu’exigence du coeur et de l’esprit, le divertissement est un trait spécifique du vivant, qui légitime l’existence humaine d’un point de vue strictement immanent. D’où la violence intégriste de la condamnation pascalienne. Mais la nature contradictoire du divertissement rend sa critique ambiguë et son rejet total impossible. N’est condamnable que son usage social comme méthode d’asservissement.
Bien que gravement perverti par le divertissement mondial, l’acte de vivre ne paraît pas concevable sans divertissement. Le modèle noir d’une société sans divertissement est le camp d’extermination, invention majeure d’un vingtième siècle soumis à d

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