Ethique humanitaire au prisme de Nietzsche (L )
264 pages
Français

Ethique humanitaire au prisme de Nietzsche (L') , livre ebook

264 pages
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Description

L'universalité de l' "humanitaire" dans notre monde suscite un triple soupçon: n'aurait-il pas partie liée avec la tradition humaniste qui donne une place centrale à la pitié. Si oui, qui investit sa pitié dans l'humanitaire, pour qui (en faveur de qui) et avec quels effets moraux sur ceux qui en bénéficient? Et si on refuse la morale et la politique de la pitié, est-ce à dire qu'on renonce à venir au secours de ceux qui souffrent? Afin d'éviter les pièges détestables de la pitié, l'auteur utilise des concepts nietzschéens pour repenser une éthique humanitaire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2017
Nombre de lectures 35
EAN13 9782140029202
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

Roland RodrigueMOUTOUMBOUNDJOUNGUI
L’ÉTHIQUE HUMANITAIRE AU PRISME DE NIETZSCHE Pitié et souffrance
Préface de Michel Kouam
Problématiques africaines
L’éthique humanitaire au prisme de Nietzsche
Problématiques africaines Collection dirigée par Lucien Ayissi Il s’agit de promouvoir la pensée relative au devenir éthique et politique de l’Afrique dans un monde dont on proclame de plus en plus la fin de l’histoire et de la géographie. L’enjeu principal de cette pensée à promouvoir est la réappropriation conceptuelle, par les intellectuels africains (philosophes, politistes, et les autres hommes et femmes de culture), d’un débat qui est souvent initié et mené ailleurs par d’autres, mais dont les conclusions trouvent dans le continent africain, le champ d’application ou d’expérimentation. La pensée à promouvoir doit notamment s’articuler, dans la perspective de la justice et de la paix, autour des questions liées au vivre-ensemble et aux modalités éthiques et politiques de la gestion de la différence dans un espace politique où la précarité fait souvent le lit de la conflictualité. La collection « Problématiques africaines » a également l’ambition d’être un important espace scientifique susceptible de rendre de plus en plus présente l’Afrique dans les débats mondiaux relatifs à l’éthique et à la politique. Déjà parus Pascal MANI, Le vade-mecum du chef de terre. Les formalités administratives au Cameroun. Tome 2,2016. Léonelle Flore NGUINTA HEUGANG DIEKOUAM,La protection de l’environnement en période de conflit armé, 2015. Étienne SEGNOU,Le nationalisme camerounais dans les programmes et manuels d’histoire, 2015. Gianna PALLANTE,Essai d’interprétation du vivre ensemble. Du dialogue interculturel, volume 2, 2014. Gianna PALLANTE,Essai d’interprétation des phénomènes culturels. Du dialogue interculturel, volume1, 2014. Henri Brice AFANE,Agents publics, pouvoirs et terroirs en Afrique, 2014. Pascal MANI, Le vade-mecum du chef de terre. How to succeed in the prefectural career, 2013.
Roland Rodrigue MOUTOUMBOUNDJOUNGUIL’éthique humanitaire au prisme de Nietzsche Pitié et souffrance Préface de Michel Kouam
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-11266-4 EAN : 9782343112664
PR E FA C E
Nietzsche : Déroutant et séduisant. Audelà des caricatures Par ce titre paradoxal, il est question de sculpter autrement l’image du philosophe allemand dans une double considération (penseur déroutant et séduisant). C’est ce que me suggère la lecture du livre de Roland Rodrigue Moutoumbou-Ndjoungui (R.R.M.N). Je lui sais gré de m’avoir offert l’occasion de relire le philosophe de la « mort de Dieu ». Sans conteste, Nietzsche continue à fasciner les anciennes et jeunes générations à l’heure de la postmodernité. Et, on peut s’étonner et se demander : que peut vraiment apporter Nietzsche pour plus de dignité dans l’action humanitaire ? La relecture de certaines de ses œuvres démontre, à souhait, la sensibilité humaniste qui justifie le titre de l’ouvrage : « Autour de la pitié et de la souffrance ». Par conséquent, tenter de sculpter de belles lignes, ou mieux de belles pages du nietzschéisme relève d’un projet de renversement et de déconstruction de certaines images négatives, très souvent, collées aux idées de celui qui constitue la pierre angulaire de ce livre.
Au sujet de l’auteur deGai savoir,ces images non élogieuses introduisent la préface du livre de Choulet-Nancy sur Nietzsche,L’Art et la vie (1996). En substance, voici ce que nous y lisons : « La lecture de Nietzsche est déroutante : l’œuvre est un kaléidoscope et l’on peut être sûr d’y trouver un motif tantôt d’adhésion doctrinaire, d’enthousiasme juvénile, tantôt de haine farouche ou d’incompréhension durable…. Lire Nietzsche est une épreuve, dans tous les sens du mot. Parce que s’y mêlent à la fois provocations, traits d’humour, ironie perfide … » Les images nihilistes et caricatures négatives abondent. Le langage impersonnel du « on » ne manque pas de qualificatifs cyniques pour décourager le lecteur de Nietzsche. Pourtant, il mérite notre sympathie et notre attention. De ce constat, une cure d’« exorcisme » épistémologique s’impose, non pas seulement à l’endroit du philosophe, mais aussi de nous autres, de ceux qui le crucifient sans ménagement. C’est du moins ce que l’on peut penser en lisant la sculpture de Nietzsche par R. R. M. N. Par-delà le cadre spatiotemporel, Nietzsche reste, malgré tout, si proche de nous dans ses analyses portant sur la souffrance et la pitié. Humain ? un peu « trop humain » ! « Trop » au sens où la pitié, loin d’être une passion d’inertie, s’accommode à la vie pour dynamiser l’action humanitaire. En parcourant l’œuvre entre vos mains, je tiens à souligner deux lignes de force susceptibles de guider son lecteur. Une question fondamentale peut aussi bien guider notre lecture : qu’est-ce que vivre ? Vivre pleinement ? À travers l’ouvrage, la réponse nietzschéenne est contenue dans la philosophie du surhomme. Premièrement, le souci définitionnel : «la pitié comme passion positive, est une émotion qui crée spontanément cet amour d’autrui … donne sens et la motivation de l’acte altruiste… ». Mr. Moutoumbou-Ndjoungui prend le risque de faire une herméneutique anti-nietzschéenne de la pitié en partant de la figure du bon Samaritain de l’Évangile de Luc.
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(On pourrait ajouter celle de l’aveugle de Jéricho qui crie à Jésus : « Aie pitié de moi »). Mais, fort heureusement, il prend la précaution de relever les ambiguïtés et le soupçon liés au concept de l’altruisme, de la pitié et de la souffrance (p.38-41). Deuxièmement, le Nietzsche à la fois stoïcien et épicurien démontre fort justement quela morale du surhommeporte sur la question philosophique du salut ou de la félicité, avec ou sans Dieu : « Ah, combien peu de choses savezvous de la félicité de l’homme ! Car bonheur et malheur sont frères jumeaux qui ou bien grandissent ensemble ou bien demeurent petits ensemble »(Le Gai savoir§ 338). Nietzsche, comme Schopenhauer (Monde comme volonté et comme représentation), sans tomber dans une philosophie de l’avilissement de l’homme dû à sesaffects tels que la souffrance, la pitié, la joie, montre clairement leur caractère nécessaire et permanent dans toute vie. Tout en restant fidèle à sa critique de la pitié et du misérabilisme chrétien, l’image du héros Zarathoustra est omniprésente dans l’œuvre. Comment vivre et mieux vivre avec ces états affectifs quasi dégradants ? Comment retrouver le sens de la vie ? Ce livre me semble apporter quelques pistes de solutions par la valorisation et la promotion du « surhomme nietzschéen ». En quoi et comment le Surhomme donne sens à la question humanitaire dans un projet d’une vie accomplie ? La morale qu’induit le surhomme procède évidemment par la critique bien menée par R. R. M. N. dans ce qu’il désigne, vers la fin du livre par « anti-humanisme » pouvant s’identifier au pseudo-humanisme : si l’humanisme de l’aide humanitaire viole l’intimité et le secret de l’«humanitude»(selon le mot d’A. Jacquard) au nom de l’amour et de la pitié, l’anti-humanisme nietzschéen qui est un sur-humanisme travaille à faire de l’autre un ami. En définitive, lesurhomme est un ami. Il travaille, par-delà la souffrance et la pitié, à la promotion d’un ami, il cherche à
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voir un homme dans la posture debout et non vautré dans la souffrance et la misère. Le livre se ferme, avec raison, par une note positive et élogieuse de l’amitié depuis les Grecs. C’est le lieu de la donation par excellence. « Je ne vous appellerai plus serviteur, mais amis. » Ces paroles de l’Évangile, tout comme les réflexions de Platon sur l’Amitiémontrent que, l’Amitié est de toutes les vertus la plus noble, celle de l’ouverture et de la donation de soi.
Et, précisément chez Nietzsche, le surhomme est celui qui saura être pour un ami en détresse, fatigué, épuisé ou malvenu ; « être pour sa souffrance un lieu de repos, de quelque manière pourtant une couche dure, un lit de camp » (p.244).
Retrouver le vrai sens de l’humain et de la vie, c’est, en fin de compte, être ami de l’humanité comme l’a pensé A. de Saint-Exupéry dansTerre des Hommes: « être homme, c’est précisément être responsable, être fier d’une victoire que les camarades ont remportée, avoir honte devant un mal qui semblait ne pas dépendre de nous. » Revenant à l’œuvre Roland R. Moutoumbou Ndjoungui, par le corpus textuel, l’herméneute ou le sculpteur gabonais de Nietzsche offre à son lecteur, assurément, la nostalgie, le goût, le bon goût de revisiter cet auteur si loin de nous dans l’espace et le temps, mais si proche de nous par sa sensibilité à la fois humaine et esthétique. La joie artistique chez le philosophe du « surhomme », à défaut d’éradiquer la souffrance et les rugosités de l’existence, atténue et corrige tout au moins ses effets. Par conséquent, je vous invite à lire (Tolle lege) cet ouvrage d’une grande érudition même si nous ne sommes pas tous des nietzschéens jusqu’au bout des ongles. Professeur Michel KOUAM. U.C.A.C - ICY, Yaoundé/Cameroun
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INTRODUCTION
Dans son texte prophétiqueAurore, Nietzsche écrit : « nous ne tenons pas les animaux pour des êtres moraux. Mais croyez – vous donc que les animaux nous tiennent pour des êtres moraux ? – Un animal qui savait parler disait : "L’humanité est un préjugé dont nous autres animaux, au moins, nous ne 1 souffrons pas" .Et les Fragments deNous autres philologuesnotamment ceux de 1876 – 1877 distinguent deux types d'humanités : celle de l'humain de l'anthropologue (Menschliche) et celle de l'humain de l'humaniste (Humane). Cette distinction a permis à Nietzsche d'établir une démarcation et une taxinomie entre l'humanisme classique des Anciens Grecs et l'humanisme moderne. D'un point de vue anthropologique, les Grecs sont plus humains ; alors que du point de vue humaniste, ils sont inhumains. De nos jours, l’humanisme anthropologique, qui prend en compte toutes les dimensions (corporelle, psychique et morale), est considéré comme amoral ou immoral parce qu’il prône des valeurs qui sont aux antipodes de la morale judéo-chrétienne fondée sur l’opposition bien et mal. L’humanisme anthropologique posait l’égoïsme, la cruauté nécessaire, les vertus guerrières, la vengeance, etc., comme vertus. 1 Nietzsche F.,Aurore, § 333, intitulé « Humanité ».
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