Habermas et la solidarité en Afrique
207 pages
Français

Habermas et la solidarité en Afrique , livre ebook

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207 pages
Français

Description

L'intégration des sociétés complexes relève, selon Habermas, des ressources que sont l'administration, l'argent et la solidarité dont la démocratie est la matrice politique. Pour Habermas, la solidarité ne peut se concevoir que dans une institution républicaine où les citoyens raisonnent selon le principe éthique de l'universalisation des normes en relation étroite avec leurs mondes vécus. Cette réflexion permettra-t-elle de satisfaire, en ce qui concerne les Etats post-coloniaux africains, les demandes de solidarité active ?

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Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 113
EAN13 9782296250246
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

En souvenir de Kouassi Amoin, ma grand-mère, et Kobon Apo Blandine, ma compagne ; des modèles de « solidarité » et d’engagement.
PRÉFACE Jeune chercheur ivoirien, Yao-Edmond Kouassi a soutenu en 2004 une thèse de doctorat en philosophie consacrée à la pensée de Habermas : « Nationalité(s) et citoyenneté chez Habermas. Contribution à l‘intégration démocratique post-nationale ». Cette thèse a été préparée dans les conditions difficiles que connaissait et que connaît encore le pays natal de son auteur, puisqu‘elle dut être soutenue dans une Université (celle de Bouaké) « délocalisée » à Abidjan en raison de la partition de fait du pays. Heureusement, dans le cas de M. Kouassi, un séjour à Paris au sein de l‘équipe de recherches « Normes, Sociétés, Philosophies» de l‘Université Paris 1, séjour qui me permit de faire sa connaissance et de discuter avec lui à maintes reprises de ses recherches, pallia en partie les effets néfastes de cette situation - une situation qui, de toute évidence, n‘est pas sans avoir contribué à la définition du programme de recherche qu‘il s‘était fixé.Le présent livre, centré sur la notion de solidarité, offre le bilan des recherches post-doctorales de M. Kouassi. Habermas y est toujours fortement présent, notamment dans les deuxième et troisième parties, mais sa pensée constitue désormais plutôt un instrument de travail qu‘un objet d‘investigation, même si l‘étude et la discussion du corpus habermassien continuent d‘y occuper une place éminente. S‘agissant de l‘interprétation de cette pensée, la thèse de M. Kouassi est que le concept de solidarité se situe pour ainsi dire à l‘intersection du volet moral et du volet juridico-politique de laDiskursethik. De manière perspicace et tenace, il cherche dans cette notion un moyen de concilier les éléments qui, dans la pensée de Habermas, semblent parfois entretenir un rapport tendu : la solidarité, montre-t-il, est ce qui peut permettre d‘échapper à l‘apparente contradiction du « système » et du « monde vécu », contradiction à laquelle la « colonisation du monde vécu » par des impératifs systémiques, pour reprendre une expression de Habermas, n‘offre qu‘une réponse illusoire.Mais le véritable objet du livre, comme le montre sa dernière partie, c‘est l‘Afrique, une Afrique dont les immenses problèmes, chacun en convient aujourd‘hui, remontent à la
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façon malsaine dont s‘est opérée la décolonisation et s‘expliquent en particulier par son insertion dans le marché mondial dans un contexte d‘échange inégal, pour reprendre une expression fameuse. S‘appuyant notamment sur des données relatives à son pays, M. Kouassi s‘emploie avec une belle conviction à montrer que le « principe de solidarité » qui, en l‘occurrenceprincipe espérance », est en consonance avec le « cher à Ernst Bloch, est une réponse ou, du moins, un instrument critique pertinent. La critique s‘adresse, bien évidemment, au « système » et aux forces dominatrices qui y trouvent le moyen de réaliser leurs ambitions. Mais elle s‘adresse tout autant, sinon plus, aux élites post-coloniales dont l‘attitude et les pratiques ont contribué massivement non seulement à la perpétuation d‘une situation inique mais surtout au tarissement des ressources morales et politiques qui pourraient permettre d‘y faire obstacle. C‘est ici que la thématique habermassienne de la « colonisation du monde vécu », avec ses assonances wébériennes et husserliennes, acquiert une signification tout simplement existentielle: elle permet de mesurer tout l‘effort qui est à accomplir pour corriger la trajectoire d‘un continent qui, selon la formule malheureusement toujours actuelle de René Dumont, est « mal parti ». Jean-François Kervégan
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INTRODUCTION : LA SOLIDARITÉ UN CONCEPT EN DIFFICULTÉ ? Pourquoi l‘action, consistant pour les hommes à s‘assister mutuellement ou par le canal de la régulation étatique, reste-t-elle une question d‘un intarissable atPourquoi les masstrait ? média puis les opinions publiques, si souvent avares en « amitiés », devraient-ils se montrer solidaires de tel acte de solidarité et non de tel autre ? Pourquoi et comment la solidarité est-elle devenue un centre d‘intérêt pour Habermas dans le contexte des sociétés complexes qu‘il croise de son regard de sociologue et de philosophe? Si ces interrogations étaient clairement assumées et traitées, elles alimenteraient une suspicion légitime. En effet, les campagnes d'assistance ou les programmes de solidarité ne seraient pas toujours possibles dans le cadre de la normativité démocratique. Celle-ci suppose la gestion cohérente de l‘autonomie privée et de l‘autonomie publique dansle respect de la souveraineté populaire élaborée par Jean-Jacques Rousseau et dans celui des droits de l‘homme.Dans plusieurs de ses ouvrages, Habermas laisse entendre que quand lasolidaritéest appelée à jouer le rôle qu‘il lui assigne, l'économie libérale génère descontradictions telles que « dans le trop-plein de la richesse, la société civile n‘est pas 1 assez riche »jetant ainsi le corps social dans l‘égocentrisme bourgeois. Les ressources, fournies parles systèmes bureaucratique et économique, atteindraient les limites del’intégration sociale. Il faudrait, par conséquent, passer à autre chose. Dans cette phrase aux accents volontairement triviaux, il importe de voir un programme à l‘intérieur duquel une nouvelle théorie de la connaissance prend corps, celle de l‘intersubjectivité. C‘est la 1 C‘est le propos, en remarques terminales des développements de Hegel (Principes de la philosophie du droit, traduction de Kervégan, J-F. Paris, PUF « Quadrige », 2003) au paragraphe 245, sur labürgerlische Gesellschaftet ses paradoxes qui ne peuvent trouver à être surmontés qu‘en dehors dela sphère, notamment dans cette sphère supérieure qu‘est l‘État rationnel, même si la corporation n‘était pas moins l‘image quasi-parfaite de la solidarité, au stade de la société civile. 9
naissance d‘un autre projet des Lumières porté par Habermas. Le monde vécu (Lebenswelt), la colonisation du monde vécu (DieKolonialisierung der Lebenswelt),société civile-active la (Aktive Bürgergesellschaft)et le patriotisme constitutionnel(Verfassungspatriotismus)y jouent un rôle décisif.Le travail philosophique passe du statut de producteur de concepts à celui d'élucidation du réel. L‘effort conceptuel qu‘accomplit Habermas, à cette fin, semble avoir produit d‘autant plus d‘effets qu‘il semble être crédité d‘un discours suffisamment dense sur la modernité politique, discours à l‘intérieur duquel des formes de pensée concurrentes se développent. Elles dégagent trois trajectoires qui définissent les reproches suivants. En premier lieu, il est reproché à Habermas d'avoir abandonné le projet marxiste qui critique les idéologies et le conservatisme, alors que la première génération des penseurs de laFrankfurter Schulelargement restée fidèle au marxisme. est En deuxième lieu, il lui est reproché de subordonner le droit à la morale à travers l'apologie des Droits de l'Homme. Enfin, il lui est reproché d‘idéaliser l‘espace public ou de négliger l'importance de « la multiplicité des infrastructures normatives qui ne représentent les conditions de la participation 2 démocratique quelorsqu‘elles sont réunies» . C'est pourtant, en lisant Habermas, que nous tombons sur une des formulations les plus lumineuses de la problématique de la solidarité. «À côté de l‘instance hiérarchique de régulation, celle de la puissance souveraine de l‘État, et de l‘instance de régulation décentralisée du marché, et donc à côté du pouvoir administratif et de l‘intérêt de chacun, la solidarité apparaît, soutient-il explicitement, comme la troisième source 3 de l‘intégration sociale» . La tradition de pensée dans laquelle évolue Habermas est, on le sait, celle de la Théorie critique au sein de laquelle l‘emploi du terme «tradition» exigerait plus qu‘une demande
2 HONNETH, Axel,La société de mépris. Vers une nouvelle Théorie critique,traduction de Voirol, O., Rusch, P. et Dupeyrix, A., Paris, La Découverte, 2006, p.175. 3  HABERMAS, Jürgen,L’Intégration républicaine,Essais de théorie politique, traduction de Rochlitz, R., Paris, Fayard, 1998, p.260. 10
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