L Homme, une chose comme les autres ?
208 pages
Français

L'Homme, une chose comme les autres ? , livre ebook

208 pages
Français

Description

Les frontières de l'humain se révèlent poreuses et de plus en plus floues. Il y a une invitation, une urgence : repenser l'humain. Parmi les différentes frontières à explorer, celle entre l'homme et la chose s'avère être l'une des plus intéressantes. Le déplacement de cette frontière se donne à voir, de manière saillante, dans le post-humanisme. De ces analyses, il ressort que la question anthropologique décisive ne serait pas "qu'est-ce que l'homme ?" mais "que peut-on faire à l'homme et avec lui ?".

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Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 30
EAN13 9782296483538
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’homme,une chose comme les autres ?
© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55983-7 EAN : 9782296559837
Sous la direction deStanislas Deprez et Jean-Baptiste Lecuit L’homme,une chose comme les autres ?Exploration interdisciplinaire de la frontière homme-chose
Ouverture philosophique Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot Une collection d'ouvrages qui se propose d'accueillir des travaux originaux sans exclusive d'écoles ou de thématiques. Il s'agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu'elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n'y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu'habite la passion de penser, qu'ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques. Dernières parutionsBertrand DEJARDIN,Ethique et esthétique chez Spinoza, Liberté philosophique et servitude culturelle, 2012. Stefano BRACALETTI,Le paradigme inachevé. Matérialisme historique et choix rationnel, 2012. Laurence HARANG,La valeur morale des motifs de l’action. Motivation éthique et motifs, 2012. Olivier LAHBIB,Avoir, Une approche phénoménologique,2012. Dimitri TELLIER,La métaphysique bergsonienne de l’intériorité. Se créer ou se perdre,2012. Alessia J. MAGLIACANE,Monstres, fantasmes, dieux, souverains. La contraction symbolique de l’esprit chez Sade, Dick, Planck et Bene, 2011. Xavier ZUBIRI,L’homme, sa genèse et sa durée. Etudes anthropologiques II, 2011. Xavier ZUBIRI,L’homme, sa réalité et ses structures. Etudes antrhopologiquesI, 2011. Élysée SARIN,Épistémologie fondamentale appliquée aux sciences sociales, 2011. Pierre DULAU,L’arche du temps, 2011. François HEIDSIECK,Simon Weil, 2011. Guy VINCENT,Des substitutions comme principe de la pensée, 2011.
Introduction Stanislas Deprez et Jean-Baptiste Lecuit « Nous sommes des frontières vivantes au milieu 1 d’autres frontières vivantes ». Les sociétés occidentales sont en train de sortir du cadre car-tésien qui fut la manière de penser dominante pendant plus de trois siècles. Les avancées des neurosciences ont enterré le vieux dualisme et conduisent les chercheurs à penser l’esprit comme émergence et le corps comme auto-organisation. L’éthologie et la paléontologie ont montré que les animaux – et singulièrement les primates – sont bien plus proches de l’homme que ce que l’on pensait. De toutes parts, les frontières de l’humain, que l’on croyait naguère solides, se révèlent non seulement poreuses mais de plus en plus floues. Il y a là une invitation, une urgence : repenser l’humain. Parmi les différentes frontières à explorer, celle entre l’homme et la chose se révèle être l’une des plus intéressantes. En effet, les progrès scientifiques et techniques modifient de multiples façons l’appréhension des différences entre l’homme et la chose, changeant le sens des mots lentement façonné par 2 les langues grecque et latine . La technologie produit des appa-reils de plus en plus sophistiqués, que la médecine peut utiliser pour compenser les handicaps humains, en les connectant de plus en plus finement et intimement au corps humain. Ce qui suscite des interrogations. Le corps humain est-il une chose réparable comme une autre, par l’emploi de ces choses artifi-cielles que nous fabriquons ? En quoi l’usage de prothèses mo-difie-t-il la perception de soi ? Quelles différences peut-on faire 1 Ali Benmakhlouf,L’identité. Une fable philosophique, Paris, PUF, 2011, p. 84. 2 Voirinfra, les précisions terminologiques.
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entre un rein artificiel et celui d’un donneur humain : ont-ils la même valeur, sachant qu’ils remplissent la même fonction ? Les progrès de la chirurgie – éminemment louables – ont donné lieu à des trafics d’organes, essentiellement dans les pays pauvres, où les vendeurs sont traités davantage comme des producteurs que comme de véritables êtres humains. Si la législation par-vient à empêcher un tel commerce dans les pays occidentaux, le problème se pose – ou risque de se poser à court terme – des bébés médicaments, enfants conçus par un couple pour soigner la maladie d’un aîné. Réduit à un ensemble d’organes dispo-nibles pour pallier les déficiences d’autres hommes, le corps ne risque-t-il pas de perdre sa valeur ? D’autres questions touchent au début et à la fin de vie. Ainsi, à l’heure où l’appareillage médical est d’une performance telle qu’il permet de prolonger indéfiniment l’existence en rempla-çant les fonctions usées de l’organisme – poumons et cœur arti-ficiels, alimentation par sonde, etc. –, comment définir le pas-sage de la vie à la mort ? Et quand l’embryon humain peut être utilisé comme un simple matériau pour des expérimentations ou des recherches, on est en droit de se demander comment consi-dérer cet humain en devenir : comme une chose, un matériau, un être vivant, une personne ou tout cela à la fois ? Par ailleurs, les progrès de la génétique laissent entrevoir la possibilité de déterminer l’espèce et de sélectionner les individus dignes d’exister. Il y a quelques années, le philosophe allemand Peter Sloterdijk prophétisait le passage d’une culture humaniste – où les corps et les esprits sont disciplinés par la lecture – à un parc 3 humain où le contrôle sera biopolitique . Nous n’y sommes pas, ou pas encore. Mais la tentation est bien réelle : ainsi, les gou-vernements de la France et du Royaume-Uni ont un moment songé à détecter les enfants porteurs de gènes de la déviance, afin de prévenir une éventuelle délinquance future. Et aux États-Unis, la fessée donnée aux enfants considérés comme turbulents a été remplacée par des médicaments administrés aux mêmes enfants, jugés cette fois hyperactifs. On sait aussi que 3  Peter Sloterdijk,Règles pour le parc humain. Une lettre en réponse à la Lettre sur l’humanisme de Heidegger, Paris, Mille et une nuits, 1999.
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les anxiolytiques, calmants et autres antidépresseurs sont deve-nus le quotidien d’un nombre impressionnant d’adultes des pays industrialisés. Une approche interdisciplinaire Le sujet suscite de nombreuses questions et concerne beau-coup de terrains. Il en est un, pourtant, qui tend à s’imposer, tant il est révélateur du brouillage actuel de la frontière homme-chose : le posthumanisme (première partie). Cette utopie fait voir que la problématique n’est pas uniquement intellectuelle mais d’abord éthique. La définition de l’homme et la distance marquée avec les choses – et ces êtres ni choses ni hommes que sont les animaux – n’ont de sens que reliées à la question du traitement de l’homme (deuxième partie). La question ne serait donc pas tant « qu’est-ce que l’homme ? » mais bien « que peut-on faire à l’homme et avec lui ? » L’adverbe « avec » doit être pris ici dans toute son ampleur, car il inscrit l’humain dans la relation, laquelle est symptomatiquement absente de la ré-flexion posthumaniste (troisième partie). I. L’homme à l’épreuve du posthumanisme : une chose à perfectionner ? Peut-être les bouleversements intellectuels, existentiels et sociaux ne sont-ils jamais mieux visibles que dans les utopies. Il y a presque quatre siècles, Thomas More a posé le problème du vivre ensemble avec plus d’acuité que bien des analyses con-temporaines. Jules Verne a fait sentir mieux que n’importe quel savant les profonds changements que la science allait apporter au monde. Dans le cas de la frontière homme-chose, les utopies posthumanistes, avec leur radicalité et leurs extravagances, sont sans doute les discours qui expriment avec le plus d’évidence le déplacement de la ligne de partage. Le posthumanisme prône le dépassement des limites de l’homme par la symbiose avec la technique, voire l’immortalité de l’esprit par la transplantation dans des machines non biologiques. Pour les tenants – les croyants ? – de ce courant de pensée, les avancées des techno-sciences permettent d’espérer que l’homme devienne un jour un
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demi-dieu, invulnérable aux maladies, au vieillissement et même à la mort. Et cela, à un moment où la foi en Dieu semble connaître un déclin, ou en tout cas une mutation, dans une partie du monde occidental. Les posthumains seraient-ils les nouveaux anges de notre société sécularisée ? Quelle que soit sa perti-nence par rapport aux développements réels de la médecine, ce fantasme technophile interroge la nature humaine : sommes-nous autre chose que des machines sophistiquées ? Que re-couvre le rêve posthumaniste, que nous dit-il de notre humani-té ? Dans une perspective critique, Pascal Marin se demande si cette utopie est aussi originale qu’elle le prétend. Certains pos-thumanistes rêvent de gagner l’immortalité en transplantant leur esprit dans une machine. Conception étonnante qui tient le corps pour le simple support de la pensée, en négligeant tout ce que dit la neurobiologie sur le sujet. Le posthumanisme ne se-rait-il pas le dernier avatar en date du dualisme âme-corps qui trouve sa source dans le platonisme ? Chercher l’immortalité, c’est aussi rejeter le temps, c’est-à-dire rompre avec une dimension fondamentale de l’humain. En signant la fin du temps humain, analyse Jean-Marie Breuvart, le posthumanisme est caractéristique de notre époque, dominée par l’urgence. Cette dynamique de suppression de la durée, sensible dans presque toutes nos activités, bouleverse notre mode d’être. Un monde sans passé ni avenir, un monde de la pure présence, est-il encore vivable ? Jacques Arènes apporte un troisième éclairage sur le pos-thumanisme, à partir de la figure du cyborg dans l’œuvre de Donna Haraway, prophétesse desgender studies. Ni homme ni machine, le cyborg permet de dépasser la finitude humaine, et ainsi de contester la nature humaine, notamment sexuée. Par quoi le posthumanisme se fait contestataire : si nous pouvons tous devenir homme, femme, les deux, voire aucun des deux, c’est notre identité qui en est bouleversée.
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