Le premier regard
322 pages
Français

Le premier regard , livre ebook

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322 pages
Français

Description

Cette réflexion, nourrie des grands auteurs des XVIIe et XVIIIe siècles, a pour objet la vision, appréhendée comme modèle du vrai et du beau. Sont ainsi analysés la manière dont, à la Renaissance, la vision se sépare des autres sens, et les rapports qu'elle entretient dès lors avec eux, en particulier l'ouïe et le toucher. L'ouvrage se veut une sémantique, une esthétique et une éthique du corps qui voit.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2007
Nombre de lectures 87
EAN13 9782296182707
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Remerciements Je remercie Jean-Robert Armogathe qui a patiemment suivi ce travail depuis son origine jusqu’à son aboutissement. Je lui dois toute ma reconnaissance pour ses conseils précieux, ses critiques lucides, ses lectures attentives et ses encouragements continuels.
INTRODUCTION
Histoire d'une recherche Il est difficile de faire la genèse d'un livre et d'établir la manière dont il s'est développé. Il se nourrit d'un peu de tout et les lectures qui l'accompagnent se sont plus ou moins bien intégrées à sa substance. Celui-ci a commencé il y a bien des années autour de la vision. Depuis, comme la statue de Condillac, il s'est aventuré dans d’autres sens, en particulier l’ouïe et le toucher. Un sens ne peut se comprendre sans les autres, mais la vision reste le sens majeur de cette entreprise. Est-il possible de savoir pourquoi on choisit tel auteur plutôt que tel autre ? J'ai écrit ma thèse de doctorat sur George Berkeley. Rien ne m'y destinait, si ce n'est une piètre opinion de la philosophie empiriste anglaise. En France, encore, on appartient à l'idéalisme. C'est dire que l'on commence toujours par le concept. Je ne faisais pas exception. Et de se demander avec quoi d'autre la philosophie pourrait bien commencer et… se terminer. La philosophie se paye d'idées et de mots ; ne nous le cachons pas. L'empirisme commence avec des sensations. Brutes. Et aimerait bien en rester là. Malheureusement il faut parler. C’est pourquoi l’empirisme doit toujours penser le rapport du langage à la perception. Quelques extraits d'Un essai sur la nouvelle théorie de la vision avaient attiré mon attention. Je ne m'imaginais pas que j'en avais lu le meilleur. Les anthologies ne sont pas essentiellement mauvaises, elle sont plus partiales que partielles ; comme une lecture. Malgré les fondements empiristes de Berkeley, c'est son idéalisme qui me plaisait. Et sa folie aussi. On le disait, au dix-huitième siècle, extravagant. Extra-vaguer c'est étymologiquement « errer au-dehors ». Ce qui ne manque pas d'ironie quand on sait qu'il n'y a pas, à proprement parler, de dehors pour Berkeley, à part Dieu. La philosophie de Berkeley erre en Dieu. Elle est, littéralement, l'errance en Dieu. Peut-être la plus belle définition de la philosophie si l'on ne comprend pas par erreur le contraire de la vérité : la philosophie est l'erreur dans l'omniscience. Toujours reprendre lelogosmètre de la sensation et de son immédiateté, voilà le au travail, peut-être impossible en droit, de la philosophie berkeleyenne. Le problème fondamental de l'empirisme, c'est de tenir cette position le plus longtemps possible ; Descartes avait le même problème avec lecogito. Pour faire de l'intuition l'éternité, il faut en rester au niveau de la perception intuitive. Il faut faire en sorte que la perception ne se dialectise pas en entendement, comme chez Hegel. L'irruption de l'intuition perceptive dans le temps, voilà le problème empirique par excellence.
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Une thèse est toujours le signe d'une insatisfaction. Il faut donc la réécrire. Un auteur ne s'explique pas, il se remet à écrire ; à écrire un peu l'histoire d'une histoire. Voici donc plusieurs histoires sur la vision et la perception. Ce livre n'a pas été écrit linéairement. Sa genèse et son sujet ne le permettaient pas. Il a ses pleins et ses déliés, ses coupes et ses rejets. Berkeley a joué un rôle fondateur. Ses idées m’ont forcé à remonter jusqu’aux Grecs. C’est une préhistoire nécessaire pour établir les questions et mieux évaluer la situation des dix-septième et dix-huitième siècles. Sont aussi venus se greffer La Fontaine et Linard en amont pour illustrer dans d’autres discours et d’autres mondes que celui de la philosophie la valeur de la vision. En aval, Montesquieu, Diderot, Condillac et Rousseau apportent de nouvelles approches et de nouveaux modèles visuels. Chacun apporte une nouvelle pièce à la mosaïque de la perception quand elle se fait œuvre de culture. Certaines thèses, malgré les procédés rhétoriques de généralisation, restent locales. Ce travail ne se fonde pas sur une analyse exhaustive de ses sources mais sur une lecture qualitative de certains textes et de certaines œuvres. Il n'échappe donc pas à l'arbitraire du choix : hasard des rencontres, textes classiques ou abordables. Quelles que soient les raisons du choix, il serait vain de vouloir les justifiera posteriori. Leur analyse tient lieu de justification. Ils tiennent d'eux-mêmes et tissent ensemble de nouveaux liens entre des objets, des idées et des domaines. Ce livre s’occupe de la retombée du corps percevant dans la langue et dans l’art. Moins qu’une série d’analyses ou une histoire continue, c’est un ensemble de méditations sur des objets culturels qui ont trait à la vision et au regard dans leurs rapports aux autres sens. On verra que la vision, dans cet ouvrage, se rend progressivement indépendante des autres sens. Si elle a la partie belle c'est bien parce qu'elle avait le beau rôle à cette époque. Malgré cela, il est impossible de la traiter séparément. Elle doit se comprendre particulièrement en relation au toucher et à l’ouïe. Au toucher en ce qu’il représente les sens de la proximité avec le goût et l'odorat. Ces trois sens « inférieurs » n'accèdent jamais au statut de l'intelligible et de l'esthétique dans la civilisation occidentale. Ces sens ont rarement droit d'asile dans nos valeurs, et, quand ils l'ont, ils sont dévalorisés. Ce qui, en France, n’est pas sans ironie car la tradition y cultive des pratiques qui vont jusqu’à la définir : la cuisine et la parfumerie. Il ne s'agit donc pas d'inventer des objets et des lieux qui n'existent pas ; nous pouvons, en revanche, lire en creux les lignes qui se dessinent autour des sens absents. L’ouïe est en concurrence avec la vue parce qu’elle est aussi source de savoir. L'ouïe et la vue sont les deux sens qui fonctionnent à distance et fondent l’esthétique des beaux-arts, de la musique et de la poésie. Ce sont les deux sens qui nous donnent les deux faces du langage : oral et écrit. Revenons à l'ordre. Comment, dans un ouvrage, qui critique une certaine conception de la clarté et de l'ordre pour habiliter une certaine idée de la confusion (voir notre conclusion), se soumettre à ces mêmes schémas ? Ce
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