Les bases métaphysiques de la pensée négro-africaine
149 pages
Français

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Les bases métaphysiques de la pensée négro-africaine , livre ebook

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Description

Fuyant le réductionnisme occidental, qu'il soit spiritualiste ou matérialiste, la culture traditionnelle installe le Noir africain dans le pluralisme, tel qu'enseigné par le R.P. HEBGA. Le retour aux sources s'effectue ici dans cet esprit de symbiose et de compénétration qui caractérise la pensée négro-africaine. Une redéfinition des concepts dans la philosophie de l'être permet une approche différente des notions de substance, d'essence et d'existence.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 260
EAN13 9782296700680
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES BASES MÉTAPHYSIQUES
DE LA PENSÉE NÉGRO-AFRICAINE
Ernest Menyomo


LES BASES MÉTAPHYSIQUES
DE LA PENSÉE NÉGRO-AFRICAINE

Etude comparative
Du même auteur

Descartes et les Africains, L’Harmattan, 2010.


© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-12033-4
EAN : 9782296120334

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
AVANT-PROPOS
Si les philosophies se nourrissent des cultures qu’elles sont chargées d’interpréter et de transformer, c’est qu’elles en sont issues. Le noir africain qui a étudié dans les universités européennes et qui doit en faire le bilan se trouve en face de deux cultures, de deux visions du monde, de deux philosophies. Quelle sera sa culture propre ? Sera-t-elle une culture dualiste ou pluraliste ? La réponse ici penche vers le pluralisme ontologique, afin d’éviter toutes les difficultés soulevées par le cartésianisme. On peut citer, entre autres, le spiritualisme cartésien qui a survécu difficilement à son dualisme, l’occasionnalisme de son disciple Malebranche, l’harmonie préétablie de Leibniz, le parallélisme psychophysiologique, courants qui mènent, avec l’épiphénoménisme, tout droit au scandaleux monisme, qu’il soit idéaliste ou matérialiste. Le réalisme se trouve dans la compénétration des substances et des cultures. C’est dans ce sens qu’une redéfinition des concepts s’impose.
Dans cet ouvrage, nous étudions tour à tour la doctrine négro-africaine des substances, des essences et des êtres ainsi que de l’existence. Les données de base sont les croyances les plus anciennes confrontées aux recherches de nos jours. Nous essayons de voir quelle est, par rapport aux concepts métaphysiques, la valeur de la pensée négroafricaine en général. Prenant pour point de départ la philosophie cartésienne, nous tâchons de montrer le suppôt métaphysique de cette pensée.
LA DOCTRINE DES SUBSTANCES
1- La notion de substance
Il ressort de l’œuvre de l’Abbé Alexis Kagame que la notion même de substance est équivoque. {1} A proprement parler, la communauté ou parenté des êtres proclame que rien n’est totalement indépendant dans l’univers. Or, chez Descartes, ce qui fait la substance complète, c’est le fait de ne dépendre de rien d’autre.
« Lorsque nous concevons la substance, note bien Descartes, nous concevons seulement une chose qui existe en telle façon qu’elle n’a besoin que de soi-même pour exister … A proprement parler, il n’y a que Dieu qui soit tel … C’est pourquoi on a raison dans l’Ecole de dire que le nom de substance n’est pas univoque au regard de Dieu et des créatures (…). ». {2}
Il résulte de cette définition que la pensée négroafricaine ne peut s’occuper que des qualités ou des attributs, tandis que la notion de substance se dira uniquement de la force vitale. A peu près semblable à la substance unique spinoziste, dont l’essence implique nécessairement l’existence, ou à la monade leibnizienne, qui n’a aucun contact avec les autres monades dérivées, la force vitale est tout à fait unique mais non exclusive. Son être n’a pas d’autre sphère d’existence que dans un autre, quoiqu’il en reste la source unique. Le négro-africain pense en effet que derrière toute chose se cache toujours quelque chose d’autre. Nous distinguerons donc la force vitale, substance unique, et les autres substances dérivées, sortes d’éléments de force vitale primordiale.
La force vitale est désignée par Tempels comme étant le support de toute la pensée négro-africaine.
« Pour le Bantou, la force n’est pas un accident, c’est même plus qu’un accident nécessaire, c’est l’essence même de l’être en soi. […] L’être est force, la force est être. Notre notion d’être c’est « ce qui est », la leur « la force qui est ». Là où nous pensons le concept « être », eux se servent du concept « force ». Là où nous voyons des êtres concrets, eux voient des forces concrètes. Là où nous dirions que les êtres se distinguent par leur essence ou nature, les Bantous diraient que les forces diffèrent par leur essence ou nature ». {3}
Dans les pages qui suivent, nous allons considérer tour à tour les principes de la diversité, de l’indistinction, de l’union, de la parenté et des rapports des substances.
2- La diversité des substances
Descartes réduit rapidement toute la réalité à deux substances opposées, l’âme et le corps, dont les attributs essentiels sont la pensée et l’étendue {4} . La pensée, parce que sa connaissance précède toute autre connaissance {5} le sujet se saisissant avant de saisir la moindre chose. Plus cette opposition entre l’âme et le corps est radicale, plus problématique sera rendu le rapport entre eux.
D’entrée de jeu, il est possible de faire remarquer qu’il y a un arrière-fond à connaître et qui semble stimuler la pensée d’une manière incessante, sans pour autant s’identifier à celle-ci ni par conséquent se laisser saisir. D’un autre côté, force sera de constater qu’il existe aussi un arrière-fond de la matière, qui serait le fondement de l’étendue, de la figure et du mouvement, auxquels Descartes ramène tous les corps, même ceux qui manifestement semblent y échapper. Cet arrière-fond des êtres et des choses nous échappe certes, sans pour autant cesser de vivre et de faire vivre, de croître et de diminuer, comme si l’on devait l’appeler force vitale, indistincte absolument de ses propres manifestations. La force vitale englobe la substance de l’esprit et la substance du corps. En tant que principe de croissance et de diminution, elle est bien évidemment principe de l’étendue, de la figure et du mouvement, sans le moins du monde s’y laisser réduire. Considérée comme principe de vie, elle est aussi principe de la pensée. La substance des substances est unique, la force vitale. Telle semble être ce qu’enseigne, au dire de Tempels et de Kagame, la sagesse ancestrale. Mais les substances sont nombreuses et diverses. On ne saurait les ramener abusivement à l’esprit et à la matière.
Le penseur ghanéen Amo reprochera à Descartes sa préférence de l’esprit à la matière, au corps, si vivant et si indispensable. Selon cette manière de voir qui consiste à attribuer la mobilité à la seule matière, on peut être amené à déclarer l’âme insensible et à lui dénier toute vie concrète. L’âme sera destinée à recevoir les impressions venues des corps extérieurs. Pour Amo, les idées deviennent des sensations répétées, vu que l’esprit n’a aucune vie. A partir d’Amo, priorité sera donnée aux sens et à la sensibilité, de même qu’à leur fondement, le corps, donnée indépassable. Mais la pensée négro-africaine ne sera pas pour autant matérialiste, puisqu’elle n’entend rien séparer. La matière et la pensée sont toutes les deux ramenées à la force vitale, sans la moindre séparation, c’est-à-dire que toute force est tirée aussi bien de l’esprit que de la matière. La force vitale, celle qui fait vivre, est indistinctement tirée des diverses substances. Comme le note si bien Froelich,
« Une parcelle de force réside dans tout, aussi bien dans les objets que dans les êtres vivants ; … toutes ces forces partielles sont un élément de la grande force cosmique » {6} .
Toutefois, l’affirmation que tout est force ne veut pas dire que ces forces agissent en plein jour, au contraire elle montre seulement qu’elles sont cachées, réprimées et par conséquent à conquérir. D’où il apparaît que la notion de force est plutôt une structure de possibilités que quelque chose de déjà réalisé. Comme l’écrit très exactement Senghor {7}
« Cette nature est animée par des forces vitales cachées, dont l’homme n’est qu’une partie et dont il doit respecter l’ordre harmonieux : cet ordre mystérieux enseigné dans les écoles et séminaires d’initiation qui se tiennent, précisément, dans les bois sacrés. »
De cette citation découle l’idée que la force vitale est plutôt un idéal qu’une entité

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