Qu est-ce que la douleur ?
182 pages
Français

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Qu'est-ce que la douleur ? , livre ebook

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Description

Qu'est-ce que la douleur et quelle place lui accorder dans la définition de la maladie ? Pour tenter de répondre, Canguilhem, dans Le Normal et le Pathologique, se tourne vers les écrits de René Leriche (1879-1955) : un chirurgien qui, contrairement aux opinions couramment répandues dans le corps médical de son temps, place la douleur au premier plan de sa recherche. Voici une pensée originale qui propose à la médecine et la chirurgie de renouveler leur approche de l'homme malade.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 155
EAN13 9782296715820
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

QU’EST-CE QUE LA DOULEUR ?

Lecture de René Leriche
La Philosophie en commun
Collection dirigée par Stéphane Douailler,
Jacques Poulain, Patrice Vermeren

Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l’exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l’écriture. Les querelles engendrées par l’adulation de l’originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique.
Notre siècle a découvert l’enracinement de la pensée dans le langage. S’invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l’éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l’explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu’à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie.
Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l’argumentation, faisant surgir des institutions comme l’École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l’Institut de Philosophie (Madrid). L’objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d’affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement.

Dernières parutions
Horacio CERUTTI GULBERG, Philosopher depuis notre Amérique , 2010.
Jad HATEM, Un paradis à l’ombre des épées. Friedrich Nietzsche et Vladimir Bartol, 2010.
Francisco NAISHTAT, Action et Langage. Des niveaux linguistiques de l’action aux forces illocutionnaires de la protestation , 2010.
Lucie REY


QU’EST-CE QUE LA DOULEUR ?

Lecture de René Leriche
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13823-0
EAN : 9782296138230

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Je remercie Pierre François Moreau qui a dirigé
en 2007 le Master à l’origine de ce travail,
et Patrice Vermeren pour ses conseils et son soutien
qui ont rendu possible la publication de ce livre.
I NTRODUCTION


Qu’est-ce qu’« être malade », ou comment définir la maladie ? La maladie est un concept complexe car elle renvoie à la fois à un fait objectif et à un état vécu. Définie avant tout comme un fait objectif, elle est « une altération organique ou fonctionnelle, considérée dans son évolution et comme une entité définissable {1} ». En ce sens, il y a une certaine autonomie de la maladie, que l’on appellera volontiers pathologie, et à laquelle on reconnaît une existence propre : tout en n’étant définie que relativement à l’état de santé, elle apparaît comme une modification donnée de l’organisme ou des fonctions qui s’y exercent. Cependant, la maladie peut également être définie comme une indisposition ou un malaise, insistant non plus sur l’autonomie de la maladie ou sur son objectivité organique, mais sur son inscription psychique ; le malaise et l’indisposition correspondent à l’état pathologique en tant qu’il est vécu. La maladie implique alors la conscience de celui qui la vit.
Dans sa thèse de doctorat, Le normal et le pathologique {2} , Canguilhem interroge cette dualité du concept de maladie et ses enjeux, afin de déterminer si et comment l’une peut être affirmée aux dépens de l’autre ; et cela le conduit à distinguer plusieurs conceptions. Il dégage dans un premier temps une théorie strictement objectiviste selon laquelle la scientificité du point de vue anatomique passe nécessairement par l’éviction du point de vue du malade comme conscience d’un mal. En effet, la référence au malade est exclue, l’état pathologique et l’état physiologique sont conçus comme homogènes : la maladie est une simple modification quantificative de l’état normal. Cette théorie, il l’attribue tout d’abord à Comte, et à travers lui à Broussais {3} . Cette absence de différence qualitative entre le normal et le pathologique doit permettre d’affirmer une homogénéité quantitativement exprimable et donc de trouver une méthode de mesure de l’écart entre le normal et le pathologique. Le pathologique est défini par Comte comme un « simple prolongement plus ou moins étendu des limites de variation soit supérieures, soit inférieures, propres à chaque phénomène de l’organisme normal {4} ». Cette thèse de l’identité et de la continuité réelle des phénomènes pathologiques et des phénomènes physiologiques correspondants est ensuite attribuée par Canguilhem à Claude Bernard {5} : il s’agit de la même idée – la maladie est l’expression exagérée ou amoindrie d’une fonction normale – mais acquise cette fois grâce à des protocoles expérimentaux précis. Or dans ce chapitre, Canguilhem met en lumière le fait que l’expression de ce qu’est la maladie reste toujours un mélange entre des concepts quantitatifs et qualitatifs, Claude Bernard n’arrivant pas vraiment à exclure les seconds comme il le voudrait.
Aussi le problème se pose-t-il clairement, à savoir : le concept de maladie est-il le concept d’une réalité objective accessible à la connaissance scientifique quantitative, et la différence de valeur que le vivant institue entre sa vie normale et sa vie pathologique est-elle une apparence illusoire que le savant doit nier ? Et si l’on est conduit à répondre négativement à cette seconde question, en montrant que l’on ne peut nier la nouveauté réelle que constitue la maladie pour l’organisme, apparaît alors l’idée suivante : le fait pathologique ne serait véritablement saisissable comme altération de l’état normal qu’au niveau de la totalité organique. Autrement dit, s’agissant de l’homme, le concept de maladie ne prendrait sens qu’au niveau de la totalité individuelle consciente où la maladie devient une espèce de mal et où être malade signifie vraiment vivre une autre vie. En ce sens, une définition de la maladie produite par la science ne pourrait véritablement se passer de l’idée qu’en donne la conscience.


Dès lors, pour examiner cette idée, c’est aux « conceptions » de René Leriche, chirurgien français du début du vingtième siècle, que Canguilhem fait appel {6} . Le terme est au pluriel car Canguilhem va insister sur la complexité et l’évolution du point de vue de Leriche. Il y a au premier abord une contradiction dans ses écrits, mais en réalité peut-être est-ce plutôt une épaisseur de sa pensée. En effet, quelles affirmations de Leriche Canguilhem rapporte-t-il dans le Normal et le pathologique ?
D’une part, il lui prête un « point de vue strictement anatomique sur la maladie ». Or faire valoir un point de vue strictement anatomique sur la maladie consiste à considérer que pour définir et connaître la maladie, « il faut la déshumaniser {7} ». Ce point de vue du médecin revient à penser que « dans la maladie ce qu’il y a de moins important au fond, c’est l’homme {8} ». Seule l’altération anatomique ou le trouble physiologique entrent dans cette définition : la maladie se joue au niveau des tissus et en un sens, on peut concevoir la maladie sans malade. Aucune référence n’est faite à la maladie en tant que phénomène perçu. C’est la première thèse que Canguilhem attribue à Leriche. Mais Leriche ne se contente pas de cette définition et détermine dans un deuxième temps la maladie du point de vue du malade, par opposition avec la santé : si « la santé, c’est la vie dans le silence des organes, la maladie, c’est ce qui gêne les hommes dans l’exercice normal de leur vie et de leurs occupations, et surtout ce qui les fait souffrir {9} ». Cependant, cette définition est celle du malade et non du médecin : si elle est valable du point de vue de la conscience, elle ne l’est pas du point de vue de la science ; il ne semble pas y avoir de compatibilité entre la définition médicale et la conception vécue. En effet, le « silence des organes » ne correspond pas nécessairement à l’absence de maladie, mais peut recouvrir des l

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