Rationalité prédatrice et crise de l Etat de droit
214 pages
Français

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Rationalité prédatrice et crise de l'Etat de droit , livre ebook

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Description

La rationalité prédatrice, qui se traduit par l'existence des collusions mafieuses, des prévarications en tout genre et des formes variées d'appropriation du bien commun et de privatisation des institutions publiques, prospère là où la rationalité politique de l'Etat de droit est en crise. Ce livre analyse le conflit sur le mode duquel s'opposent ces deux formes de rationalité, afin de mettre en évidence les dangers politiques dont s'accompagne inévitablement la prédation sociale.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 52
EAN13 9782296466449
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rationalité prédatrice
et crise de l’État de droit
Lucien AYISSI


Rationalité prédatrice
et crise de l’État de droit
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55387-3
EAN : 9782296553873

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
INTRODUCTION
Il nous importe peu ici de revenir sur la question de la rationalité à laquelle Raymond Boudon a donné un traitement pertinent dans son ouvrage intitulé : La Rationalité. C’est pourquoi, nous ne nous intéresserons pas à la cristallisation des mouvements de pensée constitués en diverses disciplines telles que la théorie de la décision, la théorie des jeux, la science économique et la psychologie cognitive {1} , mais plutôt à l’intérêt que la déclinaison de la notion philosophique de raison peut revêtir dans l’analyse d’un mode spécifique de rationalité, à savoir la rationalité prédatrice, dans une approche instrumentaliste fondée sur des calculs essentiellement égoïstes {2} . Nous ne dilapiderons pas non plus nos énergies intellectuelles dans des pseudo débats portant, par exemple, sur la question de savoir si la rationalité est une ou plurielle {3} . Ce genre d’embardée idéologique consiste à formuler des questions auxquelles on a déjà des réponses toutes faites.
Par rationalité prédatrice, nous entendons l’expression zoologique des diverses formes de préférences appétitives dont on a l’expérience dans les multiples calculs fondés sur la logique d’appropriation du bien public ou de subordination de l’État à la réalisation des intérêts dont la particularité et la diaspora sont de nature à l’euthanasier, du moins à le désintégrer politiquement dans le temps. De telles logiques que gouvernent soit le principe de manducation, soit le principe de subtilisation du bien public ou d’affectation de la substance politique de l’État au contentement des appétits particuliers, s’illustrent parfaitement à travers les divers actes de corruption qui se vérifient par la transgression des normes publiques de référence devant régir le vivre-ensemble.
Ainsi conçue, la rationalité prédatrice est fondée sur le déploiement ou la mise en œuvre des moyens pour faire face au problème de l’aspiration à exister. La gestion de cette mise en œuvre s’opère dans la diabolisation des normes à travers la « carcéralisation » de celles-ci. C’est pour cette raison que la rationalité prédatrice est régie par la logique d’un calcul cynique qui peut, par exemple, trouver son cadre idéologique de prédilection dans l’égoïsme et l’utilitarisme respectifs de David Hume et de Jeremy Bentham.
La corruption, pensons-nous est le mode prédateur par excellence, car c’est celui sur lequel ceux qui soumettent les biens de l’État au principe de subtilisation ou de manducation, collaborent à l’anéantissement politique de son être. En tant que telle, la corruption est ontologiquement destructrice de l’État, car l’être de la corruption est de dissoudre celui de l’État dans les catégories gastronomiques des prédateurs sociaux. La volonté de faire de l’État un non-être politique se vérifie dans le « patriotisme » gastronomiquement constitué de prédateurs sociaux qui n’aiment cette institution que parce qu’elle est un être consommable.
Comme forme de rupture par rapport aux normes publiques de référence, la corruption est, politiquement parlant, l’expression de la rationalité prédatrice qui nous intéresse dans le cadre de cette réflexion. C’est justement celle qui se définit par l’affirmation du déni politique de l’État sur l’autel de la prédation sociale. La prédation dont il s’agit ici est la métaphore politique soit de celle qui domine la chaîne alimentaire dans l’univers zoologique, soit de celle qui résulte de la néfaste pression anthropique qui s’exerce sur la planète, notamment lorsque l’homme harcèle la terre, la forêt et la mer, en leur demandant de produire, à son profit, plus qu’elles ne le peuvent.
La rationalité prédatrice dont il est question ici, reprécisons-le, ne s’inscrit pas dans la théorie de la sélection naturelle des espèces. Dans l’évolutionnisme de Charles Darwin, une telle sélection est régie par une concurrence si féroce qu’elle impose à chaque nouvelle espèce la nécessité de se former et de se maintenir grâce à « certains avantages acquis sur celles avec lesquelles elle se trouve en concurrence ». Une telle concurrence condamne fatalement à l’extinction les espèces qui ne parviennent pas à s’adapter à la loi de la compétition universelle {4} .
Certes, la prédation sociale a en soi quelque chose de darwinien. Mais si elle se fonde également sur le principe de l’ajustement de soi aux nécessités d’une vie dont l’adversité risque de condamner inexorablement à la disparition tous ceux qui ne s’adaptent pas à la dure loi des contraintes historiques, elle renvoie surtout à la pression que les acteurs de la corruption exercent sur les institutions, et dont l’ampleur prédispose au nihilisme politique les gouvernances dont l’irrationalité et la permissivité en assurent la prospérité.
La rationalité prédatrice procède donc d’un type de production de sens tout à l’opposé de celui de la rationalité politique de l’État de droit. C’est pour cela que l’inflation de la rationalité prédatrice s’accompagne nécessairement de la déflation de la rationalité politique de l’État de droit. C’est aussi pour cette raison que la rationalité prédatrice prospère là où la crise de l’État de droit est constatable, puisqu’elle ne se déploie que dans des gouvernances dont la médiocrité est telle que l’État se saborde politiquement en faisant par exemple preuve de laxisme ou de connivence par rapport aux actes dont la transgressivité met pourtant son être en péril.
La partialité caractéristique des préférences appétitives qui définissent la rationalité prédatrice, contraste avec la généralité ou la publicité de l’intérêt auquel se subordonne la rationalité politique de l’État de droit. L’inversion de la civilité des individus ou de leurs groupes d’appartenance, consécutive au rapport de connivence ou de laxisme que les gouvernants nouent avec les divers modes de rationalité prédatrice, explique pourquoi celle-ci est politiquement néfaste à la construction d’un État de droit digne de ce nom. Elle pervertit l’humanité et la citoyenneté des individus, vicie leur perception de l’État et entrave la réalisation d’un vivre-ensemble juste et pacifique, dans la mesure où les divers prédateurs sociaux font de l’État une proie dont ils s’approprient la substance politique et économique.
Ainsi, le jeu de langage de la rationalité prédatrice est non seulement anormal ou transgressif, mais aussi en contradiction évidente avec celui de la rationalité politique de l’État de droit. Une telle contradiction est vérifiable à travers celle sur le mode de laquelle s’opposent leurs préférences et leurs références respectives : si le jeu de langage de la rationalité prédatrice a pour référence les intérêts particuliers dont l’addition est impossible, compte tenu de la diaspora et de la contradiction qui les caractérisent essentiellement, le jeu de langage de la rationalité politique de l’État de droit a plutôt pour référence l’intérêt dont la généralité ou la publicité s’explique par le fait qu’il est partageable par la majorité des citoyens.
La circonscription des préférences et des références de la rationalité prédatrice dans le particulier et leur enclavement dans la contradiction expliquent le caractère non politique de leurs incitations. C’est parce que les calculs du prédateur social n’ont aucun intérêt politique qu’ils sont chargés de nihilisme. Le nihilisme politique dont la rationalité prédatrice est chargée compromet tout projet humain de construction d’une communauté de desseins et de destins, puisqu’elle vide l’État de son contenu politique. Étant donné que la rationalité prédatrice réduit l’État à un rien politique , sinon à un consommable pouvant tout au plus être destiné au contentement des appétits des prédateurs sociaux, elle apparaît dans toute sa dangerosité.
Dans des contextes politiques qui offrent à la rationalité prédatrice des garanties de certitude, de prospérité et de longévité, l’expression de l’humanité et de la citoyenneté des individus est pervertie parce qu’elle prend une tonalité 

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