Une dette à l égard de la culture grecque
123 pages
Français

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Une dette à l'égard de la culture grecque , livre ebook

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Description

Aristote est à la mode : en éthique médicale ou en économie, nombreux sont ceux qui s'en réclament. Une telle vogue a de quoi étonner : qu'apprend-elle, sur Aristote d'une part, sur notre époque d'autre part ? En analysant quelques oeuvres où s'illustre cette étonnante juste mesure, on comprend mieux pourquoi notre siècle est obnubilé par le désir de tout mesurer, de tout évaluer. Ce bref essai repart des oeuvres et donne quelques éléments pour « mesurer » l'intérêt d'Aristote aujourd'hui.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2012
Nombre de lectures 130
EAN13 9782296990210
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Ouverture philosophique
Collection dirigée par Aline Caillet, Dominique Chateau, Jean-Marc Lachaud et Bruno Péquignot
Une collection d’ouvrages qui se propose d’accueillir des travaux originaux sans exclusive d’écoles ou de thématiques.
Il s’agit de favoriser la confrontation de recherches et des réflexions qu’elles soient le fait de philosophes "professionnels" ou non. On n’y confondra donc pas la philosophie avec une discipline académique ; elle est réputée être le fait de tous ceux qu’habite la passion de penser, qu’ils soient professeurs de philosophie, spécialistes des sciences humaines, sociales ou naturelles, ou… polisseurs de verres de lunettes astronomiques.

Dernières parutions

Julien GARGANI, Poincaré, le Hasard et l’étude des Systèmes Complexes , 2012.
Jean-Pascal COLLEGIA, Spinoza, la matrice , 2012.
Miklos VETÖ, Explorations métaphysiques , 2012.
Marcel NGUIMBI, Penser l’épistémologie de Karl Popper , 2012.
Joachim Daniel DUPUIS, Gilles Châtelet, Gilles Deleuze et Félix Guattari. De l’expérience diagrammatique , 2012.
Oudoua PIUS, Humanisme et dialectique. Quelle philosophie de l’histoire, de Kant à Fukuyama ? , 2012.
Paul DAU VAN HONG, Paul Ricœur, le monde et autrui , 2012.
Michel VERRET, Les marxistes et la religion. 4e édition revue et complétée , 2012.
François-Gabriel ROUSSEL, Madeleine JELIAZKOVA-ROUSSEL, Dans le labyrinthe des réalités. La réalité du réel, au temps du virtuel , 3 e édition, 2012.
Pierre-Luc DOSTIE PROULX, Réalisme et vérité : le débat entre Habermas et Rorty , 2012.
François HEIDSIECK, La vertu de justice , 2012.
Jean-Louis BISCHOFF, Conversion et souverain bien chez Blaise Pascal, 2012.
Jordi COROMINAS, Joan Albert VICENS, Xavier Zubiri. La solitude sonore (1898-1931) , 2012.
Titre
Françoise Kleltz-Drapeau






UNE DETTE À L’EGARD
DE LA CULTURE GRECQUE

La juste mesure d’Aristote
Copyright

© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-99021-0
EAN : 9782296990210
Dédicace

À Philippe et Julie
INTRODUCTION
Commençons par un constat : en 2011 était publié au Canada un livre pour enfants intitulé Le juste milieu. En 2012, chez un éditeur plus habitué aux publications destinées aux hommes dits d’action qu’aux philosophes, sortait un ouvrage intitulé Agir avec Aristote. Aujourd’hui, si l’on consulte sur des serveurs informatiques l’expression « Aristote et le Management », on découvre un nombre impressionnant de sites qui proposent des livres ou des stages de formation professionnelle à ceux qui dirigent l’économie. Une telle mode a de quoi surprendre, mais, comme l’étonnement est selon Aristote à l’origine de toute démarche philosophique 1 , on peut se demander pourquoi un philosophe qui a plus de 2300 ans et son analyse de la juste mesure sont ainsi dans l’air du temps.
Le phénomène n’est pas récent puisque, déjà en 2001, Monique Canto-Sperber 2 s’interrogeait sur ce qu’elle appelait « Aristote chez les modernes » en insistant sur les risques de mal situer l’apport d’Aristote dans l’éthique contemporaine. A juste titre, elle constatait que certains avaient tendance à le moderniser artificiellement, tandis que d’autres en faisaient un monument historique, définitivement inutile pour les enjeux de notre temps. En 2012, l’accélération de cette vogue aristotéli-cienne invite donc à reconsidérer la place qui peut, et doit, être faite à cet auteur.
Le propos de ce bref essai est de le remettre à ce qui semble être la « juste distance » : ni trop près, ni trop loin de nous. Pour cela, j’ai choisi un fil conducteur : la notion de juste mesure, et une question simple : en quoi Aristote, lorsqu’il « élabore » la célébration si banale de la modération dans la tradition culturelle grecque, parvient à en faire un concept philosophique encore pertinent de nos jours. Cela conduit à se demander comment un tel lieu commun, issu d’un fonds non philosophique, est une « dette » d’Aristote envers la culture grecque qui le précéda, puis, lorsque cette habitude de faire l’éloge de la juste mesure est devenue un concept philosophique parfaitement construit, de quelle manière notre époque a par l’intermédiaire d’Aristote une dette à l’égard de la Grèce : double devoir de reconnaissance donc, celui d’un philosophe par rapport à sa culture, et celui de notre siècle par rapport à cette pensée. Il faut alors montrer dans quelle mesure nous avons hérité d’un banal conseil de morale, d’un truisme devenu concept, et pourquoi nous sommes en cela débiteurs d’une valeur sans doute indispensable au XXI ème siècle.
En effet, ce n’est pas un hasard si la Grèce ancienne, et nous à notre tour, sommes fascinés par la juste mesure : ces deux époques ont au fond d’elles un instinct pour la démesure. Au XIX ème siècle, le génie de Nietzsche fut de comprendre enfin que derrière cette célébration de la mesure et de l’équilibre, qu’il présente comme l’instinct apollinien, il y a, de façon concomitante, un appel vers cet excès que les Grecs appellent « hybris » et que le philosophe allemand décrit comme l’instinct dionysiaque. Telle est l’essence du tragique grec : deux pulsions simultanées qui se contrebalancent en s’équilibrant par une lutte violente. La conception nietzschéenne, même si elle a des aspects contestables, a le mérite de montrer que cette mesure que certains célébraient comme un très spontané « miracle grec » n’est pas le fait d’une civilisation tranquillement équilibrée, vivant naturellement dans la juste mesure comme d’autres sont dans un centrisme paisible et tiède. Au contraire, elle est la résultante de forces qui se contrecarrent comme en physique, et, si elle paraît tranquille, c’est que sa sérénité a le calme très particulier que l’on trouve dans l’œil d’un cyclone.
Baudelaire évoque la « double postulation simultanée » à laquelle l’homme est aux prises : chez les Grecs, il ne s’agit pas de l’attirance pour le bien et le mal, mais pour l’excès et le défaut, pour l’ivresse et l’apathie, la déraison et la raison trop sage. Les Grecs avaient, face à cette fascination pour la démesure, un remède, un « pharmacon » disaient-ils en employant un mot où s’entrecroisent l’idée de poison et celle d’antidote. Ce remède, ce fut leur progressive élaboration d’un idéal de juste mesure qui ne se contente pas de balayer d’un revers de main les séduisants attraits de l’excès. C’est peu de dire que notre époque a besoin d’un tel régulateur qui ne se limiterait pas à une bien-pensante.
« Éthique de la vertu » telle qu’on la trouve dans certains courants de la pensée anglo-saxonne actuelle.
Je propose trois étapes pour comprendre l’actualité réelle de cette juste mesure.
D’abord les origines de la notion : pour cela nous irons de l’épopée au théâtre, des textes des historiens à ceux des médecins, des odes de Pindare aux discours des Orateurs. Dans ce vaste champ de la culture grecque, auquel on associe bien sûr les statues, les temples, et l’ensemble des arts, on voit qu’en Grèce la mesure est toujours présente, d’aucuns iraient jusqu’à dire que c’est un leitmotiv qui « traîne » partout.
Ensuite, cet arrière-plan étant esquissé, nous verrons comment Aristote va travailler, remanier, élaborer cette idée reçue, cette « doxa » comme dit le Grec pour désigner une opinion commune. En parcourant quelques textes du corpus aristotélicien où apparaît la juste mesure, on voit comment, contrairement à ce que pensent ceux pour qui Aristote serait le précurseur de l’empirisme et du subjectivisme contemporains, la notion n’est pas, chez l’auteur de l’ Ethique à Nicomaque , un assemblage d’intuitions hétéroclites, mais une véritable construction intellectuelle. Fidèle à Pierre Aubenque qui fut en 1982 mon directeur de thèse, je m’appuierai très explicitement sur la lecture qu’il proposa d’Aristote. Cette conception n’a rien perdu de sa pertinence puisqu’elle permet d’expliquer comment la juste mesure ne peut se comprendre que si on la replace dans l’ensemble de la philosophie aristotélicienne. En d’autres termes, le monde d’Aristote est coupé en deux : d’un côté, notre monde d’ici-bas, celui du désordre, de la contingence, celui que le philosophe appelle le sublunaire ; de l’autre côté, le supralunaire, le monde de la régularité des astres, une perfection visible mais inatteignable, idéal auquel on ne peut tendre que de façon asymptotique, sans jamais prétendre, hommes que nous sommes, y accéder définitivement. Nous verro

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