Les cahiers d Ida
274 pages
Français

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Description

La voix de sa grand-mère Ida c'était le yiddish ; en lui remettant ces cahiers, écrits semble-t-il d'une traite et sans ponctuation, son petit-fils, Daniel Haber, croit avoir compris qu'Ida, cachée à Varenne, en 1944, son mari déporté, recherchée sans cesse par les polices française et allemande, avait été saisie par une sorte d'urgence d'écrire tout ce qu'elle pouvait avant d'être arrêtée. Grâce à cette traduction son passé redevient héritage, un dernier cadeau inestimable.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2014
Nombre de lectures 5
EAN13 9782336358376
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Ida SPITZBERG







Les Cahiers d’Ida


*


Mémoires d’une jeune femme juive, de la Pologne à la France, dans la première moitié du XX e siècle
Copyright






















© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-70848-5
Première page du manuscrit original en yiddish des Cahiers d’Ida
Avant-propos
Ida est ma grand-mère, la mère de ma mère. Elle est morte en 1988 à l’âge de 91 ans. Les dernières années de sa vie, elle habitait près de chez ma mère puis chez ma mère, à Paris. Je l’ai toujours connue, sans vraiment la connaître. Elle parlait mal le français et j’étais gêné lorsqu’elle me parlait en judéo-allemand, en yiddish.
Elle était la seule de mes quatre grands-parents à avoir survécu à la chasse aux Juifs. Son mari, mon grand-père maternel, David (Dovid) Spitzberg (ou Szpicberg) fut arrêté en 1941, chez lui, à Paris. Interné au camp de Pithiviers, il partit pour Auschwitz en juin 1942 et ne revint pas.
Mémé Ida me donna, un jour, il y a plusieurs années, trois cahiers manuscrits, en yiddish. « C’est l’histoire de ma vie », me dit-elle. En Pologne (où elle est née en 1897, à Piotrow), puis en Allemagne (à Magdebourg, où elle vécut jusqu’en 1933, année de l’arrivée d’Hitler au pouvoir), et enfin en France (où elle émigra cette même année, avec son mari David, ma mère Marthe, âgée alors de 13 ans et son fils, mon oncle Henri (Herman), âgé de 12 ans).
A Paris, ils vécurent, dès leur arrivée en 1933, 42 rue Beaubourg, jusqu’en 1970, et donc pendant l’occupation. C’est là que ma mère rencontra mon père, Erwin, lorsqu’il travaillait comme ouvrier tailleur, chez David.
Lorsqu’elle me confia ses cahiers, elle me dit : « Tu verras, ma vie fut un calvaire. J’ai tant souffert que, lorsque j’écrivais ces cahiers, des larmes tombaient sur le papier et faisaient de grosses taches ».
J’étais trop jeune et immature pour comprendre alors l’intérêt de ces cahiers que je ne pouvais déchiffrer.
A cette époque, tous les survivants regardaient vers l’avenir, se reconstruisaient, tentaient d’oublier le passé. Je fis comme eux et rangeai ces cahiers, pour les oublier de longues années.
Ma mère est morte en 2008. Je déjeunais chaque samedi avec elle et je l’interrogeais sur son enfance, sa jeunesse, son mariage, sa vie. Ceci me donna l’envie d’en savoir toujours plus.
Hélas, ce n’est qu’après sa mort que je remis la main sur ces cahiers et que je décidai de les faire traduire.
Ma recherche d’un bon traducteur fut lente. Grâce à mon amie Rivka Shirman, je rencontrai Jean Spector, un ancien professeur de yiddish. Il lut quelques lignes et fut intéressé à entreprendre une traduction difficile : l’écriture n’était pas toujours aisée à déchiffrer, le style et les tournures étaient du yiddish allemand différent du yiddish de Pologne.
Il a réalisé une traduction fidèle et vivante, donnant au texte un relief saisissant.
Ces cahiers ont, semble-t-il, été écrits d’une traite et sans aucune ponctuation. (Nous avons décidé d’ajouter une ponctuation pour une plus grande lisibilité du texte).
Je crois avoir compris qu’Ida, cachée à La Varenne, en 1944, son mari déporté, recherchée sans cesse par les polices française et allemande, avait été saisie par une sorte d’urgence d’écrire tout ce qu’elle pouvait avant d’être arrêtée.
Ceci donne, surtout à la fin du texte, ce sentiment d’angoisse et contribue à lui conférer son caractère dramatique. Son témoignage est celle d’une vie tragique, pauvre et tourmentée, où la guerre et les persécutions ne sont que la toile de fond d’un récit avant tout plein d’une humanité réaliste et même crue, celle que vivaient les Juifs des villes de Pologne au début du XX ème siècle.
Daniel Haber, Vincennes, juillet 2014
Les Cahiers d’Ida
La malheureuse Ida raconte les souffrances de son passé et l’amertume de sa vie est impossible à décrire. Pour commencer je veux parler de mes parents. Mon père est tombé amoureux de ma mère et ils ont décidé de se marier. Mon père était très jeune et très naïf et ma mère encore beaucoup plus naïve que lui. Ma mère s’est laissé convaincre par mon père et ils se sont mariés sans comprendre ce que signifiait le mariage. Ma mère était une jeune fille de dix-sept ans et mon père avait le même âge. Ils croyaient que se marier et avoir des enfants était une sorte de jeu mais malheureusement ce n’est pas si simple de se comprendre l’un avec l’autre parce que vivre avec un mari c’est plus difficile que de travailler et ça ils ne l’ont pas compris et malheureusement tout de suite après le mariage ma mère s’est trouvée enceinte et la vie de mes parents a commencé dans une grande pauvreté car il n’y avait aucune ressource dans le ménage : la misère.
La vie a continué comme cela chez mes parents pendant quelques mois. Ils se sont rendu compte qu’ils ne pourraient pas continuer à vivre ensemble et ils ont décidé d’aller voir le rabbin pour "qu’il les divorce"… Le rabbin leur a expliqué à tous deux qu’il ne pouvait pas les divorcer avant la naissance de l’enfant ce qui prendrait encore quatre mois. Il ne leur restait d’autre solution que d’attendre quatre mois pendant lesquels leurs querelles n’ont jamais cessé. À la fin de ces quatre mois pénibles, la malheureuse Ida est née. Quand je suis venue au monde, je pesais trois livres ce qui montre à quel point j’étais déjà malheureuse quand j’étais encore dans le sein de ma mère. Pendant deux mois, on m’a empaquetée dans de la ouate pour me maintenir en vie. Je me demande pourquoi on a cru bon de maintenir en vie un enfant si malheureux. Ne vaut-il pas mieux qu’un enfant si malheureux disparaisse aussitôt ? Ce serait une action bien plus louable de la part des parents et pour le bien de l’enfant. Tout de suite après ma naissance, mes parents ont divorcé mais n’aurait-t-il pas été préférable que je meure tout de suite… Malheureusement je suis restée en vie et c’est à ma mère que le rabbin a donné la garde de cette pauvre enfant. Mon père s’était engagé à payer pour moi chaque mois mais il n’a pas tenu sa promesse. Ma mère n’avait pas de quoi vivre et elle a été obligée de devenir nourrice allaitante et comme son lait était donné à d’autres enfants j’ai naturellement été mal nourrie et quand ma mère s’est rendu compte que si elle continuait comme cela c’en serait fini de moi, elle a décidé d’aller demander à mon père de donner l’argent qu’il avait promis. Ma mère est allée trouver mon père et lui a demandé l’argent qu’il avait promis. Mon père a immédiatement remboursé l’argent et il a expliqué à ma mère qu’il voulait garder l’enfant. Il a expliqué à ma mère que comme il était marié il élèverait aussi cet enfant. L’obscurité est tombée sur ses yeux : elle n’était pas du tout contente de la proposition de mon père. Elle est retournée chez elle, elle n’avait pas d’autre solution que de me donner à mon père. Je n’étais encore qu’une enfant de quelque mois et je devais encore téter le sein mais ma mère n’en a pas tenu compte et m’a effectivement donnée à mon père. C’était une mère au cœur de pierre. Mon père avait une très jeune femme, comment pouvait-elle savoir s’occuper d’un si petit enfant ? Ma chance a voulu que précisément au moment où ma mère m’a amenée chez mon père se trouvait en visite chez lui une grand-mère, la mère de mon père. Ma mère a disparu et c’est à ce moment que commencent mes souffrances que je n’arrive toujours pas à comprendre. Je ne peux pas en écrire beaucoup plus car ce que j’ai écrit jusqu’à présent c’est la grand-mère qui me l’a raconté parce que c’est seulement à présent que je commence à comprendre mes souffrances. Je suis maintenant une fillette de six ans et elle continue à me raconter : « Le jour où ta mère t’a amenée chez ton père j’étais par hasard en visite chez ton père et pour m’occuper de toi je suis restée jusqu’à aujourd’hui et, ma chérie, ce que j’ai vu te concernant, je suis incapable de le raconter. Ida tu es déjà une petite fille de sept ans et je vois que tu comprends déjà l’étendue de tes souffrances et moi-même je ne peux plus voir cela. Je suis tombée malade à force de voir comme tu es traitée. S’il y a un Dieu

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