La politisation du voile en France, en Europe et dans le monde arabe
264 pages
Français

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La politisation du voile en France, en Europe et dans le monde arabe , livre ebook

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Description

Les filles portant le voile sont-elles des adversaires déterminées de l'école et de la République ? Sont-elles manipulées par des activistes avançant masqués ? Pourquoi et comment le voile est-il devenu affaire en 2003 ? Retour sur douze mois d'effervescence, conclus par une loi qui limite la liberté d'expression religieuse dans les écoles publiques, et par une circulaire qui les restreint encore plus. Douze mois pendant lesquels on s'est demandé ce qui se tramait autour de la place des musulmans en France.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2005
Nombre de lectures 182
EAN13 9782336272344
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2005
9782747578875
EAN 9782747578875
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Présentation - Le voile, une affaire publique I - La politisation du voile en France, acteurs et enjeux
A l’assaut de l’agenda public - La politisation du voile islamique en 2003-2004 La pratique du hijab en France - Prescription, transmission horizontale et dissidence La position des acteurs islamiques - Champ religieux officiel et contre-champ islamique Opinion publique et forces politiques - Le débat dans le champ politique français Les professionnels de l’école et l’affaire du voile - Des personnels très partagés sur l’incrimination du voile Les institutions juives de France et le foulard - L’emblème féminin d’un « nouvel antisémitisme » musulman ?
II - L’écho de l’affaire française à l’étranger
L’inscription du débat français en Belgique - Pudeurs laïques et monnaie de singe L’inscription du débat français en Allemagne - Comment interdire le foulard des enseignantes et refuser la laïcité... La question du hijab en Tunisie - Une amorce de débat contradictoire A travers la presse en Algérie - Regards et silences algériens Au Maroc - Mots et images dans les espaces du politique En Turquie - Les enjeux d’une réaction inattendue Al-Jazira et le voile - Un espace médiatique arabe du débat français Le Sud musulman contre la loi française - L’écho exacerbé des malentendus de la modernisation coloniale
Chronologie succincte - L’islam comme problème politique en France
La politisation du voile
L'affaire en France, en Europe et dans le monde arabe

Françoise Lorcerie
Présentation
Le voile, une affaire publique
Françoise LORCERIE 1
Q ue s’est-il passé en France au deuxième semestre 2003 et au début de l’année 2004 à propos du voile islamique ? Pourquoi avons-nous vu la scène médiatique brutalement envahie par la question du voile, des libres opinions quotidiennes dans la presse écrite, des magazines télévisés à satiété, des débats sans fin sur internet, et pour finir une intervention solennelle du président de la République le 17 décembre ? Puis, dans une apathie retrouvée, le déroulement complet, en express, de la procédure législative jusqu’à la promulgation d’une loi le 15 mars 2004 ? Telles sont les questions dont est parti le projet de ce livre 2 .
On n’y traite pas du voile. D’autres l’ont fait 3 . C’est l’affaire du voile qui nous occupe, et ses rebondissements à l’étranger. Analyser une affaire publique est tout autre chose qu’analyser une pratique vestimentaire. Pour comprendre une pratique, rien de mieux que d’observer et de questionner les acteurs de cette pratique, ainsi éventuellement que ses détracteurs. Pour comprendre comment se politise une pratique, il faut s’intéresser aux acteurs de cette politisation et aux ressorts de leur impact.
En l’espèce, cette option nous donne beaucoup plus de grain à moudre que l’autre. L’épisode n’a produit que fort peu de données nouvelles sur le port du foulard islamique. Pas d’enquête, pas de synthèse nouvelle commandée par les deux commissions installées par les autorités politiques lors du déclenchement de l’épisode et dont les réunions ont scandé le déroulement de l’affaire. La seule occurrence empiriquement neuve fut liée à l’affaire des sœurs Lévy, deux lycéennes exclues d’un lycée d’Aubervilliers après la rentrée 2003-2004. Leur trajectoire illustre une démarche d‘is lamisation autonome, jamais encore décrite, de la part d’adolescentes inscrites dans une tradition familiale à la fois bourgeoise, politiquement marquée à l’extrême gauche, laïque et ouverte au monde arabe 4 , Mais leur itinéraire, singulier et banal à la fois comme le suggère le titre de leur livrer 5 , n’a pas trouvé d’écho dans le débat public.
En revanche, si l’on s’intéresse à l’épisode sous l’angle d’une entreprise politique, c’est un cas d’école. L’épisode a eu ses entrepreneurs, en petit nombre, inconnus du grand public mais bien placés dans les rouages du pouvoir ; il a eu son argumentaire — l’incrimination, voire la criminalisation du voile islamique 6 , retournées en positivité : défense de l’école, de la femme, de la laïcité — ; ses ressorts psycho-sociaux — la peur de l’islam, la nostalgie de l’ordre national et scolaire ancien — ; son déploiement, d’avril à décembre 2003, avec un battage médiatique qui a assuré l’omniprésence de l’argumentaire prohibitionniste et la mise à l’écart des opposants ; et son issue dans le discours présidentiel le 17 décembre, puis dans la loi et le règlement.
A l’analyse, c’est la même logique générale que l’on retrouve dans les autres pays, dès lors que l’affaire française du voile islamique y a eu un écho. Certes, « dans un monde globalisé, le message de coexistence ou le message d’affrontement devient universel » 7 , et la transnationalisation des médias contribue puissamment à ce jeu de miroirs, comme le montre ici-même Eric Gobe dans le cas de la chaîne de télévision qatarie Al - Jazira. Néanmoins, l’explication des formes précises qu’a pris le traitement de l’affaire française dans les pays étrangers où elle a eu un écho autre que passager passe toujours, on le verra, par l’analyse des champs politiques nationaux et la détermination des enjeux des entrepreneurs politiques qui s’en sont saisis, — ou qui se sont gardés de s’en saisir. Il n’y a pas de débat universel sur l’islam, la place des femmes en islam, ou sur le modèle français. En l’espèce, l’actualité française médiatisée a mis en circulation des thèmes, des arguments, et ceux-ci se sont vus ou non convertis en ressources dans les configurations politiques nationales en fonction des jeux qui s’y jouaient, au premier chef en fonction des entreprises politiques qui s’y déployaient.
I
La politisation du voile en France, acteurs et enjeux
A l’assaut de l’agenda public
La politisation du voile islamique en 2003-2004
Françoise LORCERIE
L ’épisode 2003-2004 de politisation du voile islamique en France réunit tous les ingrédients d’une entreprise politique réussie, avec une prise d’assaut rondement menée de l’agenda politique. Appelons entreprise politique une coordination d’acteurs sociaux de statuts divers, mobilisés pour faire prendre en charge par les décideurs politiques un problème donné, dans les termes qu’ils souhaitent. La première étape de l’entreprise politique est de lire et faire lire une réalité quelconque comme un problème dont les termes orientent vers la décision souhaitée.
L’entreprise se déploie toujours dans un espace conflictuel, elle doit pour réussir étendre ses soutiens, alors qu’elle est contrée par d’autres acteurs, d’autres coordinations qui n’opèrent pas la même lecture de la réalité et tentent d’empêcher le supposé problème de venir sur l’agenda, ou bien tentent de promouvoir une autre solution. Elle doit finalement, pour triompher, déboucher sur la décision publique espérée par ses promoteurs 8 . L’épisode de politisation du voile islamique en France en 2003-2004 montre le triomphe d’une entreprise politique. Le cas n’en est pas moins intrigant. Quelle est, à grands traits, la structure de l’épisode ?

1 - Une affaire sans cause ?
Il faut d’abord décidément pousser de côté le schéma d’une réaction linéaire : un problème se poserait, et il susciterait des réactions. L’épisode dont nous tentons de démêler les tenants et les aboutissants n’a pas été provoqué par le port du foulard islamique par un nombre croissant de jeunes filles ou par des problèmes locaux de plus en plus nombreux, ou un gros problème qui serait monté du terrain dans les premiers mois de l’année 2003. En tout cas rien qui ait attiré l’attention des médias. L’actualité des mois précédents est calme, sans incident notable 9 .
Au contraire, début avril a eu lieu la mise en place du Conseil français du culte musulman (CFCM) sous l’égide du ministère de l’Intérieur, au terme d’un processus de consultation et d’organisation initié en juillet 1999 par J.-P. Chevènement, processus qui s’est poursuivi à bas bruit après le 11 septembre 2001, avant d’être repris publiquement au lendemain de l’alternance parlementaire de juin 2002 10 . Le conseil comprend les leaders des principales fédérations de lieux de culte, dont l’UOIF, à qui la grande presse accole régulièrement l’épithète d’« intégriste ».
La démarche de consultation a suscité des oppositions à large échelle dans les milieux politiques, mais le fait qu’elle ait été menée à terme sans ostracisme de l’UOIF semble témoigner de la primauté d’une vue pragmatique de la situation chez les hommes chargés de la d

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