Lettre aux immigrés de tous les temps
248 pages
Français

Lettre aux immigrés de tous les temps , livre ebook

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248 pages
Français

Description

Est-il possible aujourd'hui de donner un sens à un événement ressenti aussi négativement que l'exil vécu comme violence subie ? Pouvons-nous pressentir ce qu'il y a de prometteur à long terme dans cette expérience d'errance intérieure partagée par tant de groupes aujourd'hui ? Cette interpellation de la Bible en la parole du prophète Jérémie conduit à une réflexion sur les phénomènes migratoires et sur le vécu des exilés.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2012
Nombre de lectures 34
EAN13 9782296498242
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LETTRE AUX IMMIGRÉS DE TOUS LES TEMPS Réouverture de la « lettre aux exilés » du prophète Jérémie
Jeanine Mukaminega LETTRE AUX IMMIGRÉS DE TOUS LES TEMPS Réouverture de la « lettre aux exilés » du prophète Jérémie
DU MÊME AUTEUR
Sur les traces du divin qui se dévoile, Editions Clé, Yaoundé, Cameroun, 2012.
© L'Harmattan, 2012
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Parishttp://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99326-6 EAN : 9782296993266
A toi, ma sœur Esther et ta famille, et à toi mon neveu Aimé, je dédie cette réouverture d’une lettre antique. Où que vous soyez, sûrement fatigués mais intrépides, sur ces routes austères de l’errance, que la Providence ne vous laisse pas confinés entre les murs infranchissables de l’exil. En votre faveur j’ouvre mon cœur qui a été saisi par la profondeur inouïe d’une Parole venue d’ailleurs. Je vous confie à Celui-là même qui, jadis, révéla cette sagesse au prophète Jérémie. Qu’il vous laisse enfin franchir les frontières d’une terre qui vous est destinée.
Préface : Planter des jardins dans l’exil 1 Un plat de porc aux bananes vertes ; une lyre suspendue à un 2 saule - super flumina Babylonis - voilà qui suffit à rendre présente l’amertume de l’existence loin de sa terre d’origine. L’exil est certes la condition du métissage, et les migrations sont nécessaires à la globalisation. Sans métissages, sans globalisation, le monde ne serait pas encore « mondialisé », donc pas réalisé. On peut interpréter le brassage des populations comme une chose bonne, et même indispensable. Il serait plus juste de dire que cette réalité est ambiguë. L’essai que vous allez lire est une invitation à explorer les profondeurs de l’exil : le doute, le chagrin, et - qui sait ? -l’acceptation et un certain bonheur.  « Vous me chercherez du fond de vous-mêmes et je me laisserai trouver par vous » (TOB nouvelle version) : voilà la seule certitude sur laquelle puissent tabler les Juifs emportés loin de chez eux par la tourmente. C’est une parole de Dieu entendue, interprétée et transmise par le prophète Jérémie, à l’adresse de ses frères et sœurs à Babylone. La lettre à « tous les exilés » n’offre pas de consolation facile ; il n’y a de joie que différée et dans l’attente, on exige des immigrés des attitudes contre-nature. L’injonction était sans doute difficile à entendre. Fallait-il vraiment se résoudre à prendre racine comme si c’était pour de bon ? Renoncer pour soi et ses enfants à l’espoir d’un retour ? Planter des arbres, cultiver la terre, engendrer et donner en mariage, et - comble pour le déraciné - prier pour le bien de la société d’accueil souvent si peu accueillante ? « Le véritable exil d’Israël n’était pas d’avoir vécu 3 en Égypte mais d’avoir su s’en accommoder » . Ce qui était vrai à l’époque de l’exil en Égypte ne s’appliquait-il pas également à Babylone ? Ce livre s’emploie à permettre un changement de perspective sur la condition d’exilée ou d’exilé ; la clé de lecture ouvre la porte qui donne sur la possibilité « de renouveau dans la tragédie exilique » (p. 95). 1  Simone et André Schwartz-Bart,Un plat de porc aux bananes vertes, Seuil, Paris, 1996. 2 Psaume 137 (136). 3  Parole de Rabbi Chanoch, citée par Dorothée Sölle,Souffrances,Cerf, Paris, 1993 (allemand : Leiden, 1973), p. 51.
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 La lettre antique aux exilés, du prophète Jérémie, est « ré-ouverte » par une exilée d’aujourd’hui, Jeanine Mukaminega. L’auteure reste discrète sur les causes de son propre exil ; sa douleur et sa souffrance se laissent seulement deviner, elles ne vous empoignent pas par la boutonnière en exigeant votre compassion, voire une action immédiate. C’est peut-être la force paradoxale de cet essai : une force le traverse qui n’est pas du ressort de la tribune ni du pamphlet. Les lecteurs sont séduits par une pensée subtile et une langue nuancée, par un souffle aussi ténu que têtu. C’est l’obstination de la vie vaille que vaille, de la réflexion insistante face au scandale et à l’incompréhensible. C’est aussi le courage de dire « je ».  Innombrables les exils de l’humanité depuis l’an 597 avant l’ère commune. Elie Faure écrivait, en 1929 : « Pour que l’Histoire commençât, l’homme a dû découvrir les grandes routes de la 4 terre » . J’ajoute : l’aventure de la foi dans les Ecritures peut se dire de la manière la plus brève qui soit : « Va ». Va pour l’Eternel (Abraham) ou même contre l’Eternel (Jonas) ; va, sur des chemins de poussières ou sur le chemin qui mène à l’intérieur ; mais va, va !  Cela confère-t-il donc un sens à la douleur de l’arrachement, cela met-il un baume sur la fatigue ? Certainement pas. Beaucoup d’exils historiques sont le fruit d’injustices, et non le fruit d’une providence : diaspora juive, diaspora arménienne, diaspora africaine suite à la captivité, à la déportation et à l’esclavage. D’innombrables femmes et hommes sont mort-es loin de leurs terres, sans avoir pu dire aux instigateurs de leurs errances, comme Joseph en Égypte le fit à ses frères qui l’avaient vendu comme esclave : « Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire 5 un bien »… . Les exilées et les exilés d’aujourd’hui n’ont pas forcément d’interlocuteur « responsable », à qui adresser le reproche, à qui donner le droit de réponse, et à qui accorder, éventuellement, le pardon. « Vous avez voulu me faire du mal, Dieu a voulu en faire un bien » : ce n’est pas une réflexion qui vient à l’esprit spontanément. Proposer cette lecture à des exilés contre leur gré serait comme un blasphème. Nul doute que cela constituerait un immense réconfort que de pouvoir relire les
4 Elie Faure,Les Trois gouttes de sang,Edgar Malfère, Paris, p. 128. 5 Genèse 50, 20 (version: nouvelle TOB, 2011).
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événements de sa vie passée pour aboutir à la conclusion « Dieu a voulu en faire un bien ». Dans la rétrospective, la vie devient alors « parcours de la reconnaissance », selon l’expression de Paul Ricœur.  Mais c’est seulement à la fin de ses itérations que surgit l’affirmation de Joseph ; c’est la clôture de ce que l’on appelle le « cycle de Joseph ». Et surtout, tous n’atteignent pas cette clôture. Beaucoup mourront sans avoir perçu aucun sens dans leur émigration forcée. Ne nous précipitons donc pas sur ceux qui souffrent avec un message lénifiant, avant d’avoir pris la mesure -si la chose était faisable - de l’ampleur de la peine et du doute. Peut-être Joseph représente-t-il provisoirement celles et ceux qui souffrent loin de leur terre natale, quand il affirme cette chose si difficile à endosser : « Vous avez voulu me faire mal, Dieu a voulu en faire un bien ». Représenter ne veut pas dire se substituer à, mais plutôt garder libre une place, en l’habitant, pour un moment. Joseph se tient à un lieu qui lui permet cette vision ; il ne parle pas pour tous, mais il a dessiné une possibilité dans laquelle on peut, éventuellement, se retrouver à son tour. La personne déracinée capable de prier pour ses ennemis est libre, plus libre que la personne qui se dit « chez elle » en revendiquant son allégeance jalouse à un sol spécifique (p. 149).  L’affirmation de Jérémie est difficile à suivre. Non seulement Dieu transforme un mal en bien, mais le prophète dit que « Dieu » a voulu ce mal. Les forces du mal, la guerre et ses violences, sont finalement les instruments de la volonté divine. C’est un exercice risqué que de prétendre déchiffrer les événements historiques de cette manière. L’exercice ne convainc pas forcément. Comme disait une amie de l’auteure, elle aussi exilée : «Vos prédications sont vides » (p. 138). Le message des Ecritures, relu à la lumière des drames actuels par Jeanine Mukaminega, n’est pas séducteur. Pour qui accepte l’écoute patiente, sa rudesse, et sa sévérité apparente, se révèlent porteuses de promesses (p. 212). L’exil est comme un désert : lieu de souffrance, sa solitude peut aussi en faire un lieu privilégié, propice à faire entendre la Voix divine. L’exil historique, bien qu’il reste un signe de l’injustice sociale, peut devenir « moyen de salut » (p. 225). J’espère que le présent essai sur la lettre de Jérémie « à tous les exilés » trouvera son public.  Anne Marie Reijnen, Institut Catholique de Paris.
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