Unité et spiritualité
536 pages
Français

Unité et spiritualité , livre ebook

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Description

L'enseignement d'ibn al-'Arabî - connu sous le nom d'unité de l'existence -, fondement de l'ensemble de la "mystique" ottomane, a donné lieu à de nombreuses interprétations et fut au centre des conflits entre mouvements mystiques. L'un des plus intéressants est le courant Melâmî, devenu ensuite Hamzevî, qui se distingue par son rejet et sa critique radicale de toutes les pratiques confrériques au nom de son interprétation de l'unicité de l'existence.

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Publié par
Date de parution 01 février 2013
Nombre de lectures 175
EAN13 9782296530034
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,2100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

PAU LBALLA N FAT
Unité et spiritualité
Le courant Melâmî-Hamzevî dans l’Empire ottoman
CollectionThéôria
UNITÉ ET SPIRITUALITÉLE COURANTMELÂMÎ-HAMZEVÎDANS L’EMPIRE OTTOMAN
COLLECTIONTHEORIADIRIGEE PARPIERRE-MARIESIGAUDAVEC LA COLLABORATION DEBRUNOBERARDOUVRAGES PARUS: Jean BORELLA,Problèmes de gnose, 2007. WolfgangSMITH,Sagesse de la cosmologie ancienne – Les cosmologies traditionnelles face à la science contemporaine, 2008. Françoise BONARDEL,Bouddhisme et philosophie – En quête d’une sagesse commune, 2008. JeanBORELLA,La crise du symbolisme religieux, 2008. JeanBIES,Vie spirituelle et modernité, 2008. DavidLUCAS,Crise des valeurs éducatives et postmodernité, 2009. e Kostas MAVRAKIS,)? Pour en finir avec le (XX De quoi Badiou est-il le nom siècle, 2009. Reza SHAH-KAZEMI,Shankara, Ibn ‘Arabî et Maître Eckhart – La voie de la Transcendance,2010. Marco PALLIS,La Voie et la Montagne – Quête spirituelle et bouddhisme tibétain, 2010. JeanHANI,La royauté sacréeDu pharaon au roi très chrétien, 2010. Frithjof SCHUON,Avoir un centre(réédition), 2010. PatrickRINGGENBERG,Diversité et unité des religions chez René Guénon et Frithjof Schuon, 2010. KenryoKANAMATSU,Le Naturel – Un classique du bouddhisme Shin, 2011. Frithjof SCHUON,Les stations de la sagesse(réédition), 2011. JeanBORELLA,Amour et Vérité – La voie chrétienne de la charité, 2011. Patrick RINGGENBERG,Les théories de l’art dans la pensée traditionnelle – , Coomaraswamy, Schuon, Burckhardt, 2011. Guénon Jean HANI,La Divine Liturgie, 2011. SwamiŚri KARAPATRA,La lampe de la Connaissance non-duelle, suivi deLa crème de la Libération, attribué àSwami TANDAVARYA, suivis d'un inédit,La Connaissance du soi et le chercheur occidentaldeFrithjof SCHUON,2011. Paul BALLANFAT,Messianisme et sainteté –Les poèmes du mystique ottoman Niyâzî Mısrî, (1618-1694), 2012. Frithjof SCHUON,Forme et substance dans les religions, 2012. Jean BORELLA,Penser l’analogie, 2012. Jean BORELLA,Le sens du surnaturel, 2012. GuillaumeDETANOÜARN& MichelD’URANCE,Dieu ou l’éthique, 2013.
PAULBALLANFATUNITÉ ET SPIRITUALITÉLE COURANTMELÂMÎ-HAMZEVÎDANS L’EMPIRE OTTOMAN
CollectionThéôria
ILLUSTRATION DE COUVERTURE: Manuscrit duHadiqat al-Su`ada(« Le Jardin des Bienheureux ») de Fuzuli-Muhammad ben Sulayman, connu sous le nom de Fuzuli. Brooklyn Museum. © L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-00864-6 EAN : 9782336008646
Sprich -Doch scheide das Nein nicht vom Ja. Gib deinem Spruch Auch den Sinn: gib ihm den Schatten. Gib ihm Schatten genug, gib ihm so viel, als du um dich verteilt weißt zwischen Mittnacht und Mittag und Mittnacht. Paul Celan, Von Schwelle zu Schwelle Sur mon épaule j’ai moi-même posé le manteau du blâme. Sur la pierre j’ai brisé la coupe de la fierté et de la dignité, qui pourrait y redire ? Tantôt je monte au ciel et contemple le monde. Tantôt je descends sur la terre, et le monde me contemple. Tantôt je descends à l’École et pour Dieu je donne des leçons. Tantôt je descends à la taverne et je goûte l’ivresse, qui pourrait y redire? Les dévôts ont déclaré illicite cette coupe de vin [var.d’amour] : C’est moi qui la remplis, moi qui la bois, le péché est mien, qui pourrait y redire ? On demanda à Nesîmî : Es-tu content de ton bien-aimé ? Content ou non, c’est mon bien-aimé ! Qui pourrait y redire ? 1 Seyyîd ‘Imâd al-dîn Nesîmî
1 Le poète Nesîmî appartenait au couranthurûfî. Il a été écorché vif à Alep en 1418.
INTRODUCTIONLes études qui portent sur la mystique musulmane ont été prises depuis un certain nombre d’années sous le feu d’une critique qui vise un nom, l’orientalisme, critique dont l’un des jalons majeurs a été l’ouvrage critique d’Edward Saïd, dont on se sert de plus en plus pour éviter de relire les grands orientalistes du passé. L’orientalisme s’offre à une entreprise d’invalidation venue de l’histoire, des sciences politiques et de l’anthropologie, dont il s’est pourtant nourri de plusieurs manières. Cette entreprise qui vise à reléguer l’orientalisme dans un passé dit colonial, lui-même construit dans sa déconstruction même par ces critiques, au nom d’une modernité ou post-modernité qui aurait enfin trouvé la « vérité » de ce passé qu’il voudrait pouvoir remiser une fois pour toutes. Il est vrai que le passé de l’orientalisme hante toute recherche actuelle sur le monde musulman, et qu’un certain nombre de chercheurs contemporains travaillant sur « l’islam », terme improprement globalisant et plus que simplificateur, reprennent, certes avec un autre langage, le chemin et les préjugés les plus grossiers de l’apologétique anti-musulmane d’origine religieuse développée depuis le dix-neuvième siècle. On voudrait y voir un péché originel dont il faudrait s’affranchir. On y retrouverait le double visage de l’Occident à accuser : l’Occident se construisant en fabriquant son Orient. Mais est-il quelque entreprise possible sans une faute inscrite dans son origine, sans cette violence préalable qui consiste à fonder la recherche en désignant son objet comme objet dans les limites de l’horizon de ses concepts, de ses attentes, de son eschatologie propre ? Kant l’avait en tout cas expressément noté. L’Orient n’a-t-il pas lui-même fabriqué son Occident, ou ses Occidents, comme l’Occident fabrique ses Orients, et ne se poursuivent-ils pas selon la même logique ? Où pourrait-on assigner un lieu original et de l’Orient et de l’Occident d’où se départagerait le produit de son fabricant. Tous ses éléments, plus complexes que la dénonciation de l’orientalisme veut le laisser croire, sont en tout cas affirmés dans une certaine tradition de pensée de ce que l’on a par commodité pris l’habitude de nommer mystique musulmane, au travers d’un certain nombre de termes, comme celui de « voyou » (shuttâr) pour désigner le mystique, ou de récits fondateurs dont il sera question ici. L’orientalisme ne peut se contenter toutefois de laisser cette
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critique à sa porte sans en saisir les éléments qui peuvent le conduire à refonder ses présupposés et ses méthodes. Il devrait en tout cas en garder une vigilance extrême. Non pas un souci d’exactitude scientifique, la quête de l’objectivité scientifique qui devrait être la première à tomber sous les coups de cette critique, enfin légitime pour le coup. Mais il ne peut renoncer au droit de se nommer orientalisme sans effacer sa trace, et renoncer à la volonté de courir l’au-delà, à moins de se condamner au cynisme des sciences humaines. Aborder le courant melâmî oblige à déplacer, peut-être plus encore que pour d’autres courants de ce que l’on nomme « mystique musulmane », les lignes directrices de la recherche et des méthodes qui en font la légitimité. Il offre l’occasion de critiquer radicalement le goût mystique et contraint à le faire, le refuge métaphysique que nombre d’orientalistes sont allés chercher en Orient au moment où ils avaient perdu tout espoir de le voir se survivre en Occident, quitte à forcer et à en rajouter sur le prétendu néoplatonisme de la mystique musulmane. Il va sans dire qu’utiliser le mot de mystique engage d’ores et déjà le regard vers un certain néoplatonisme qui avait nourri la mystique chrétienne et ne permet pas de saisir ce que cette mystique a eu à voir avec cette tradition, à la fois pour s’en nourrir, pour s’en démarquer, pour se l’approprier en la transformant 2 d’emblée, ou encore pour la rejeter . Le courant melâmî contraint ainsi à donner droit au vagabondage, à l’errance, à la mendicité, au maraudage, à se faire franc-tireur, cela pour faire un pas de côté et trouver la marge en marginalisant les rites, la ritualisation, le théologique, qui font le scientifique et ses institutions. Le fait qu’il se définisse lui-même comme ce qui n’a ni identité, ni nom, ni marque, ni possibilité de se dénommer en propre, ni rien de propre qui l’apparente au monde que nous nous sommes offerts comme objet de nos recherches, le rend difficile à appréhender dans le cadre méthodologique usuel. Le courant melâmî est précisément une tendance hors institution, radicalement critique des institutions, en premier lieu du confrérisme soufi. Il a donné naissance à une littérature qui s’inscrit dans l’héritage mystique ottoman qui le distingue des autres périodes de l’histoire de la mystique musulmane en lui conférant une personnalité propre. Il n’existe que très peu d’études sérieuses sur ce courant spirituel, les auteurs turcs s’étant bornés la
2  Il faudrait accorder une mention spéciale à ce remarquable ouvrage de Paul Nwyia,Exégèse coranique et langage mystique : nouvel essai sur le lexique technique des mystiques musulmans, Beyrouth, 1970, qui a l’énorme mérite par rapport à tant d’ouvrages sur la mystique musulmane de tenter de saisir la manière dont le langage de la spiritualité en Islam s’est élaboré à partir, sur et avec le vocabulaire coranique qui du coup se voyait déplacé et réélaboré dans un autre contexte.
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plupart du temps à paraphraser, pas toujours bien au demeurant, l’ouvrage de jeunesse d’A. Golpınarlı, qui date d’avant guerre et qui est particulièrement précieux. Il était donc urgent de réfléchir sur cette question qui intéresse d’ailleurs aussi les historiens. Le courant melâmî n’est guère qu’un minuscule groupe de spirituels de l’époque ottomane si on le compare à la profusion des confréries qui ont prospéré et se sont ramifiées durant toute la durée de l’empire, essaimant dans toutes les provinces, des Balkans au monde arabe. Du strict point de vue de l’histoire de l’empire ottoman et de l’histoire des confréries, c’est un mouvement extrêmement marginal. Le propre de la spiritualité dans l’empire ottoman est que chaque grand penseur du soufisme donnait naissance à une structure institutionnelle censée promouvoir sa pensée dans l’avenir, d’où la profusion de confréries. Dans le cas des melâmîs, il ne s’agit pas d’une institution, mais d’un simple mouvement qui prend le contrepied du système selon lequel on envisage la vie spirituelle, à savoir comme structure mystique dans le cadre de l’empire. Ce mouvement marginal ne représente donc pas un grand intérêt anthropologique, sociologique ou historique. C’est l’une des raisons qui m’ont conduit à m’y intéresser. D’autant plus que d’un autre côté, sur le plan doctrinal, ce mouvement n’est plus marginal mais au contraire au centre même de la pensée spirituelle qui s’est développée durant cette période, principalement dans le monde ottoman de langue turque. Marginal à tous les points de vue qui font le centre méthodologique des intérêts scientifiques modernes, il est central pour la compréhension de ce qui constitue le cœur même de la spiritualité de cette époque. Ce mouvement est enraciné dans une tradition beaucoup plus ancienne qui est apparue dans une tout autre région et un tout autre contexte et qui a été occultée par l’essor prodigieux du soufisme, devenu grâce aux circonstances politiques l’expression majeure de la spiritualité en terre d’islam. Le courant melâmî, qui prendra finalement le nom de Hamzevî, est la résurgence, le regain de ce premier courant dit des « hommes du blâme ». Regain infidèle, en ce qu’il trahit le premier jet formé en Asie Centrale, en se trahissant. Infidèle fidélité des Melâmis qui attirent sur eux le blâme mortel de l’État en révélant ce qui devait se taire et ainsi s’exposent plus que leurs ancêtres à la violence de ce nom, « hommes du blâme », qui leur dénie le droit de s’en parer. Ils reprennent la parole là où leurs prédécesseurs consentaient à la règle du silence. Les hommes du blâme faisaient du secret leur discipline exemplaire quand le soufisme prenait la parole et enseignait ouvertement certaines doctrines inacceptables par l’institution politico-religieuse. Le soufisme aussi partageait l’idée que certaines choses doivent être tues, et Hallâj a souvent été critiqué et
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