La bouche plurielle
174 pages
Français

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La bouche plurielle , livre ebook

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174 pages
Français

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Description

La bouche est un élément incontournable de la communication et de la vie en général. Dans tous les aspects des échanges interhumains, elle joue un rôle fondamental. En dehors de ces aspects communicationnels communs, la bouche a beaucoup d'autres fonctions. Quelle est la place de la bouche dans la dynamique de la perception de soi et de l'autre ? De l'ingestion à la déjection en passant par les fonctions érotiques de cet organe, ces réflexions font le tour des différents usages de la bouche.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 33
EAN13 9782296716384
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA BOUCHE PLURIELLE
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-13888-9
EAN : 9782296138889

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Sous la direction de Michelle TANON-LORA


LA BOUCHE PLURIELLE


Avec le soutien de MULTITUDES
(Centre pluridisciplinaire d’étude
des sociétés contemporaines)
PREFACE
La bouche est un élément incontournable de la communication et de la vie en général. Dans tous les aspects des échanges interhumains, elle joue un rôle fondamental. Parler, sourire, rire ou tout simplement se taire sont autant de messages qui impliquent la bouche.
Mais en dehors de ces aspects communicationnels communs la bouche a beaucoup d’autres fonctions, et non des moindres.
Quelle est la place de la bouche dans la dynamique de la perception de soi et de l’autre ? De l’ingestion à la déjection en passant par les fonctions érotiques de cet organe, les réflexions menées lors de cette rencontre scientifique ont fait le tour des différents usages de la bouche.
Dans la rubrique Du bouche à oreille , les aspects du langage verbal et non verbal ont été évoqués. L’enjeu était d’élucider les mécanismes de la diction et de dégager la place de la bouche dans la pratique d’élocution ; parler, raconter, dire (le verbal) et/ ou se taire, faire la moue (le non verbal). Les différents signes de la gestuelle buccale et leurs sens contextuels ont été mis à jour.
La bouche, un instrument au service du plaisir : la réflexion sous cet angle a visé à analyser le rôle de la bouche en tant que vecteur de plaisirs de tous genres. Qu’il s’agisse de plaisir érotique et / ou sexuel ou plaisir gastronomique, la bouche participe à la fête des sens. Quels sont les tabous qui entourent la sexualité orale, quelle perception les individus ont-ils des pratiques sexuelles orales et quelle est la place de la culture dans leur conception de ce phénomène. La bouche est-elle multi fonctionnelle ?
La bouche et l’esthétique : ce volet de la réflexion avait pour but de recenser les différents regards posés sur la bouche dans la perception et l’évaluation esthétique de l’individu. Dans certaines régions du Nord, la mode est à l’utilisation de silicone pour rendre les lèvres plus épaisses… Quelle bouche pour quelle image, pour quel usage ?
Ce colloque qui se voulait une réflexion pluridimensionnelle autour de la bouche a été une vraie fête des sens. La bouche était pour une fois au centre des débats, et tous les autres sens se sont trouvés associés car le canal buccal comme nous l’ont montré les différentes interventions, mène non seulement au plaisir / déplaisir charnel, mais aussi à l’esprit.


MICHELLE TANON-LORA
DE L’UNION SEXUELLE ET DE L’ENIGME DE LA BOUCHE DANS LE ZARATHOUSTRA DE NIETZSCHE
AKE PATRICE JEAN
Département de Philosophie, Université de Cocody-Abidjan
Email : pakejean@yahoo.fr


Notre communication s’inscrit dans l’axe intitulé La Bouche, un instrument au service du plaisir charnel.
Nous partirons d’un texte de Ainsi parlait Zarathoustra de Nietzsche qui nous a donné le titre de notre communication De la vision et de l’énigme. Au cours d’une vision, Nietzsche voit un jeune berger qui se tordait, râlant, convulsé, grimaçant, et un lourd serpent noir qui lui pendait hors de la bouche {1}
Nietzsche invite tous les chercheurs, les explorateurs et ceux qui veulent s’aventurer avec des voiles perfides sur des mers inexplorés {2} à deviner l’énigme qu’il a contemplée ce jour-là.
Notre hypothèse de recherche est celle-ci : la bouche d’une femme dévoile son sexe. Ce qui demeure caché est présent dans ce qui se voit, de façon identique. Ce sont les mêmes organes. Le sexe de la femme, cette ouverture par où passe le sexe de l’homme, la semence, la jouissance, est le symbole de la puissance créatrice et, tout particulièrement, de l’insufflation de l’âme. Organe de parole (logos, verbum) et du souffle (spiritus), il symbolise aussi un degré élevé de conscience, un pouvoir organisateur par le moyen de la raison. Sa rencontre avec le sexe de l’homme symbolise la recherche de l’unité, l’apaisement de la tension, la réalisation plénière de l’être.
Ainsi nous entrons aussi dans la symbolique du sexe, sa signification dans l’imagination des peuples. Chez les Adioukrous, par exemple, le sexe de la femme se dit ugŋu et le même mot est utilisé pour dire mordre. Dans un des contes adioukrous {3} , le machoiron, ugηm, et le pangolin acrara sont en train de discuter chaudement. Acrara dit à ugηm : Ugηm ma chair sent mieux que la tienne. Ugηm répondit : Ne fais pas l’orgueilleux, moi j’ai plus de valeur que toi. Cette valeur et cette douceur est celle que ressent la bouche quand elle mord le machoiron. Aussi le plaisir de la bouche appelle celui du sexe. Chez d’autres peuples akans (N’zimas, Baoulés, Agnis…), faire l’amour à quelqu’un et manger, c’est le même mot : bêdi. Aussi Marcel Griaule, après avoir démontré que le filage du coton et le tissage du vêtement symbolisent l’acte sexuel, affirme sans ambages que : La bouche de la femme, c’est le matériel à tisser {4} . Mais nous savons par ailleurs, que le sexe indique non seulement la dualité de l’être, mais sa bipolarité et sa tension interne {5} . Nous sommes en présence d’une véritable énigme.
Deviner cette énigme du sexe de la femme en sa bouche, c’est deviner l’énigme de Nietzsche, ce philosophe que Lou Andréas-Salomé présente comme un esprit solitaire, à la fois familier et inquiétant, qui s’imaginait pouvoir porter des poids gigantesques et finit par succomber à une folie monstrueuse. Il s’agit de pénétrer un jeu dans lequel les images de sa philosophie se multiplient, jeu d’ondes, éphémères, vives. L’infidélité nécessaire de la devinette ouvre des distances dans lesquelles les significations changeantes se meuvent, creusant des lits imprévus dans la fluctuation universelle. Nous entrons dans le jeu de la devinette sans le détenir, sans crainte de glissements, mais avec la ferme détermination du coup adéquat.


1. NIETZSCHE COMME INTERPRETE DE L’ETERNEL
RETOUR DANS LA VISION DU BERGER

La plupart des commentateurs de Nietzsche expliquent que la vision du berger à qui un serpent était entré dans le gosier, est celle de l’éternel retour. Écoutons par exemple Eugen Fink qui affirme que cette vision signifie que l’idée de l’éternel retour, symbolisé par le serpent, emplit de dégoût la bouche de l’homme et l’étouffe. Elle est une idée oppressante {6} . Si pour notre auteur, cette idée de l’éternel retour semble contredire la volonté de puissance, cela n’est qu’une apparence. En effet, Zarathoustra conseille au berger de mordre la tête du serpent qui est entré dans sa bouche. Le berger le fait et il se transforme : Il n’était plus ni pâtre ni homme – il était métamorphosé, auréolé, et il riait ! Jamais encore un homme n’a ri sur terre comme il riait {7} ! Pour Fink, celui qui surmonte l’idée de l’éternel retour, celui qui persévère à lui faire face, voit son existence transformée d’une façon décisive. Chez lui, le sérieux et la lourdeur se transforment en la légèreté surhumaine du rire. Et il ajoute que l’idée de l’éternel retour comporte deux aspects. On peut la considérer ou bien du point de vue du passé ou bien surtout du point de vue de l’avenir {8} .
C’est la même interprétation que donne Karl Löwith avec cette nuance en plus : L’interprétation de la vision du berger provient de la propre guérison de Zarathoustra de la maladie de la mort. Et c’est pourquoi, poursuit-il, la vision du berger est donc une prémonition de la délivrance que vit Zarathoustra lui-même en guérissant, qui devient en faisant appel à ses pensées abyssales, le défenseur du cercle qui lui était apparu auparavant {9} .

Mais cette interprétation de la vision du berger n’est pas épuisée dans l’éternel retour. Il nous faut alors faire appel à Nietzsche comme herméneute en vision et en rêve.


2. NIETZSCHE COMME HEUMENEUTE EN VISION ET
EN REVE

Nietzsche emprunte cette vision à la mythologie où, selon l’érudit Mircéa Eliade, l’éternel retour, est la révolte des sociétés traditionnelles, contre le temps concret, historique . Il s’agit alors d’une nostalgie d’un retour périodique au temps mythique des origines, au Grand Temps Quand le philosophe Nietzsche utilise ce mythe, il le réécrit à la manière de Platon. Comme le note si merveilleusement Gary Shapiro, Nietzsche décrit la pensée de l’éternel retour, comme la conception de base de son ouvrage. Cette conception de base n’est ni un concept

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