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Directeur de collection Alain-G. Gagnon |
Les recherches portant sur le Québec et le Canada ont pris un nouvel élan ces dernières années grâce au gain en popularité des études comparées et au rayonnement qu’elles ont connu sur la scène internationale. Le Québec est devenu une véritable inspiration pour les nations en quête de reconnaissance alors que, de son côté, le Canada est fréquemment présenté comme un modèle pour les sociétés traversées par la diversité nationale et le pluralisme identitaire.
La collection Politeia se concentre sur l’analyse des phénomènes politiques et sociaux, et cherche plus particulièrement à mieux comprendre les transformations de la vie politique au Québec et au Canada. Ses auteurs jettent un regard affûté sur l’évolution du régime politique, des systèmes partisans et de l’économie politique au pays, en plus de s’intéresser aux mutations économiques, idéologiques et politiques ayant marqué le Québec et le Canada.
La collection Politeia accueille les travaux de pointe portant sur les nations sans État et celles en voie d’habilitation, dans la mesure où ils feront avancer la réflexion sur le fédéralisme et le phénomène national et permettront de mettre en valeur la production scientifique des québécistes et des canadianistes.
Comité scientifique
James P. Bickerton
St. Francis-Xavier University
Gérard Bouchard
Université du Québec à Chicoutimi
Stephen Brooks
University of Windsor
Eugénie Brouillet
Université Laval
Claude Corbo
Université du Québec à Montréal
Bernard Gagnon
Université du Québec à Rimouski
Nicolas Houde
Université du Québec à Montréal
Jane Jenson
Université de Montréal
Michael Keating
University of Aberdeen
Guy Laforest
Université Laval
Ramon Maiz
Université Saint-Jacques de Compostelle
Alain Noël
Université de Montréal
Johanne Poirier
Université Libre de Bruxelles
Daniel Salée
Université Concordia
A. Brian Tanguay
Wilfrid Laurier University
Luc Turgeon
Université d’Ottawa
Jean-Philippe Warren
Université Concordia
José Woehrling
Université de Montréal
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FRANCE | AFPU-D – Association française des Presses d’université |
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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Dufour, Frédérick Guillaume
La sociologie historique: traditions, trajectoires et débats
(Collection Politeia)
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7605-4348-5
ISBN EPUB 978-2-7605-4350-8
1. Sociologie historique. I. Titre. II. Collection: Collection Politeia.
HM487.D83 2015 301.09 C2015-940979-9
Conception graphique
Vincent Hanrion
Mise en pages
Info 1000 Mots
Dépôt légal: 4e trimestre 2015
› Bibliothèque et Archives nationales du Québec
› Bibliothèque et Archives Canada
© 2015 – Presses de l’Université du Québec
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
Imprimé au Canada
L’une des plus grandes chances que me donne le métier d’enseignant est de rencontrer des étudiantes et des étudiants dont la curiosité intellectuelle n’a pas de frontières. En sociologie historique, de tels étudiantes et étudiants nous font voyager et nous forcent à constamment ressaisir et réexaminer les objets que la sociologie et la science politique tiennent pour acquis.
Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué d’une façon ou d’une autre à cet ouvrage. Certains en prenant part aux recherches qu’il a nécessitées; d’autres en relisant des ébauches de chapitres; d’autres, enfin, en menant des recherches sociohistoriques sous ma direction: Laurent Alarie, Alexis Brabant, Mathieu Brière-Provencher, Charles Carrier-Plante, Joël Casséus, Félix Deslauriers, Sophie Dorion, Marilou Favreau-Léger, Frantz Gheller, Mathieu Jean, Jonathan Lalande-Bernatchez, Gabriel L’Écuyer, Caroline Malette, Laurence Morin, Sabrina Paillé, Corynne Laurence-Ruel, Maxime Robert, Hubert Rioux-Ouimet, Louis-Philippe Lavallée, Fanny Theurillat-Cloutier et Jonathan Viger. Nancy Turgeon, Thierry Drapeau et Mathieu Forcier ont constamment alimenté ma réflexion sur la Chine, l’Atlantique et les théories contemporaines du nationalisme, alors que Michel-Philippe Robitaille m’a fourni une aide importante à plusieurs étapes de ce projet.
Un grand nombre de collègues des départements de sociologie et de science politique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) ont également contribué à rendre cet ouvrage possible par leurs encouragements, leurs commentaires, leurs critiques et leurs travaux: Élisabeth Abergel, Victor Armony, Leila Celis, Julian Durazo-Herrmann, Paul Eid, Jean-François Filion, Elsa Galerand, Louis Jacob, Xavier Lafrance, Jonathan Martineau, Dan O’Meara, Jean-Guy Prévost, Shirley Roy et Valérie Vézina. En dehors de l’UQAM, je tiens à remercier plusieurs collègues et amis de la communauté des sociohistoriens au Québec et au Canada: John A. Hall, Georges C. Comninel, Bruce Curtis, Andrew Dawson, Hannes Lacher, Matthew Lange, Thierry Lapointe, Frédéric Mérand, Martin Petitclerc, Victor Piché, Sébastien Rioux, Stéphanie Rousseau, Susan Spronk et Ellen M. Wood. L’accueil des collègues du Centre for Social Theory and Comparative History à UCLA, Bob Brenner et Rogers Brubaker notamment, et des collègues du Département de relations internationales de l’Université Sussex, Samuel Knafo, Benno Teschke et Justin Rosenberg, fut déterminant pour l’orientation qu’allait prendre cet ouvrage. Alain-G. Gagnon, directeur de cette collection aux Presses de l’Université du Québec, a cru dans ce projet du début jusqu’à la fin. Je le remercie pour cet appui indéfectible. Enfin, je tiens à remercier l’équipe des Presses de l’Université du Québec pour son professionnalisme et son excellent travail d’édition.
La réalisation de ce projet avait pour principal rival mon temps passé avec Mélanie et nos deux fils, Émile et Édouard. J’avoue ne regretter aucun des moments passés avec eux au détriment de la rédaction.
Tableau 2.2. Les niveaux d’analyse en sociologie historique et en histoire globale
Tableau 4.1. Les étapes du développement du pouvoir infrastructurel de l’État selon Mann
Tableau 4.2. Les deux dimensions du pouvoir étatique selon Mann
Tableau 4.3. Les formes de souveraineté chez Stephen Krasner
Tableau 6.1. Les caractéristiques convergentes de trois révoltes frontalières
Tableau 6.2. Les facteurs influençant la variation des structures d’opportunité politique
Tableau 6.3. Les régimes de relations civiles – militaires en Europe, 1492-1991
Tableau 7.1. Le pourcentage de la population ayant le droit de vote en 1910
Tableau 7.2. L’année d’obtention du droit de vote par les femmes
Tableau 7.3. La séquence du développement des composantes de la citoyenneté
Tableau 7.5. Les critères sociohistoriques d’une démocratie limitée et développée
Tableau 7.6. Les indicateurs de démocratisation et de dédémocratisation
Tableau 7.7. Des mécanismes démocratiques et leurs conditions nécessaires
Tableau 7.8. Le lien entre le capital social et la marchandisation du social
Près d’un siècle après la publication de l’ouvrage Économie et société, un étudiant en sociologie qui entamerait une thèse de doctorat sur l’économie politique de l’Empire romain, les guildes médiévales ou le judaïsme antique rencontrerait plusieurs obstacles. Plusieurs sociologues estiment que ces thèmes sont à exclure de ce qu’il est méthodologiquement raisonnable d’aborder en sociologie. De fait, ces objets requièrent souvent des compétences linguistiques et des connaissances historiques qui incitent à sortir des sentiers battus de la sociologie contemporaine. Les méthodes d’enquête de terrain et de collecte de données qui se sont développées notamment dans le sillon de l’école de Chicago sont peu adaptées à de tels objets. Enfin, les retombées pratiques, voire pécuniaires, des recherches sur ces objets ne sont pas évidentes. Ces réserves sont pertinentes, mais elles ne justifient pas l’interdit en faveur duquel militent certains méthodologues. Elles montrent, d’une part, la nécessité d’explorer une collaboration plus soutenue entre les sciences sociales et l’histoire. C’est cette tâche que se sont donnée des revues comme Social Science History, Comparative Studies in History and Society, Journal of Historical Sociology, History andTheory et le Journal of World History pour ne nommer que les plus spécialisées. Ces réserves permettent, d’autre part, l’exploration des débats méthodologiques et épistémologiques entourant la relation des sciences sociales à la discipline historique. Cette exploration est en partie l’objet de cet ouvrage.
Weber (1991, 2001, 2010) ne considérait pas les objets énumérés précédemment comme des préoccupations byzantines. Les catégories idéales-typiques répertoriées dans Économie et société étaient engagées dans un dialogue avec l’histoire. L’engagement de Max Weber à l’endroit de l’histoire comparée du droit et de la religion était sans équivoque. Le «père» de la sociologie allemande estimait que cette discipline devait conserver un dialogue avec l’histoire afin de construire des catégories sociohistoriques s’inscrivant dans des modèles théoriques. Weber était animé par le souci de développer, clarifier, mettre à l’épreuve ou invalider les idéaux-types et les hypothèses théoriques en conservant une modestie à l’égard de leur portée heuristique.
Cette orientation historique de la discipline signifie-t-elle qu’il faille sans cesse mettre à l’épreuve et renouveler les idéaux-types en fonction des fondements de la discipline sociologique? Certainement pas. Cela suppose-t-il que toute problématique sociologique requiert une mise en contexte historique exhaustive? Non. Des volets importants de la recherche contemporaine en sociologie s’inscrivent dans le cadre d’une période de «science normale», pour reprendre l’expression de Thomas Kuhn. Le point important est plutôt que les programmes de recherche portant seulement sur la courte durée ne permettent pas d’enquêter sur un ensemble de questions sociologiques que les sciences humaines ont hérité de Karl Marx, Max Weber, W. E. B. Du Bois et Émile Durkheim. L’enfermement dans le temps présent entraîne des contraintes théoriques et politiques. Non seulement il appauvrit la portée de la réflexion sociologique, mais il limite l’imagination de ce qu’ont été d’autres mondes que le nôtre. Face à ces périls, la théorie sociale continue d’avoir besoin «d’une approche qui enquête sur la constitution historique des catégories théoriques de base» (Calhoun, 1997a, p. 328).
Cet ouvrage se penche sur les trajectoires, débats et concepts au cœur des développements de la sociologie historique comparative. La sociologie historique est un sujet modulaire qui ne fait pas l’objet d’une définition consensuelle. Nous reprenons et développons la définition qu’en propose l’institutionnaliste George Lawson qui l’a décrite comme
une tentative, datant d’au moins deux cents ans (quoique cela dépende à certains égards de quand et d’où l’on commence à compter), d’économistes, de philosophes de l’histoire et de sociologues de fournir une explication à la fois historique et généralisable de l’émergence du capitalisme, de l’industrialisation, du rationalisme, de la bureaucratisation, de l’urbanisation et d’autres aspects centraux du monde moderne (Lawson, 2007, p. 344).
Cet ouvrage aborde la sociologie historique à la fois comme un carrefour disciplinaire, un ensemble de convictions méthodologiques, un espace de débats traversé par différentes traditions théoriques et un certain nombre d’objets. Il met l’accent sur des contributions qui permettent de problématiser l’historicité du social et du politique.
Plutôt que comme une discipline ou une sous-discipline, nous abordons la sociologie historique comme un carrefour de trajectoires disciplinaires et antidisciplinaires en sciences sociales. Entendue dans son acception large, celle-ci est le lieu où convergent des chercheurs œuvrant en sociologie (politique et culturelle), en économie institutionnaliste, en politique comparée, en relations internationales, en anthropologie économique et dans différentes branches de l’histoire sociale, démographique, économique, politique et des idées politiques. Ce carrefour est le lieu où peuvent dialoguer un politologue qui reconstruit les transitions entre les différents systèmes internationaux ou les différents appareils statistiques; un comparativiste qui analyse les dynamiques patrimoniales de différents États; une sociologue qui s’intéresse aux développements des États et des nationalismes; un historien qui compare les processus de démocratisation, les stratégies matrimoniales ou les cycles de consommation; et une économiste qui s’intéresse aux conditions d’émergence du capitalisme. Ce carrefour est antidisciplinaire dans la mesure où celles et ceux qui s’y aventurent cherchent à sortir des contraintes de leurs disciplines respectives et remettent en question la division du travail entre les sciences sociales et l’histoire (Wallerstein, 2000).
Circonscrire le champ de la sociologie historique exige qu’on situe celle-ci par rapport à la politique comparée et à l’étude des relations internationales. Cet ouvrage soutient qu’il s’agit dans une large mesure de vases communicants. Avec Lawson, nous refusons la frontière disciplinaire entre l’étude des relations internationales et la sociologie: «both arenas share common dynamics of social action and social change made observable through the historical, comparative study of institutions» (Lawson, 2004, p. 45). Comme aimait à le répéter Charles Tilly, la sociologie et la science politique peuvent difficilement se passer d’une certaine forme d’analyse historique (Tilly, 2006b, p. 417-421)1. L’influence des Stein Rokkan, Charles Tilly, James Mahoney, Theda Skocpol, Barrington Moore, Ernst Gellner, John A. Hall, Michael Mann, Michael Hechter, Dietrich Ruschemeyer, Rogers Brubaker et Andreas Wimmers se fait sentir dans une discipline comme dans l’autre. Si la politique comparée met l’accent sur les propriétés formelles des organisations, institutions, processus et mécanismes politiques, la sociologie historique s’intéresse à leurs trajectoires historiques en fonction des changements sociaux et politiques (Buzan et Little, 1996; Hobden, 1998; Hobden et Hobson, 2002). La politique comparée, par exemple, permet de dégager une typologie des conflits susceptibles d’être engendrés par la répartition constitutionnelle des pouvoirs au sein d’un régime politique unitaire, fédéral ou confédéral; ou, encore, les dynamiques formelles associées aux différents modes de scrutin. Elle n’explique pas nécessairement pourquoi telle ou telle trajectoire constitutionnelle a été adoptée par un État, mais plutôt les dynamiques que la répartition des pouvoirs enchâssée dans une constitution engendre entre les différents niveaux de législation2. La sociologie historique, elle, s’intéresse également aux causes de la variation de ces trajectoires constitutionnelles.
John M. Hobson propose de «définir la sociologie historique […] comme une approche critique qui refuse de traiter le présent comme une entité autonome en dehors de l’histoire, et qui insiste pour l’enchâsser dans des lieux sociotemporels particuliers» (Hobson, 2002, p. 13). Dans cette veine, les sociohistoriens sont animés par deux convictions. Selon la première, il y a une valeur ajoutée à étudier ou comparer les phénomènes sociaux sur la longue durée, soit dans des contextes délimités au moyen d’une périodisation contrôlée par la théorie3. Selon la seconde, un des piliers d’une démarche rigoureuse en sociologie politique est l’adoption d’une méthode comparative.