Les Grecs à Marseille : minorité ethnique ou nation en dispora ?
322 pages
Français

Les Grecs à Marseille : minorité ethnique ou nation en dispora ? , livre ebook

-

322 pages
Français

Description

L'enquête sociodémographique sur la population grecque de Marseille amène à penser le groupe phocéen sous l'angle d'une conscience nationale hellénique sans centre émetteur et portée par la Communauté, qui n'est pas rattachée à une mère patrie mais connectée au réseau des Communautés historiques de l'hellénisme : l'entité marseillaise s'identifie à la nation panhellénique, s'appuie sur son réseau d'héritages mémoriels et contribue à les co-construire et les ré-élaborer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 66
EAN13 9782296484009
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Grecs à Marseille© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56823-5
EAN : 9782296568235 Michel Calapodis
Les Grecs à Marseille
Minorité ethnique ou nation en diaspora ?
L’Harmattan Etudes grecques
Collection dirigée par Renée-Paule Debaisieux
Domaine grec moderne
Joëlle DALÈGRE (dir), La Grèce inconnue d'aujourd'hui. De l'autre côté du
miroir, 2011.
Jean Antoine CARAVOLAS, Jules David et les études grecques
(17831854), 2009.
Isabelle DEPRET, Eglise orthodoxe et histoire en Grèce contemporaine.
Versions officielles et controverses historiographiques, 2009.
Jean-Luc CHIAPPONE, Le Mouvement moderniste de Thessalonique
19321939, 2009.
Yannis MARIS,Quatuor, nouvelles policières grecques, traduit du grec et
présenté par Geneviève Puig-Dorignac.Le mouvement moderniste de Thessalonique
(19321939). Tome 1 : Figures de l’intimisme.
Périklis YANNOPOULOS, La Ligne grecque, la couleur grecque, traduit et
annoté par Marc Terrades.
Joëlle DALEGRE, La Grèce depuis 1940.
Martine BREUILLOT, Châteaux oubliés.
Ioannis KONDYLAKIS, Premier amour et autres nouvelles, présentation et
trad. par Vassiliki et Pierre Coavoux.
Constantin CHATZOPOULOS, Deux femmes (Traduit et commenté par
Nicole Le Bris).
Grégoire PALEOLOGUE, Le peintre.
Ion DRAGOUMIS, Samothrace, présentation et trad. M. Terrades.
Edmont ABOUT, La Grèce contemporaine, 1854, réédition présentée et
annotée par J. Tucoo-Chala.
Venetia BALTA, Problèmes d’identité dans la prose grecque
contemporaine de la migration.
Paul CALLIGAS, Thanos Vlécas, présentation et trad. R.-P. Debaisieux. Des prisons, présentation et trad. R.-P. Debaisieux.
Constantin CHATZOPOULOS, Dans l’obscurité et autres nouvelles. Automne.
Jean-Luc CHIAPPONE, Le récit grec des Lettres Nouvelles, « Quelque
chose de déplacé… ».
Paul CALLIGAS, Réflexions historiographiques, présentation et trad. R.-P.
Debaisieux.Sinico, Nausicaa,
traces mnésiques pieuses,
souvenirs purs,
impérissable présence,
!) # 30/ # .
"Chez elle, jamais un méta-langage, une
pose, une image voulue. C'est cela la
"Sainteté". […] Memento illam vixisse."
R. Barthes INTRODUCTION
"Notre colonie hellénique". C'est en ces termes que s'adressent
fréquemment à leurs lecteurs Le Mémorial d'Aix et Le Sémaphore
– respectivement journal local aixois et quotidien marseillais – pour retracer
les événements qui ont trait à ladite colonie, particulièrement durant la
seconde moitié du dix-neuvième siècle.
Au-delà des affinités philhellènes qui peuvent animer les équipes
rédactionnelles de ces deux organes de presse, force est de constater que
l'élément grec est visible, rassemblé en un groupe unitaire – la colonie – et
dont l'appréhension par la société marseillaise semble, sinon bienveillante,
du moins exempte de toute attitude antagoniste ou d'une vision péjorante de
ses caractéristiques sociales.
En bref, il s'agirait d'un groupe étranger dont la saillance sociale reçoit
l'agrément de l'opinion du pays hôte.
Cependant, l'appellation "colonie" ne manque pas de retenir notre
attention et de soulever, en conséquence, plusieurs interrogations. Tout
d'abord, si l'on excepte, bien évidemment, le sens de colonie de peuplement
attaché à un territoire placé sous la dépendance politico-militaire d'une
métropole, que faut-il entendre, à cette époque, par colonie ?
Un "établissement fondé par une nation dans un pays étranger", selon le
dictionnaire Littré, ou bien un "groupe de personnes ayant certaines
affinités, intérêts ou usages communs (d'abord des émigrés d'un même pays
vivant dans la même ville)", comme l'écrit Madame de Staël dans ses Lettres
1inédites à Louis de Narbonne ?
La première acception traduit une relation mère patrie-colonie, à l'image
du rapport qu'entretient, de nos jours, une société commerciale avec sa
succursale : la dépendance de la périphérie vis-à-vis du centre. La nation
détache donc une partie de son corps d'habitants pour la transporter et la
fixer en terre étrangère.
La seconde nous renvoie à la fois à l'unité d'un groupement humain
cohésif, à son autonomie par rapport à un centre ou une origine et à une
certaine forme d'adaptabilité à son nouvel environnement, même si les
traditions que l'on pourrait inclure dans les usages communs sont plutôt de
l'ordre de l'essentialité.
Dans les deux cas, l'impression qui se dégage est celle du Même face à
un Autre, qui ne reconnaît que l'identité numérique (le Un) ; peu importe,
d'ailleurs, si le Un est formé par deux sous-unités distantes (colonie et
nation) ou s'il se déduit de la co-présence spatio-temporelle solidaire de

1
Voir G. de STAËL, Lettres inédites à Louis de Narbonne (1792-1794), texte
établi par B.W. JASINSKI, Genève, Champion, 2009, p.56.
9 toutes ses composantes internes (colonie autonome). É. Durkheim, pour
expliquer la notion de solidarité mécanique, établit un parallèle entre la
biologie animale et les colonies : "[…] ces éléments ne sont pas seulement
semblables entre eux, ils sont encore en composition homogène. On leur
donne généralement le nom de colonies […]. En effet, comme les parties qui
composent une colonie animale sont accolées mécaniquement les unes aux
autres, elles ne peuvent agir qu'ensemble, tant du moins qu'elles restent
unies. L'activité y est collective. […] ce qui caractérise l'individualité d'un
agrégat quelconque, c'est l'existence d'opérations effectuées en commun par
toutes les parties. Or, entre les membres de la colonie, il y a mise en
2commun des matériaux nutritifs."
Transposant ces réflexions à la colonie grecque de Marseille, l'alternative
offerte pour la qualifier nous laisserait le choix entre un simple groupe
minoritaire étranger et une collectivité diasporique, c'est-à-dire
territorialisée au sein de la société politique française, mais qui conserve des
liens avec la nation grecque tels, qu'ils forment ensemble une entité
indissociable.
A priori, les processus identitaires – ou plus exactement d'identification –
induits par le positionnement minoritaire ne suivent pas la même trame que
ceux opérant au sein de l'entité diasporique : d'un côté, les Grecs
s'implantent à Marseille et s'y socialisent selon un déroulé chronologique et
des modalités d'application qui sont, peu ou prou, le lot de toutes les
minorités étrangères qui se fixent dans la ville depuis le dix-huitième siècle
si ce n'est depuis l'Antiquité : entrée par le port, puis ancrage résidentiel par
quartier non pas "ethnique", mais socio-économique, conformément au
schéma de localisation spatiale en vigueur à Marseille qui répartit les
habitants de son territoire en fonction de logiques socioprofessionnelles,
indépendamment de leur origine ou nationalité ; enfin, après une ou deux
générations, ledit groupe ayant adopté les conduites sociales de la société
d'accueil franco-marseillaise (linguistiques, économiques, matrimoniales,
confessionnelles), ses liens d'appartenance à sa nation d'origine se trouvent
si dilués et affaiblis qu'ils se limitent bien souvent à un vague sentiment
3d'identification, à des traces de traditions érigées en "lieux de mémoire" .
Vision téléologique s'il en faut, le résultat étant connu, ce qui intéresse alors
se résume au parcours de migration jusqu'à la fixation dans la ville.
En résumé, les Grecs suivraient les pas des Catalans ou des Génois, mais
avec leurs caractéristiques phénoménologiques propres destinées à devenir,

2
Voir É. DURKHEIM, De la division du travail social, Paris, Alcan, 1911,
pp.167-168.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents