Médecines parallèles et cancer
203 pages
Français

Médecines parallèles et cancer , livre ebook

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203 pages
Français

Description

Ce qui est communément désigné par "médecines parallèles" est une construction sociale qui, au regard d'une analyse socio-historique, permet de rendre compte des rapports de force au sein du champ des soins de santé. A partir de cette analyse et d'une étude de terrain menée auprès de personnes touchées par le cancer et ayant recours aux "médecines parallèles", cet ouvrage cherche à dégager les usages sociaux de ces médecines, le sens qu'elles recouvrent, et les démarches dans lesquelles elles s'inscrivent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 45
EAN13 9782296448223
Langue Français
Poids de l'ouvrage 10 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

MÉDECINES PARALLÈLES ET CANCER
Une étude sociologique
© L’Harmattan, 2010 5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-13280-1 EAN : 9782296132801
Anne-Cécile BEGOT
MÉDECINES PARALLÈLES ET CANCER
Une étude sociologique
L’Harmattan
Cette recherche a été financée par l’Institut National du Cancer (INCa) et a été réalisée au sein du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL), un laboratoire du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et de l’École Pratique des Hautes Études (ÉPHÉ).
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Qu’il me soit donné, ici, l’occasion de remercier chaleureusement les personnes qui ont permis la réalisation de cette étude, et plus particulièrement celles qui ont donné de leur temps pour répondre à mes questions.
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INTRODUCTION
« Vivre mieux, soigner autrement. Le guide des médecines alternatives », tel est 1 le titre de l’hebdomadaireEllemars 2006 . Ou encore, plus récemment, un de article deLibération, « Sauvé par le qi gong ? Antistress. Cette gymnastique 2 chinoise ancestrale est de plus en plus utilisée en milieu hospitalier » . La légitimité sociale des médecines parallèles se lit au travers des magazines ou de la presse à grand public. Évidemment, le dossier spécial d’Ellecomporte son lot de mises en garde contre les gourous et autres charlatans (« Comment éviter charlatans et gourous ? »), ceux qui ne peuvent prétendre à une légitimité et qu’il est possible de reconnaître en huit points. Pour autant, il indique que ces médecines ont le vent en poupe, certaines étant même utilisées dans des hôpitaux (auriculothérapie, hypnose, homéopathie, acupuncture, ostéopathie) et donc remboursées par l’Assurance-Maladie. Par ailleurs, on peut voir fleurir, ici 3 et là, des complémentaires santés qui remboursent certains soins parallèles . Pour comprendre de quelle manière certaines médecines dites parallèles ont acquis une reconnaissance sociale, il est nécessaire de porter un regard socio-historique sur ces pratiques de santé. Ainsi, on peut se rendre compte qu’elles existent depuis la nuit des temps. Au Moyen-Âge, les moines, ceux qui dispensaient des soins dans les Hôtels-Dieu (ancêtre de l’hôpital), avaient une 4 e pharmacopée essentiellement basée sur des plantes . Au XIX siècle encore, le 5 médecin laissait femme et enfant consulter le rebouteux . Le changement intervient avec l’institutionnalisation de la médecine. Ce processus se déploie au e cours du XIX siècle et se traduit par la médicalisation des populations, la professionnalisation des médecins et la laïcisation de l’hôpital. Progressivement, la médecine, celle pratiquée par les médecins diplômés de la faculté de médecine, va devenir une pratique dominante au sein de la société française. Les autres pratiques thérapeutiques devenant moins légitimes.
1 « Vivre mieux se soigner autrement. Notre guide des médecines alternatives »,Elle, 20 mars 2006, n° 3142, pp. 147-156.2 E. Patriarca, « Sauvé par le qi gong ? Antistress. Cette gymnastique chinoise ancestrale est de plus en plus utilisée en milieu hospitalier », 3/06/2010, article électronique : <http://www.liberation.fr/vous/0101639137-sauves-par-le-qi-gong>, consulté en juin 2010.3 Par exemple, la Caisse Médicale et Chirurgicale de l’Oise (CCOM) propose à ses adhérents souscripteurs de les rembourser de « produits » de médecines douces. Voir site Internet : <http://www.medecines-douces.ccmo.fr/>, consulté en juin 2010.4 e M. Moulat, « Les premiers hôpitaux (VI-XI siècles) »,Histoire des hôpitaux en France, J. Imbert (dir.), Toulouse, Privat, 1982, pp. 15-32.5e J. Léonard,siècleLa vie quotidienne du médecin de province au XIX , Paris, Hachette, 1977, p. 63.
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Pour rendre compte de ces différents aspects, on a eu recours à la notion de 1 champ , laquelle permet de saisir les luttes de pouvoir qui le traversent. On observe donc des rapports de domination s’exercer au sein du « champ des soins 2 de santé » . À partir de plusieurs cas de figure (homéopathie, acupuncture, chiropraxie, ostéopathie, psychothérapie), on va chercher à déceler les logiques qui conduisent à légitimer ou délégitimer certaines pratiques thérapeutiques. Cet ouvrage n’a cependant pas vocation à retracer l’histoire des médecines parallèles. Il vise à appréhender, et c’est l’objet de lapremière partie, la manière dont s’est construit ce champ des soins de santé, et ce afin de comprendre ce qui fait qu’on est amené à parler de « médecines parallèles ». Il se donne également pour objectif de repérer les éléments qui fondent et justifient le recours à ce type de pratiques. L’approche socio-historique sera l’occasion de poser des hypothèses de travail tandis qu’une étude de terrain viendra les valider. S’intéresser aux liens entremédecines parallèles et cancer présente de multiples intérêts dont celui de revenir sur certaines idées reçues. La principale d’entre elles consiste à penser ou écrire que c’est la pathologie elle-même (le cancer) qui contribuerait à forger ces liens, notamment en raison de son caractère létal. Dans cette perspective, le malade aurait recours à ces médecines en désespoir de cause. C’est oublier qu’au moment où la cancérologie apparaît durant l’entre-deux-guerres, elle délaisse une grande partie des malades, ceux qu’elle appelait les « incurables ». Durant cette période, quand une personne était touchée par un cancer, elle était soit « indigente » et/ou « curable » et alors prise en charge dans un service spécialisé (hôpital ou centre de lutte contre le 3 cancer) , soit « incurable » – la très grande majorité des malades – et laissée à l’abandon sauf si elle avait la chance d’être prise en charge par une institution 4 charitable . Le recours à d’autres thérapeutes, ceux qualifiés de « charlatans »,
1 Le champ fait référence aux théories de Pierre Bourdieu. Il désigne un espace dans lequel se jouent des intérêts et une lutte pour le pouvoir entre différents acteurs sociaux. Le problème d'une définition préalable d'un champ, souligne P. Bourdieu, c'est qu'il est le lieu où se joue justement une lutte pour sa définition, c'est à dire de la délimitation de la compétence des uns et des autres, P. Bourdieu « Champ religieux dans le champ de manipulation symbolique »,Histoire et société. Les nouveaux clercs. Prêtres, pasteurs et spécialistes de la santé, Labor et Fides, Genève, 1985, n° 6, pp. 255-261.2 Notion utilisée par l’anthropologue O. Schmitz, « Des fleurs pour soigner les affects. L’usage des remèdes du Dr Bach par les guérisseurs syncrétiques »,Panser le monde, penser les médecines, Paris, Karthala, 2005, pp. 307-320.3 Jusqu’en 1941 l’hôpital sera réservé aux indigents.4 P. Pinell, « Fléau moderne et médecine d’avenir. La cancérologie française dans l’entre-deux-guerres »,Actes de la recherche en sciences sociales, 1987, vol. 68, n° 1, pp. 45-76.
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