Battre la campagne
295 pages
Français
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Description

La politique dans les espaces ruraux est un objet de recherche relativement délaissé, alors que ces espaces regroupent l'immense majorité des communes. A travers une pluralité d'approches (politiques, géographiques, sociologiques) sont examinées les spécificités du pouvoir municipal à l'échelle du village et les évolutions en matière de gestion publique à l'œuvre dans les zones rurales.

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Date de parution 01 novembre 2010
Nombre de lectures 113
EAN13 9782296264656
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

BATTRE LA CAMPAGNE
Sous la direction de Sylvain BaroneetAuréliaTroupel
BATTRE LA CAMPAGNE
Elections et pouvoir municipal en milieurural
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INTRODUCTION: LA POLITIQUE DANS LES ESPACES RURAUXENJEUX DE RECHERCHE ET NOUVEAUX DEVELOPPEMENTSSylvain Barone Le présent ouvrage est issu d’une journée d’étude consacrée 1 aux élections municipales en milieu rural. L’idée d’organiser cette manifestation est née d’un constat: celui du contraste saisissant existant entre l’importance concrète de cet objet et le peu de travaux disponibles le concernant. Les élections municipales en milieu rural concernent en effet l’immense majorité des communes (près de 9 sur 10 si l’on retient la classification de l’INSEE) et une partie importante de l’électorat. Elles permettent la désignation de l’essentiel des 500000 conseillers municipaux de France, dont l’influence sur les processus décisionnels est assez unique dans les démocraties occidentales (Bussi, 2007). Mais considérées comme d’intérêt secondaire, notamment par rapport aux élections dans les grandes villes (Gaxie, Lehingue, 1984), noyées dans les grandes enquêtes électorales, elles n’ont pas donné lieu à d’importants efforts de recherche. Cet ouvrage ne se focalise pas uniquement sur les élections municipales, mais s’intéresse plus 1  « Battre campagne. Les élections municipales en milieu rural », Montpellier, 11 avril 2008 (journée d’étude organisée par le CEPEL). Parmi les contributions réunies, deux (celle de Sébastien Vignon et celle de Thibault Marmont et Sébastien Ségas) sont issues de communications présentées dans le cadre dela journée d’étude organisée par SPIRIT sur le thème « Elu rural : Un métier politique comme un autre ? », qui s’est tenue à Bordeaux le 7 avril 2008.
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largement aux élections et au pouvoir municipal en milieu rural. Regroupant une majorité de politistes ainsi que des géographes et des sociologues, il revient sur des problématiques peu ou anciennement traitées et apporte de nouveaux éclaircissements. Les contributions réunies soulèvent des questions et avancent des éléments de réflexion sur les manières de travailler, aujourd’hui, sur les phénomènes politiques dans les espaces ruraux. Elles proposent par ailleurs des analyses empiriquement étayées de ces phénomènes, éclairant ainsi un pan mal connu des manières de penser et de faire la politique. Ces deux aspects seront abordés successivement dans cette introduction.
TRAVAILLER SUR LA POLITIQUE DANS LES ZONES RURALESTravailler sur les élections et le pouvoir municipal en milieu rural soulève à la fois des enjeux de définition, des enjeux de connaissances et des enjeux méthodologiques.
Vous avez dit « rural » ? L’objet de cet ouvrage n’est pas le rural en tant que tel, mais l’analyse de phénomènes politiques dans les espaces ruraux. Comme l’affirmait Clifford Geertz au sujet des anthropologues, les auteurs «n’étudient pas les villages, ils étudient dans les villages » (1973 : 22). Si le rural constitue le cadrebeaucoup plus que l’objet –de la réflexion, la question de sa définition n’en reste pas moins fondamentale. Ce terme est loin, en effet, de renvoyer à une évidence. Dans les études sur la politique dans les espaces ruraux, celui-ci a longtemps rimé avec « agricole ». Cette analogie apparaît de moins en moins adaptée, même si l’espace rural reste très marqué, notamment physiquement, par l’agriculture. En 1999, les agriculteurs représentaient 8,6% des actifs de l’espace à dominante rurale, alors que, à titre de comparaison, la proportion d’ouvriers s’élevait à 34,7% (Mischi, Renahy, 2008).Le rural ne peut donc plus se définir par l’activité agricole. Comment, alors, le caractériser ? Plusieurs solutions ont été
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retenues. La première consiste à retenir un critère démographique. Pourraient être considérées comme rurales les petites communes, par exemple celles de moins de 3 500 habitants (Boussard, 1992) ou celles de moins de 2 000 habitants (Fauvet, 1958 ; Nevers, 1 1992b). C’est le choix, par exemple, deSébastienVignon. Ce procédé est commode et bien adapté à l’étude de certains dispositifs, comme le mode de scrutin (Barone, Troupel, 2008). L’association faite entre la faible importance démographique des communes et leur caractère rural n’a cependant rien d’évident: toutes les communes rurales ne sont pas peu peuplées et toutes les communes peu peuplées ne renvoient pas nécessairement aux canons de la ruralité. Se pose également le problème du seuil retenu, nécessairement arbitraire. Une autre manière de procéder consiste à définir le rural et l’urbain de manière relationnelle. C’est ce que fontJoël Gombin et Pierre Mayance. Dans ce cas, le rural ne se voit attribuer aucun caractère substantiel particulier. A l’inverse, certains ont vu dans des phénomènes sociaux comme l’interconnaissance des traits caractéristiques du rural (Mischi, Renahy, 2008). Cela est le cas de FabriceRipolletRivière Jean , ainsi que deThibault Marmontimplicitement. Pour ces auteurs, l’interconnaissance n’est pas une spécificité fondamentale des espaces ruraux (celle-ci peut également s’observer dans des quartiers urbains, par exemple), mais elle acquiert ici une importance et des formes particulières. Enfin, comme le suggèreAnne Jadot, le rural peut être appréhendé de manière plus subjective, comme renvoyant à un imaginaire, à une certaine façon de (se) vivre individuellement et collectivement. Ces différentes conceptions n’empêchent pas les auteurs de converger sur de nombreux points. Le caractère hétérogène des espaces ruraux ne fait guère débat. Il est vrai qu’il existe a priori peu de points communs, géographiquement, socialement et économiquement, entre l’arrière-pays viticole languedocien, la plaine de la Beauce, les forêts vosgiennes et les grands causses lozériens. En outre, les contributions convergent sur le caractère évolutif du monde rural, entre « fin des paysans » (Mendras, 1967), tendance à la concentration de l’activité agricole, prolétarisation 1 Lorsque le nom d’un auteur apparaît en italique, il renvoie au chapitre que ce dernier a rédigé dans cet ouvrage.
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(Mischi, Renahy, 2008), développement des mobilités pendulaires en direction des villes (Allemand, Ascher, Lévy, 2004), etc. L’espace rural n’est plus uniquement un moyen de production, il est aussi un lieu de récréation (Chamboredon, 1980). Aux campagnes du « produire» ont succédé celles de l’« habiter » (on peut vivre dans l’espace rural sans vivre de l’espace rural) et les campagnes « globalisées » (où se localisent des controverses environnementales, des politiques européennes et des évolutions économiques mondiales) (Mormont, 2009). Les contributions réunies dans cet ouvrage s’accordent également à ne pas faire du rural une catégorie trop rigide et insistent sur l’importance de le saisir « en interaction ». Cet aspect incite certains auteurs, comme Fabrice Ripoll etJean Rivière,Anne Jadot, etSébastien Vignon à 1 relativiser la limite entre rural et périurbain . Il existe des espaces périurbains ruraux et des villages « banlieues-dortoirs » l’interconnaissance est loin d’être toujours de mise. De plus, certains phénomènes politiques en zones périurbaines sont finalement plus proches de ce qui est observé en zone rurale qu’en milieu urbain. C’est le sens de la contribution deFabriceRipoll et JeanRivière. Il n’existe donc pas de définition simple et univoque du rural. Si l’on observe d’importantes convergences entre les contributions, ce terme reste largement construit en fonction de l’objet abordé, des données disponibles et des méthodologies utilisées.
Un objet de recherche relativement délaissé Les élections et le pouvoir municipal en milieu rural ont été traités sous plusieurs angles. Les « études rurales » ont constitué une véritable sous-discipline à partir des années 1950 autour 1 L’élaboration du zonage en aires urbaines a conduit l’INSEE à ajouter aux notions d’urbain et de rural au sens strict les notions d’espace à dominante urbaineet d’espace à dominante rurale. Il est intéressant de noter que l’espace à dominante urbaine contient plus de 13 000 communes rurales (7,7 millions d’habitants) et que l’espace à dominante rurale contient près de 1 400 communes urbaines (3,9 millions d’habitants) –au sens de l’INSEE.
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d’Henri Mendraset du Groupe de sociologie rurale du CNRS. Ce courant de recherche s’est toutefois relativement peu intéressé à la question des élections et du pouvoir municipal en milieu rural. Le tome 4 de l’Histoire de la France rurale(Gervais, Jollivet, Tavernier, 1977), qui revient sur l’évolution du monde rural de 1914 aux années 1970, est silencieux à ce sujet. En revanche, dans cet ouvrage et dans d’autres, les ruralistes ont abordé, en collaboration avec des politistes issus en majorité à l’Institut d’études politiques de Paris, la question des rapports au politique et du vote des agriculteurs (Fauvet, Mendras, 1958 ; Mendras, Tavernier, 1969-1970 ; Tavernier, Gervais, Servolin, 1972 ; Coulombet al;., 1990 1 Hervieu, 1992a). L’apport de ces travaux est cependant doublement limité au regard de notre objet dans la mesure où, d’une part, ils se sont globalement peu penchés sur la politique à l’échelle municipale, et où, d’autre part, le rural ne peut (et de 2 moins en moins) être ramené à la seule dimension agricole . Les monographies de village, nombreuses à paraître dans les années 1950-60 (Bernot, Blancard, 1995 [1953] ; Wylie, 1979 [1957] ; Wylie, 1970 [1966] ; Morin, 1967), offrent une perspective différente. Ces travaux sont intéressants par la richesse de leurs observations empiriques, y compris concernant la vie politique (constitution des listes municipales, organisation du vote, rapports avec le député local, liens entre relations interpersonnelles et vie politique municipale…). Ils donnent accès à une histoire vivante, incarnée, « au ras du sol » (Revel, 1989), qui renseigne sur autre 3 chose que l’entité villageoise. Chaque cas ouvre, à sa manière, sur 1  Ces publications ne sont pas toutes de même nature. Elles oscillent entre analyse du « problème agraire » dans un contexte de modernisation et sociologie politique du monde agricole. Dans la lignée de ces ouvrages a récemment paru un volume consacré aux « mondes agricoles en politiques », où sont notamment analysées les mobilisations politiques et professionnelles des agriculteurs, ainsi que l’évolution des politiques publiques agricoles (Hervieuet al., 2010). 2  Nous verrons toutefois que certains auteurs ayant participé à ces ouvrages (comme Isabel Boussard, Bertrand Hervieu et Jean-Yves Nevers) se sont démarqués de cette tendance générale. 3  La monographie consacrée à Roussillon, dans le Vaucluse (Wylie, 1979), offre par exemple un regard sur le Poujadisme et le système des apparentements. Celle sur Chanzeaux (Wylie, 1970), dans le Maine-et-Loire, évoque le rôle de l’école dans la reproduction des attitudes
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la « grande Histoire » (Levi, 1989). Les méthodologies mises en œuvre (micro-observations, notamment) sont innovantes pour ce type d’objet. L’ouvrage consacré à «Nouville» constitue d’ailleurs l’une des premières recherches ethnographiques consacrées à un terrain français. Ces monographies présentent toutefois certaines limites. La tendance à présenter le village comme une entité isolée, une « totalité », une communauté homogène sur laquelle s’exerceraient des influencesextérieures a été critiquée (Champagne, 1975 ; Chamboredon, 1980). Il est vrai que ces travaux sous-estiment la dimension relationnelle et l’imbrication de l’espace villageois dans d’autres espaces («de vie », au sens de la géographie sociale, ou institutionnels) (Briquet, Sawicki, 1989). En même temps, ces monographies font souvent peu de place à l’échelle municipale des jeux et des enjeux de pouvoir (cela est notamment le cas de Morin, 1967) voire à la politique en général (cf. Bernot, Blancard, 1995). Il arrive qu’elles véhiculent l’idée d’un vote de soumission, dont Christine Guionnet (1997a) rappelle qu’il résulte moins de pressions matérielles et morales que du fait que les individus adhèrent à une structuration hiérarchisée de l’ordre social d’inspiration traditionnelle (cela est en particulier le 1 cas de Wylie, 1970) .
conservatrices qui caractérisent le village. L’enquête sur «Plodémet » (Morin, 1967) vise à traquer la modernité et la manière dont elle recompose ce bourg du Sud-Finistère. 1 La tentation est également présente dans ces monographies de vouloir enquêter sur un village français « normal », « représentatif» d’une région ou de la France entière (cf. la préface à la première édition de Wylie, 1979). Dans la préface à la version rééditée deNouville, Claude Lévi-Strauss revient sur les raisons qui ont conduit Lucien Febvre à choisir ce village de la vallée de la Bresle. Il s’agissait d’un «village frontière » mettant en contact un genre de vie rural et un genre de vie ouvrier. Il s’agissait également d’une commune que connaissait bien un collaborateur de L. Febvre. Enfin, ce n’était pas un village de Provence, espace considéré comme trop « typé ». Ce dernier argument, qui sous-entend que la Normandie et la Picardie seraient moins « typées » que la Provence, paraît pour le moins curieux. A l’inverse, Morin (1967) met en avant le caractère singulier de « Plodémet», qui n’est «pas une commune ‘moyenne’, une mini-Middle-Town, une micro-French-City […] où prendrait corps l’image statistique d’une moyenne nationale et d’un Français moyen » (p. 13).
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