Corps et décors urbains
157 pages
Français

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Corps et décors urbains , livre ebook

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Description

La culture est pour les villes un moyen de promouvoir leur image de marque. Les constructions architecturales, les oeuvres d'art dans les rues, les festivals, les fêtes sporadiques, les lieux culturels eux-mêmes, tout concourt à mettre la ville dans une perspective d'animation culturelle qui semble lui octroyer son certificat de garantie d'être une "vraie" ville. Cette attraction permanente laisse croire que chacun est en mesure de s'approprier sa ville et que le lien social ainsi promu permet de retrouver un sentiment partagé de communauté.

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Date de parution 01 juin 2006
Nombre de lectures 217
EAN13 9782336280189
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

www.librairieharmattan.com Harmattan1@wanadoo.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr
©- L’HARMATTAN, 2006
9782296009066
EAN : 9782296009066
Corps et décors urbains
Les enjeux culturels des villes

Paola Berenstein-Jacques
Henri-Pierre Jeudy
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Introduction I — Métamorphoses de l’urbain
Réparer : une nouvelle idéologie culturelle et politique ? L’urbain en mouvement L’accumulation primitive de capital symbolique : étude inspirée de Rio de Janeiro
II — Territoires culturels : ruses et interventions
Ville et cultures Territoires Culturels de Rio Projets urbains culturels dans la Ville de Rio de Janeiro : expériences récentes dans les régions de Lapa et de la place Tiradentes Ruses urbaines comme savoir
III - Corps et images urbaines
Errances urbaines : l’art de faire l’expérience de la ville - Autres chemins contre la spectacularisation urbaine Perceptions corporelles du monde urbain Vitrines et miroirs urbains : communication visuelle et expérience de la réflexivité Panorama des images urbaines. Les villes utopiques créées par le cinéma.
Introduction
Henri-Pierre Jeudy
Paola Berenstein Jacques

La ville est-elle un ensemble de décors offerts aux corps qui s’y meuvent ? Une telle question suppose que la ville continue d’être prise pour un théâtre, elle ne rompt guère avec une tradition de pensée qui conduit à la conception désormais bien établie d’une « société du spectacle » dont l’espace urbain serait le réceptacle le plus approprié. Mais qui dit corps, qui dit décor, dit aussi désaccord. Corps ou décor se confrontent à l’incongruité qui surgit, surtout au moment où on ne l’attend pas. Il ne s’agit pas de l’effondrement du décor, ni à proprement parler de la chute des corps, mais plutôt de cette inconvenance des sens qui nous agite dans les rues quand notre regard semble bien nous dire qu’il n’attend plus rien. Il s’agit plutôt du corps qui, entrant dans le décor, perd l’orientation possible de son regard. Sensation somme toute assez fréquente, à laquelle nous ne prêtons qu’une attention relative par crainte d’en tirer des conclusions disharmoniques.
On entend parler des métamorphoses des villes... Il est indéniable qu’une ville est destinée à changer, quoique, d’une certaine façon, comme un corps, elle puisse rester elle-même. Mais ces métamorphoses sont-elles données au regard du citadin comme des changements de décor ? Rien n’est moins sûr. Les villes qui font l’objet d’une conservation patrimoniale plus ou moins systématique ne subissent guère de bouleversement, leur décor monumental est là pour durer. Il faut alors considérer que les transformations de l’espace urbain ne se livrent pas toujours au regard, qu’elles se révèlent à travers des rapports sociaux, politiques, économiques. Et les mégapoles elles-mêmes, bien que leur mutation dépende de décisions, de stratégies, semblent avoir une finalité qui leur est propre, une finalité insaisissable, celle qui apparaîtrait en quelque sorte dans leur auto-métamorphose.
Notre société a du mal à accepter le vieillissement de nos corps physiques, chaque jour une nouvelle technique d’anti-vieillissement apparaît, crème, lifting ou chirurgie plastique... La restauration patrimoniale des villes ressemble, elle aussi, à un lifting . Ce vieillissement, aussi bien pour les corps humains que pour le corps urbain, est une transformation naturelle qui accompagne la genèse des mouvements corporels et de la ville comme métaphore de la vie urbaine. Les décors reconstitués qui font le cadrage de l’espace urbain finissent par abolir cette dynamique du temps, par figer la mémoire et la perception des citadins, et par donner l’impression aux touristes de se retrouver dans l’éternité d’une carte postale. L’art et l’architecture, l’architecture paysagère également, sont requis pour opérer des changements de décor, des changements d’image d’une ville, en répondant à des stratégies politiques et culturelles qui deviennent de plus en plus du marketing, avec des logos et des labels.
La culture est pour les villes un moyen de promouvoir leur image de marque. Les constructions architecturales, les œuvres d’art dans les rues, les festivals, les fêtes sporadiques, les lieux culturels eux-mêmes, tout concourt à mettre la ville dans une perspective d’animation culturelle, qui semble lui octroyer son certificat de garantie d’être une « vraie » ville. Cette attraction permanente, aux modalités les plus variées possibles, laisse croire que chacun est en mesure de s’approprier sa ville et que le lien social ainsi promu permet de retrouver un sentiment partagé de communauté. L’idéalisation de la ville comme territoire d’une exhibition culturelle voudrait dépasser les limites de la « société du spectacle » en créant la fiction simulatrice d’une utopie.
Or, l’utopie des architectes modernes était animée par l’idée que l’architecture pourrait changer la société. Le Corbusier disait : « Architecture ou révolution, nous pouvons éviter la révolution ! » Les critiques les plus radicaux, comme les situationnistes, pensaient le contraire : l’architecture, et surtout l’urbanisme, doivent servir de supports à la révolution de la société... Aujourd’hui l’architecture ne tente ni d’éviter ni de provoquer la révolution, ce genre d’objectif n’est plus à l’ordre du jour ; l’architecture et l’urbanisme doivent désormais créer des images, être au service du marketing politique. Les villes, dans le contexte d’un marché mondialisé, rendu surtout comme tel par le tourisme, sont devenues des images spectaculaires, des outdoors, des images sans corps, des espaces désincarnés, de simples décors. Reste à savoir si les passants, les touristes, les habitants, au gré de leurs manières différentes de percevoir et d’appréhender les villes, découvriront d’autres sensations corporelles et intellectuelles dans l’excès de cette reproduction décorative de l’espace urbain.
Les interventions contemporaines sur des territoires culturels, celles qui sont planifiées (au contraire des ruses et appropriations inattendues de l’espace urbain), semblent de plus en plus être dénuées de corporéité ou de chair. Elles obéissent à un rythme de production de l’exhibitionnisme culturel promu par les villes. Comment se transforment alors les rapports entre urbanisme et corps, entre image et corps, et entre le corps urbain et le corps du citoyen ? L’expérience corporelle de la ville est à l’opposé même de l’image urbaine figée par un logotype publicitaire, car une expérience corporelle singulière ne se laisserait pas réduire à une simple image de marque. Cette expérience de la ville faite par le citadin lui donne un corps, parfois imaginaire, un autre corps « urbain » qui joue de manière énigmatique avec la surabondance des décors.
I — Métamorphoses de l’urbain
Réparer : une nouvelle idéologie culturelle et politique ?
Henri-Pierre Jeudy

L’art, l’architecture et le paysage sont appelés à traiter des territoires plus ou moins sinistrés, des bâtiments plus ou moins dégradés ou en ruines, d’autres en instance de destruction... Des friches industrielles, portuaires ou autres, aux espaces abandonnés, aux territoires contaminés (Tchernobyl), l’enjeu semble toujours être le même : inventer des projets et créer des réalisations dont le rôle devra être « réparateur ». Il y a déjà un certain temps, les écomusées étaient destinés à exercer une fonction « thérapeutique » dans des bassins d’emploi bouleversés par des restructurations économiques. Ainsi l’art et le paysage – plus que l’architecture elle-même - sont amenés à prendre en charge, pour les métamorphoser, bien des représentations communes du risque, de la catastrophe, ou, d’une manière plus générale, des effets les plus perturbateurs de la société. S’agit-il d’une vocation de pacification territoriale et urbaine dont le sens dominant serait la « réparation » ?
Dans une ville, une œuvre fait habituellement lien parce qu’elle s’inscrit dans l’histoire d’un lieu qu’elle est susceptible de modifier tout en la respectant. Cependant, si l’œuvre entre dans une trame narrative complexe, elle fait « histoire »

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