Julie bon pain
214 pages
Français

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Description

Belle et volontaire, Julie porte sur ses épaules l'avenir de la ferme tout en élevant ses trois enfants depuis que son mari Rémi est resté paralysé suite à un accident. Au village, elle rencontre Florent, tout juste de retour de la guerre et en quête de travail, et l'emploie rapidement à l'année.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 33
EAN13 9782812915925
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Pour son propre plaisir,Albert Duclozécrit depuis l'enfance romans, poésies, contes et nouvelles. Pourtant, après une carrière de directeur d'établissement de soins, ce n'est qu'en 2002 qu'il publie son premier roman,Citadelles d'orgueil.En 2007, il obtient le prix Claude Favre de Vaugelas pour Les Amants de juin.bon pain Julie est son quatrième roman aux éditions De Borée.
Julie bon pain
Le Violon d'or Les Jacinthes sauvages Une étrange récolte
Du même auteur
Aux éditions De Borée
Autre éditeur
Citadelles d'orgueil La Métamorphose de la cigale La Vengeance du marais Le Piège à loup Les Amants de juin, prix Claude Favre de Vaugelas 2007 Les Dames blanches Les Enfants des étoiles Les Larmes de Chanteuges Les Mystères d'Anaïs Lettres d'Algérie à mes parents Pas à pas dans la neige
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
©
, 2014
ALBERTDUCLOZ
JULIEBON PAIN
à Marie-Christine, boulangère à Saint-Geneys.
Première partie
L'ALSACIEN
I
L'Accident
'ETAIT UNE FIN DE JOURNEE d'août, très calme mais chaude, où l'on ne C percevait qu'une brise légère balançant l'extrême c ime des arbres. Le site s'offrait magnifique. Un ruisseau descendait mollem ent entre deux collines boisées pour dessiner une grande boucle. Le soleil, qui commençait à se coucher, mettait du rose dans le ciel. Les poils éb ouriffés des deux bœufs limousins luisaient et poudroyaient au soleil. Ses rayons encore dorés accrochaient leurs frisures bouclées, en embrasaien t les couleurs rousses. Un promeneur peu averti aurait pu confondre leurs robe s avec celles des salers. Pourtant, le champ qu'ils labouraient s'étalait en Velay volcanique, près de Saint-Paulien, première capitale vellave avant même Le Pu y, là où les sols rougeâtres donnent un si bon blé, tendre à point pour le pain. Au garrot, Ulysse et Achille dépassaient le mètre quatre-vingts, faisaient la fi erté de Julie leur maîtresse qui les avait aidés à naître. Ça n'avait pas été une pe tite affaire. La Bardette et la Sultane, les deux mères, avaient démarré leur vêlag e presque en même temps. Pour chacune, le travail s'avérait difficile. Rémi, son mari, ne pouvait lui porter aide : depuis un an déjà, il ne marchait plus, demeurait cloué dans son fauteuil roulant par une chute toute bête, comme tous les accidents. Ce jour-là, l'après-midi s'étei gnait lentement et le soir tombait. L'homme revenait à la ferme après avoir toute la jo urnée labouré la terre de Fonternau avec le Gamin, un magnifique comtois de r obe fauve et de blonde crinière. Debout dans le tombereau où, sa journée t erminée, il hissait sa charrue, Rémi tenait à peine les rênes ; le Gamin connaissai t le chemin. Brusquement, sans que rien pût le laisser prévoir, le cheval s'e mballa, versa dans sa course effrénée le tombereau sur le flanc d'une ravine. Éj ecté, le pauvre homme heurta du dos une pierre pour rebondir inerte à la surface de la mare où des libellules moirées se doraient sur les joncs. Dans son emballe ment, le Gamin tirait si vite et si fort que d'un coup de collier il redressa le tombereau et poursuivit sa course jusqu'à la ferme où enfin il s'arrêta. Larou, le ch ien de garde, bondit ; puis, gémissant, flaira le Gamin. Julie, absorbée avec Gu illaume, Vincent et Martine, leurs trois enfants, à effiler sur la table de la g rand-pièce une montagne de haricots verts tout frais cueillis et destinés à se s conserves, ne prit pas conscience de suite du vacarme des roues sur le sol empierré. Lorsque tous les quatre saisirent enfin ce bruit, i ls sortirent aussitôt. Le Gamin ne courait plus, s'apaisait. Julie s'en approcha, p orta la main droite au licol et le tint bien serré. De la main gauche, pour achever de le calmer, elle entreprit aussitôt de caresser l'encolure du comtois. Sur l'é paule, entre la robe et le collier, elle perçut sous ses doigts une boule d'où suintait quelque chose de liquide et de chaud ; ramenant son pouce plus à portée de son regard, elle le découvrit mouillé de rouge. Une large goutte de sang s'y coll ait, carmin et bien épais, que Larou entreprit de flairer. Julie réalisa aussitôt : « Saleté de bestiole ! Un frelon ! » Placée où elle se trouvait, la pression et le fro ttement du collier avivaient la douleur de la piqûre la rendant insupportable. En c et été 1953, énormes et agressives, ces bestioles sévissaient partout. Fin août, au moment des labours
qui précédaient l'automne, les grosses guêpes pullu laient, s'en prenaient aussi bien aux bêtes qu'aux humains ; ce n'était ni la pr emière fois, ni malheureusement la dernière, qu'un cheval s'emballa it sous l'effet de ces piqûres car leurs dards s'enfonçaient profond dans le cuir avec d'atroces douleurs. L'aîné des trois enfants, Guillaume, allait sur ses douze ans. Son père, déjà, lui avait beaucoup appris des nécessités de la ferm e. En octobre, il entrerait en sixième et pour son âge se montrait dégourdi. Déte lle le cheval, ôte-lui son harnais et puis mets-le au pré, lui dit sa mère. Dè s que tu en auras terminé, cours chercher Benoît, notre voisin : demande-lui d e me rejoindre sur le chemin de Fonternau où labourait ton père. Vincent et Mart ine, courez vite chez votre mamie Mélanie. Expliquez-lui que je suis partie à l a recherche du papa. Si je ne suis pas rentrée pour le dîner, restez manger chez elle. Sans ajouter un mot, redoutant le pire, Julie enfourcha sa bicyclette. L 'instant d'après, jupe remontée sur les cuisses, elle pédalait de toutes ses forces sur le chemin blanc que forcément suivait Rémi pour revenir chez eux ; il n 'en existait pas d'autre. – Madame, Benoît est-il là ? - Non, il n'est pas encore rentré. Comme ton père, il laboure. Mais pour le compte d'un autre, hélas ! Tu as besoin de lui ? - C'est maman qui m'envoie. Le Gamin est rentré tou t seul. Il aurait été piqué par un frelon. - Un frelon ? Mon Dieu ! Ta maman a besoin de Benoî t pour ramener ton père ? - Maman ne m'a rien expliqué, mais elle doit craind re un accident. 1 - Beauseigne ! Écoute, tu connais le grand champ sur le chemin de Roche-Arnaud ? - Oui. Benoît y laboure pour son propriétaire. Cours vite ! Il s'y trouve. Guillaume prend son élan, disparaît presque aussitô t. Laurence, la femme de Benoît, demeure quant à elle immobile et songeuse ; son visage, à l'image de son corps, s'est empâté au fil des années. Ses yeux bleus délavés ne l'éclairent même pas. Lorsqu'elle était enfant, sa mère l'a surprise un j our à mordre une autre gamine. Si elle n'était pas intervenue, sa fille l'aurait mordue jusqu'au sang. - Mais tu es pire qu'une louve ! Ce mot, depuis, se transforma en surnom, lui colla à la peau. Tous, désormais, l'appelèrent ainsi tant elle le portait bien. À vingt-cinq ans passés, sans enfants, elle se lais se aller. Aux propos de Guillaume, ses traits se durcissent. Une fois seule , elle ne peut s'empêcher de parler haut : - Le cheval se sera emballé et aura versé Rémi ; s' il ne peut plus travailler, la belle Julie va désormais mesurer la gêne pour une f emme de vivre avec un homme à charge ! Il est vrai que Benoît n'a pas, comme il se dit, in venté la poudre. Chaque jour, sa femme doit s'assurer que l'ouvrage est accompli. Les gens, à Saint-Geneys, se demandent ce qui chez lui a attiré cette femme. À trente-trois ans, Julie, en revanche, solide comm e le pays vellave, demeure une belle femme brune aux yeux noirs intenses, mais que la vie n'a pas épargnée. Le couple, cependant, possède deux grande s terres à blé. Celle où
labourait son mari, l'une des meilleures du pays, n 'est pas si éloignée. À forcer sur les pédales, la belle paysanne s'en approche bi en vite. Avec Rémi, son mariage fut d'amour, mais lui n'apportait rien. La ferme, vaste et solide bâtisse, demeurait la propriété de Mélanie, sa mère ; le jeu ne marié, enfant de l'Assistance, ne possédait certes que ses maigres é conomies, mais ses bras étaient solides. L'exploitation fait largement vivr e la famille, à la condition de ne pas se croiser les pouces, de jouir d'une santé san s faille et d'une vie sans accident. De plus, Mélanie conserve par-devers elle un beau magot ; Julie seule le sait. Au détour du virage avant le champ, la jeune femme aperçoit la mare au fond de la ravine d'où émerge à peine le visage de Rémi. Elle observe des traces de roues et de moyeux ; le talus en demeure labouré. J ulie s'explique aussitôt le versement du tombereau que le Gamin dans sa course furieuse a cependant redressé ; sans aucun doute, Rémi n'a pu s'accroche r aux rambardes pour éviter d'être éjecté. Julie l'imagine debout entre les mon tants, déséquilibré par la vitesse dans la courbe trop brusque. Le choc l'a je té et, après avoir rebondi sur une pierre, le pauvre s'est retrouvé dans la mare. Par la suite, Rémi confiera à Julie que, se raidissant sur les bras, il avait pu remonter suffisamment son corps pour maintenir son visage hors d'eau et ne pas se n oyer. En revanche, il ne sentait plus ni ses jambes ni même son bassin et le bas de son dos. Julie, sans prendre garde à rien, entre pieds nus d ans la mare, tient la tête de son mari soulevée, lui parle doucement et sans cess e. Il ne peut répondre. Sa bouche demeure grande ouverte, sa langue passe et repasse sur ses lèvres, ses bras se raidissent, mais aucun mot ne sort et, surt out, Rémi ne peut bouger ses jambes. De crainte qu'il ne prenne froid, rassembla nt toutes ses forces, sur l'herbe sèche du talus elle le tire par les épaules jusqu'à ce que le corps se retrouve totalement au sec. Ruisselants, trempés et boueux sont ses vêtements ! Julie les lui ôte pour mettre son corps à nu et pou voir l'essuyer ; il ne manquerait plus que le blessé prenne froid. En travers du dos, une longue ecchymose bleue striée de rouge accroche son regard ; la marque de la pierre. Pourvu que la colonne n'ait pas été brisée ! Julie appréhende alo rs la terrible réalité… En haut du chemin blanc, avant que sa pente ne rede scende vers la terre de Fonternau, les contours du cheval et du tombereau, confiés à Benoît par le propriétaire de la terre afin qu'il la laboure, se dessinent enfin. Le grand et puissant percheron avance au trot ; résonne jusqu'à Julie le martèlement sur le sol dur des énormes sabots. Dans le tombereau, Beno ît et Guillaume se tiennent debout, mains rivées aux ridelles. L'ombre de l'att elage s'allonge et se rapproche comme celle des bois et des arbres encore verts. En cette fin d'août, dans une heure il fera nuit. Paysanne jusqu'aux fibres, Juli e prend conscience que les huit vaches sont au pré, qu'il va falloir les rentrer po ur les traire. Désormais, pour cela et tout le reste, elle craint fort de se retrouver seule. Afin que le fils ne voie pas son père nu, Julie, comme elle le peut, lui remet s on pantalon seulement essoré, laissant le torse à l'air. Guillaume puis Benoît sautent à terre par l'arrière du tombereau. À la vue du corps allongé de son père, l'enfant se met à trembl er mais n'ose s'agenouiller à son côté. -Approche-toi et parle-lui. Ton père t'entend. À genoux, le fils ne sait que dire ; il sourit, mur mure seulement quelques onomatopées, dit enfin au blessé qu'il va guérir. B rusquement, sans pouvoir se
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