La grande grève
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Description

Charles MalatoLa grande grèveroman social1905*Première partie*Deuxième partie : La Puissance de l'or*Troisième partieLa grande grève : Partie ICharles MalatoLa grande grèveRoman social1905AnonymeLAGRANDE GRÈVEPREMIÈRE PARTIEIDANS LES BOISLe grand jour était venu. Dans les bois calmes et profonds courut soudain unfrémissement ; un coup de sifflet longuement prolongé déchira l’air et, à ce signal,comme en un brusque changement de décor, surgirent partout, de l’épaisseur desfourrés des groupes et des individus.Les rayons mourants du soleil, tamisés par le dôme de feuillage, éclairaient lerassemblement dans une large clairière, de plusieurs centaines d’hommes.C’étaient des mineurs, les esclaves de Chamot, roi des mines de Pranzy et deMersey.La veille au soir, Ronnot, délégué par ses camarades, était allé recevoir à la gareBaladier, orateur révolutionnaire à la voix ronflante, mais inféodé à la police qui luifaisait jouer, avec succès, les rôles d’agent provocateur.Ronnot, sur la recommandation de militants lyonnais trompés eux-mêmes, avaitinstallé chez lui Baladier.On est confiant dans le monde révolutionnaire depuis qu’en a disparu le vieuxconspirateur Blanqui. L’enthousiasme réel ou affecté, suffit trop souvent àrecommander un homme qui peut être un sincère comme aussi un écervelé ou untraître.De la meilleure foi du monde, les membres du groupe lyonnais La Solidaritésociale avaient donc décerné à Baladier le plus élogieux brevet ...

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Langue Français
Poids de l'ouvrage 15 Mo

Extrait

Charles Malato
La grande grève
roman social
1905
*Première partie
*Deuxième partie : La Puissance de l'or
*Troisième partie
La grande grève : Partie I
Charles Malato
La grande grève
Roman social
1905
Anonyme
LA
GRANDE GRÈVE
PREMIÈRE PARTIE
I
DANS LES BOIS
Le grand jour était venu. Dans les bois calmes et profonds courut soudain un
frémissement ; un coup de sifflet longuement prolongé déchira l’air et, à ce signal,
comme en un brusque changement de décor, surgirent partout, de l’épaisseur des
fourrés des groupes et des individus.
Les rayons mourants du soleil, tamisés par le dôme de feuillage, éclairaient le
rassemblement dans une large clairière, de plusieurs centaines d’hommes.
C’étaient des mineurs, les esclaves de Chamot, roi des mines de Pranzy et de
Mersey.
La veille au soir, Ronnot, délégué par ses camarades, était allé recevoir à la gare
Baladier, orateur révolutionnaire à la voix ronflante, mais inféodé à la police qui lui
faisait jouer, avec succès, les rôles d’agent provocateur.
Ronnot, sur la recommandation de militants lyonnais trompés eux-mêmes, avait
installé chez lui Baladier.
On est confiant dans le monde révolutionnaire depuis qu’en a disparu le vieux
conspirateur Blanqui. L’enthousiasme réel ou affecté, suffit trop souvent àrecommander un homme qui peut être un sincère comme aussi un écervelé ou un
traître.
De la meilleure foi du monde, les membres du groupe lyonnais La Solidarité
sociale avaient donc décerné à Baladier le plus élogieux brevet de
révolutionnarisme. Il parlait bien, écrivait de même et vivait de l'existence misérable
du prolétaire ; comment n'eût-il pas été au-dessus de tout soupçon ?
Arrivé à Mersey le samedi soir, le conférencier fut aussitôt présenté par son hôte à
Détras, Vilaud, Janteau, Panuel réunis chez Ronnot. Las de subir le joug du
capitalisme autocratique et du cléricalisme triomphant, ceux-ci rêvaient d'affranchir
les mineurs, de leur donner conscience de leur propre force et de leur valeur. Leur
idée première s'arrêtait à la création d'une société de secours mutuels et d'une
caisse de grève, permettant la lutte contre le patronat.
N'ayant pu trouver à Mersey-les-Mines une salle de réunion, car tous les
commerçants de la ville restaient sous la dépendance de Chamot et le redoutaient,
Détras, fils d'un ancien déporté de la Commune qui avait osé, malgré Chamot et le
curé de Mersey vouloir être enterré civilement et l'avait été au grand scandale de la
population asservie, Détras, disons-nous n'hésita pas à proposer à ses camarades
de se réunir dans les bois, sous le grand manteau du ciel étoilé.
Dès l'arrivée de l'orateur, il y eut un moment d'observation : Baladier, très
circonspect sous des allures rondes, étudiait le tempérament des mineurs, avant
d'affirmer le sien. Ce moment dura peu ; bien vite la cordialité apparente du
nouveau venu lui acquit les sympathies de ces hommes rudes et francs, incapables
de dissimuler longuement leurs sentiments.
— Celui-là c'est un bon ! affirma avec force Janteau lorsque, avec ses trois autres
camarades, il eut pris congé de Ronnot et de Baladier.
— Oui, fit Vilaud, on voit que c'est un véritable ami du peuple, un homme qui sait
beaucoup et qui, néanmoins, ne vous écrase pas de ses grandes analyses. J'aime
cela.
Albert Détras fit un signe d'approbation. Panuel ne dit rien. Celui-ci, un ouvrier
menuisier travaillant pour son compte, restait indépendant, et aussi méfiant par
caractère. Mais il avait le cœur loyal. Ancien ami du père Détras, il demeurait l'ami
du fils, tout autant.
Évidemment le conférencier ne lui avait pas produit mauvaise impression, mais il
fallait attendre son discours avant de le juger.
La matinée du lendemain fut employée par Baladier que guidait Ronnot à visiter
quelques mineurs, de ceux, lui disait son hôte, qui avaient des idées. Le mouchard
les laissait causer, accentuant d'un mot leurs revendications et leurs colères, notant
ceux qui lui paraissaient hommes à se laisser entraîner. Parfois il les interrogeait
sur les conditions du travail : l'aération des puits était-elle suffisante ? n'y avait-il pas
eu plusieurs coups de grisou au puits Saint-Jules depuis le commencement de
l'année ? Il lui semblait bien se rappeler que si. Mineurs et manœuvres
s'entendaient-ils bien ? C'était indispensable car, « voyez-vous, citoyens, la
solidarité seule assurera la victoire des exploités. » Et Chamot, ce misérable
vampire, se hasardait-il quelquefois à descendre dans la mine, au milieu de ses
victimes ? Pas souvent, n'est-ce pas ! Il redoute l'explosion de colères bien
légitimes. Mais viendra le jour du grand règlement de comptes !
Les mineurs flattés dans leurs espoirs et leurs rancunes d'opprimés, vidaient leur
cœur gonflé de souffrances. Ils se sentaient attirés vers ce propagandiste
s'intéressant aux détails de leur vie quotidienne et qui évoquait l'avènement des
temps meilleurs.
Baladier voulut jeter un coup d'œil sur les chantiers déserts, les magasins fermés et
les bureaux de la direction. Dans le repos de cette journée dominicale, nul être
vivant n'apparaissait.
— Où donc sont les chiens de garde du maître ? demanda-t-il.
— À la messe, répondit Ronnot. Ingénieurs, comptables, garde-magasins,
surveillants, contre-maîtres, tout ce qui commande ou s'élève au-dessus de nous
est forcé d'y aller sous peine de renvoi immédiat.
El il ajouta dans un gros rire :
— C'est tout juste si on ne nous force pas nous-mêmes à aller manger le bon Dieu.Baladier regarda l'église de Mersey dont la flèche s'élevait au-dessus des toits
rouges, dominant la ville.
— Il n'y a donc pas d'allumettes chimiques à Mersey ? demanda-t-il d'une voix
tremblante d'une indignation naturelle.
C'est qu'en ce moment, le mouchard était sincère. Comme les excellents artistes, il
s'était mis entièrement dans la peau de son personnage, sentant avec l'âme d'un
prolétaire écrasé et lançant au ciel un vrai cri de révolte.
Ronnot y fut trompé et répondit avec un soupir :
— Que voulez-vous ! Nous ne sommes pas les plus forts.
Au déjeuner, Baladier fut charmant et conquit les enthousiastes sympathies de
Mme Ronnot. Pour ne pas ajouter une charge à celle qui pesait sur le ménage —
cinq enfants ! — il avait expressément tenu à apporter sa part : une grande tarte et
deux bouteilles de bon vin. Et, comme le mineur protestait, il avait vaincu ses
résistances de cette phrase superbe :
— Chacun selon ses moyens : c'est la vraie formule du communisme, de l'égalité et
de la fraternité.
Après ce dessert, qui fit la joie des enfants, ce fut Baladier qui s'offrit et insista pour
tourner le moulin à café.
Puis dans l'après-midi, le conférencier et le mineur s'étaient acheminés
tranquillement vers le Bois-de-Vaux, parlant peu, car le premier préparait son
discours et le second respectait la méditation de son hôte.
De tous les points de la ville et des faubourgs, des mineurs se dirigeaient
pareillement vers la forêt. Ils allaient par petits groupes et plus encore isolément,
s'enfonçant et disparaissant soudain sous le rideau des halliers.
On savait que Chamot possédait sa police : Michet, qui sans travailler allant et
venant des chantiers aux puits et des puits aux chantiers, était payé comme un
contre-maître, sans compter les gratifications ; les frères Chenin, suspects à tous
pour être vus fréquemment en sa compagnie ; puis quelques autres qu'on ne
nommait pas, n'ayant sur eux que de vagues soupçons. Aussi fallait-il prendre ses
précautions. Être signalé, c'était être renvoyé et un mineur renvoyé par Chamot
pouvait aller loin et longtemps avant de trouver à s'embaucher.
Ronnot et ses amis les plus intimes, ceux qui, dès la première heure, s'étaient
ralliés à son idée de société de secours mutuels, avaient individuellement prévenu
leurs camarades, n'excluant que les suspects ou les ivrognes sur la discrétion
desquels on ne pouvait compter.
Malgré tout, il est bien difficile qu'un secret confié à plusieurs centaines d'individus
soit fidèlement gardé. Aussi, au moment môme où le coup de sifflet de Ronnot
faisait surgir des profondeurs de la forêt, comme une l

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