La seconde nature du politique
176 pages
Français

La seconde nature du politique , livre ebook

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176 pages
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Description

La notion de " seconde nature " désigne depuis l'âge classique le problème des rapports et des proportions entre l'originel et l'institué dans l'existence humaine collective et individuelle. Mais cette question n'est pas une question anthropologique, sociologique ou psychologique : c'est avant tout une question politique car cette construction institutionnelle est le lieu d'un conflit irréductible. Longtemps revendiquée par les tenants de l'émancipation, elle fait aujourd'hui l'objet d'une appropriation néolibérale qui exige qu'on la repense en termes plus politiques et plus radicaux.

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Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 30
EAN13 9782296484207
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

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Extrait

La seconde nature du politique Essai d’anthropologie négative
La Philosophie en commun Collection dirigée par Stéphane Douailler, Jacques Poulain, Patrice Vermeren Nourrie trop exclusivement par la vie solitaire de la pensée, l'exercice de la réflexion a souvent voué les philosophes à un individualisme forcené, renforcé par le culte de l'écriture. Les querelles engendrées par l'adulation de l'originalité y ont trop aisément supplanté tout débat politique théorique. Notre siècle a découvert l'enracinement de la pensée dans le langage. S'invalidait et tombait du même coup en désuétude cet étrange usage du jugement où le désir de tout soumettre à la critique du vrai y soustrayait royalement ses propres résultats. Condamnées également à l'éclatement, les diverses traditions philosophiques se voyaient contraintes de franchir les frontières de langue et de culture qui les enserraient encore. La crise des fondements scientifiques, la falsification des divers régimes politiques, la neutralisation des sciences humaines et l'explosion technologique ont fait apparaître de leur côté leurs faillites, induisant à reporter leurs espoirs sur la philosophie, autorisant à attendre du partage critique de la vérité jusqu'à la satisfaction des exigences sociales de justice et de liberté. Le débat critique se reconnaissait être une forme de vie. Ce bouleversement en profondeur de la culture a ramené les philosophes à la pratique orale de l'argumentation, faisant surgir des institutions comme l'École de Korcula (Yougoslavie), le Collège de Philosophie (Paris) ou l'Institut de Philosophie (Madrid). L'objectif de cette collection est de rendre accessibles les fruits de ce partage en commun du jugement de vérité. Il est d'affronter et de surmonter ce qui, dans la crise de civilisation que nous vivons tous, dérive de la dénégation et du refoulement de ce partage du jugement. Dernières parutions Alicia Noemí Farinati,Hegel démocrate, 2012. Diogo Sardinha,Ordre et temps dans la philosophie de Foucault,2011. Alain ELLOUE-ENGOUNE,Albert Schweitzer et l’histoire du Gabon, 2011.
Bertrand OGILVIELa seconde nature du politique Essai d’anthropologie négative Préface de Pierre Macherey
© L'Harmattan, 20125-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56945-4 EAN : 9782296569454
Sommaire
Préface de Pierre Macherey........................................................ 7 I. Une anthropologie de l’impropre ? ....................................... 19 Violences, dénis, condition................................................... 24 Repérage préliminaire : Foucault et Althusser ..................... 36 II. Les apories de l’idée de société. Six remarques................... 47 III. Hypothèses intermédiaires I. Seconde nature : l’institution infinie........................................................................................ 59 Seconde nature et habitude................................................... 62 Seconde nature : une archéologie du symbolique ? ............. 72
IV. Hypothèses intermédiaires II : la violence sans fin ............ 85 Du génocide à la question anthropologique ......................... 85 Critique de la représentation et de l’irreprésentable............. 98 Violence et origine ............................................................. 103 Violence et anthropologie .................................................. 115 Peuple, processus, condition : les apories de la notion de peuple et de la construction de la souveraineté .................. 119 La question de la vraie cause (la mauvaise réputation de la condition) ........................................................................... 128
V. Conditions d’une anthropologie de l’impropre, enjeux politiques. Mondialisation, dé-mondialisation ....................... 137 Déclaration des droits et débilité, déficience de l’homme naturel. Concomitance d’une déclaration insurrectionnelle et d’une curieuse observation faite sur l’homme sauvage ..... 145 Enjeux croisés de l’historicité. Le renversement de l’articulation historicité/émancipation................................ 153 De l’émancipation de l’homme à la marchandisation de l’humain ............................................................................. 156
Préface
Les paradoxes de la seconde nature
La réflexion de Bertrand Ogilvie présente à première vue un caractère inhabituel, voire même paradoxal, qui s’explique par son refus manifeste de se plier aux contraintes d’une rhétorique de l’achèvement, appuyée sur une logique de totalisation au point de vue de laquelle une pensée n’est viable ou présentable que si elle paraît faire bloc avec elle-même, et dispose tous ses éléments de manière à produire une effet de convergence qui les prémunit contre le risque du décousu et de l’incohérence : elle pratique, en sens exactement inverse, une logique incidente de la dispersion ou de la prolifération, qui, à contre-courant, fait obstacle à la prétention de synthétiser des acquis, donc de prêter aux résultats obtenus une allure exagérément systématique donnant à penser qu’ils disposent d’un caractère définitif qui autorise à en refermer sur elle-même l’exposition. Elle poursuit ainsi une exploration qui procède manifestement sans ordre préétabli et de façon rompue, ce qui n’empêche qu’y soit mise en œuvre une certaine volonté de savoir, obstinée, patiente, concentrée même si elle pratique le décentrement, et qui semble s’être condamnée à une sorte d’errance, précisément parce qu’elle avait dès le départ déposé l’ambition de parvenir à des fins avérées, déjà toutes tracées. Cette manière de procéder, qui ne manque pas de précédents illustres dans la tradition philosophique, sinon dans la tradition du discours universitaire qui privilégie au contraire les continuités factices, requiert de la part du lecteur tout un effort pour reconstituer, à partir de ses morceaux, de ses hachures et de ses brisures, la ligne de pensée à la fois continue et discontinue, faite de passages, de projections vers l’avant et de retours en arrière, dans laquelle ils se situent. Si on consent à faire cet effort, on s’aperçoit que cette démarche, inattendue à première vue, n’en recèle pas moins une nécessité, donc une certaine sorte de rigueur, même si les
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modalités auxquelles elle obéit sont singulières, voire même irrégulières ; et force est de constater que les choses que Bertrand Ogilvie cherche à faire comprendre ne pourraient guère être dites autrement, à moins d’être exposées au risque de la dénaturation. En effet, cette méthode de travail quelque peu dérangeante, et en tout cas peu usuelle, adhère aussi parfaitement que possible au contenu de la question de fond que Bertrand Ogilvie s’est évertué à traiter en en effectuant des approches en forme d’esquisses, de tentatives partielles offrant une allure proprement schématique, dont on comprend, lorsqu’on a fait l’effort de suivre la démarche singulière qu’il a adoptée, qu’elle était sans doute la mieux adaptée au caractère original du sujet traité. Pour donner une idée d’ensemble de ce sujet, il s’est servi de la thématique de la « seconde nature » qui, sur près de vingt-cinq siècles d’histoire de la philosophie occidentale, n’a cessé de faire retour dans la réflexion anthropologique en vue d’en préciser, si on peut dire, le domaine d’investigation. Or qu’est-ce que cette seconde nature ? C’est une nature qui n’en est pas une, tout en en étant cependant. C’est pourquoi la formule qui sert à désigner cette sorte singulière de réalité qu’est la seconde nature renvoie, selon les termes employés par Bertrand Ogilvie, à « une catégorie qui n’en est qu’à peine une », et correspond ainsi à « une manière de dire ce qui ne peut être dit », parce que son « sens » ne peut être une fois pour toutes fixé sans pour autant dériver tout à fait dans le non-sens ou dans l’ineffable. La seconde nature, formule oxymorique qui sert à nommer l’humain comme tel, est ainsi ce qui permet de penser, non une essence ou un état donnés, auxquels une ontologie aux lignes de force arrêtées assignerait une fois pour toutes leur place, mais une « condition » foncièrement instable, qui tire sa substance même de son instabilité, en l’absence d’une base ou fondement et d’une fin qui l’assureraient en elle-même : c’est pourquoi parler de nature humaine et de condition humaine sont deux choses complètement différentes, et à la limite alternatives l’une de l’autre. En tournant son attention, à la lumière du concept de seconde nature, vers la considération de la condition humaine, une « condition » qui, en tant que condition précisément, reste en permanence déchirée entre nature et histoire, en basculant
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sans cesse de l’une dans l’autre, Bertrand Ogilvie s’oriente dans le sens de ce qu’il appelle une « anthropologie de l’impropre ». Est ainsi soulevée la question : comment penser l’instable, en tant qu’il est tel non par accident ou simplement par défaut, mais par nécessité, une nécessité qui lui est consubstantielle dans la mesure où il l’instaure sous son entière responsabilité et sans garantie extérieure ? Hegel a mis au point sa conception de la dialectique, en situant d’ailleurs celle-ci dans un horizon qui excède le domaine propre d’une anthropologie philosophique toute tendue vers la résolution des problèmes de l’humain comme tel, précisément pour résoudre cette question au cœur de laquelle se trouve le problème de la négativité. Mais l’inconvénient que présente la dialectique hégélienne, inconvénient maintes fois signalé, est que, en vue de rendre au mieux justice au négatif, elle a entrepris de l’apprivoiser, – c’est le sens de la doctrine de la négation de la négation –, en le faisant rentrer dans le cadre d’un système finalisé dont il est le moteur, c’est-à-dire aussi le moyen, comme tel au service de fins qui le dépassent, dans une perspective d’apaisement ou, pour reprendre le terme utilisé par Hegel lui-même, de Befriedigung. Conscient de cette difficulté, Bertrand Ogilvie a, pourrait-on dire, tordu le bâton en sens exactement inverse, en laissant filer le négatif au lieu de chercher à le canaliser en le ramenant à une mesure rationnelle, comme s’il s’agissait d’une rivière qu’on veut empêcher de déborder : or l’humain, tel qu’il cherche à le comprendre à la lumière de la catégorie de seconde nature dont il exploite à fond les ambiguïtés et les équivoques, est justement ce qui ne peut être qu’artificiellement soustrait à cette possibilité permanente de débordement, qui constitue sa nature même en tant qu’elle est aussi une anti-nature ou une contre-nature, voire éventuellement une sur-nature, qui porte en soi la nécessité de la violence qu’elle ne cesse de retourner contre elle-même. On pourrait dire, en forçant le trait, qu’une réalité tordue, proprement « tropique », de ce genre appelle, en vue d’être restituée de façon conforme, ou à peu près – car nous sommes ici soumis par la nécessité même de la chose au régime de l’à-peu-près – une pensée tortueuse, sinueuse, incidente, respectueuse des tours et détours au fil desquels cette réalité se
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fait et se défait, ou plutôt se fait en se défaisant, sans promesse de résolution définitive à ses interrogations et à ses conflits. Une telle démarche va sans doute dans le sens de l’élaboration d’une dialectique matérialiste, qui suppose l’abandon d’une perspective d’achèvement. Se justifie ainsi la forme d’errance à laquelle se livre une pensée inquiète, non par facilité ou par complaisance, mais parce qu’elle est animée par le souci de coller au plus près à la réalité de quelque chose dont la nature est de se dérober et d’être irrécupérable, sinon au prix de falsifications qui, sous le prétexte d’en fixer la nature, une nature qui justement n’en est pas une, la récupèrent en la mettant au service de fins qui lui sont étrangères, ce qui est la définition la plus élémentaire qu’on pourrait donner de l’esprit religieux et des formes de mythologie qu’il engendre. Parler de seconde nature, c’est donc poser un problème, et non se diriger dans le sens de sa résolution : et de ce point de vue c’est pratiquer une réflexion philosophique qui s’intéresse à des problèmes considérés pour eux-mêmes, étant une fois déposée la prétention ou même l’intention de les résoudre en vue de s’en défausser, donc de les supprimer, c’est-à-dire de les faire disparaître, en tant que problèmes. La seconde nature est un problème : ceci pris en compte, le projet d’une anthropologie se proposant d’isoler une essence humaine déterminée par ses caractères spécifiques se trouve, plutôt qu’invalidé, suspendu, perpétuellement remis en chantier. Lorsque Nietzsche avance que « l’homme est l’animal dont le type n’est pas encore fixé » (das noch nicht festgestellte Tier), tout le sens de cette formule se trouve concentré dans le « pas encore » (noch nicht), qui signale la foncière problématicité d’une forme d’existence à la recherche de son accomplissement vers lequel elle ne cesse de tendre précisément dans la mesure où elle n’y parvient jamais. Ce que propose Bertrand Ogilvie, au fil de ses essais, au long desquels le thème du « pas encore », donc de l’inaccompli, ne cesse de revenir, est en conséquence une critique de la raison anthropologique, raison dont les démarches sont adossées à la fiction d’une nature humaine susceptible d’être identifiée en propre, et en conséquence « représentée », c’est-à-dire, pour reprendre ce terme à la lettre, restituée dans sa présence native. Or, si l’humain relève d’une
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