Le Pays oublié
206 pages
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Description

Héros du roman Le Voleur de coloquintes, signé... Jean Anglade, Baptiste Pascal est resté en Bavière après la guerre. Son auteur et créateur lui écrit pour le persuader d'abandonner son exil volontaire et retrouver son Auvergne natale.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 52
EAN13 9782812916427
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Jean Angladeprécié pour sonest le plus important des écrivains auvergnats. Ap style incomparable, riche de poésie, d’humour, de réalisme, il est l’auteur de près de quatre-vingt-dix ouvrages de toutes sortes, romans, poèmes, essais historiques, biographies, divertissements, albums, qui lui ont valu de nombreux prix littéraires. Il fut aussi instituteur, puis professeur de lettres à Saint-Étienne et à Thiers, professeur agrégé d’italien à Tunis, Gap, Clermont- Ferrand. Il a traduit entre autres François d’Assise, Boccace, Machiavel.
LEPAYS OUBLIÉ
Du même auteur Aux éditions De Borée Romans La Rose et le Lilas, Pocket, 2005. Dans le secret des roseaux, Pocket, 2004. Les Mains au dos, collection Terre de poche, 2004. Les Puysatiers, Pocket, 2003. Un souper de neige, Pocket, 2002. La Fille aux orages, Pocket, 2001. L’Immeuble Taub, Bartillat, 2001. La Garance, Aedis, 2000. Le Grillon vert, Pocket, 2000. Le Tilleul du soir, Pocket, 2000. Un lit d’aubépine, Presses de la Cité, 1999. Le Faucheur d’ombres, France Loisirs, 1998. Le Saintier, Presses de la Cité, 1997. Le Roi de Fougères, Bayard Presse, 1996. La Soupe à la fourchette, Pocket, 1996. Y a pas d’bon Dieu, Pocket, 1995. Le Jardin de Mercure, Pocket, 1994. L’Impossible Pendu de Toulouse, Fleuve Noir, 1992. Un parent de cendre, Pocket, 1992. Juste avant l’aube, Presses de la Cité, 1990. La Dame aux ronces, Presses de la Cité, 1989. Une pomme oubliée, Pocket, 1989. La Combinazionie, Julliard, 1988. Les Mauvais Pauvres, Julliard, 1987. Avec flûte obligée, Julliard, 1986. Les Bons Dieux, Julliard, 1984. La Noël aux prunes, Julliard, 1983. La Tour du doigt, Julliard, 1977. Un temps pour lancer des pierres, Julliard, 1974. Un front de marbre, Julliard, 1970. Le Point de suspension, Gallimard, 1969. Le Péché d’écarlate, Robert Laffont, 1966. La Foi et la Montagne, Robert Laffont, 1962. Les Convoités, Gallimard, 1955. Le Voleur de coloquintes, Pocket, 2003. La Maîtresse au piquet, Pocket, 2002.
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
©
, 2005
JEANANGLADE
LE PAYS OUBLIÉ
C’est un grand problème que de savoir changer sans souffrir.
ALFRED SAUVY
Préface
L té face,OUVRAGE QUI SUIT tient à la fois du roman et du récit de voyage. Cô roman épistolaire, il est composé d’une série de le ttres envoyées en 1982 à Baptiste Pascal, le protagoniste du Voleur de coloq uintes, afin de persuader cet Auvergnat en exil volontaire en Allemagne de reveni r au pays de ses ancêtres. Côté pile : ces missives veulent le préparer à ce r etour, lui montrer quelques-uns des importants changements intervenus en Auvergne. Baptiste Pascal n’a pas jugé bon de relever mon inv ite. Il s’obstine à vivre, octogénaire, dans la forêt bavaroise en compagnie d e sa chatte Greta, de sa 2 CV Rosalie, aux pieds du Hohen Stein, du Rindberg, du Hoche Rieden, qui ressemblent aux montagnes auvergnates. Ses quarante années d’absence sont devenues soixante. Avant qu’il ne soit trop tard, j ’ai décidé – craignant que mes premières lettres ne l’aient pas atteint – de lui e n adresser de nouvelles copies en complétant chacune par un post-scriptum de mise à jour. De la sorte, je l’emmène visiter ou revisiter quelques-uns de nos s ites en grand danger d’être oubliés. À bientôt donc, cher Baptiste, si c’est ta volonté et celle du Grand Chef Chevelu. Le lecteur de ces pages pourra constater avec lui l es changements supplémentaires qui ont pu intervenir depuis vingt ans dans ces contrées bénies. Et aussi tout ce qui s’y maintient. Car, contrairem ent à ce que pensait Paul Valéry, les civilisations ne sont pas entièrement m ortelles. Il reste toujours quelque chose de l’une à celle qui lui succède. L’A uvergnat de 2007 ne manque pas de ressemblance avec l’Auvergnat de 1982.
Je dédie cette édition à ma femme, Marie Ombret, né e à Clermont-Ferrand, élevée à Saugues, partie le 8 octobre 2002 pour un voyage dont on ne revient pas.
Thiers, le 3 janvier 1981
Mon cher Baptiste,
J E GARDE SUR L’ESTOMAC ces derniers mots de nos causeries bavaroises, il y a juste dix ans. Tu te souviens ? « Si je pense s ouvent à l’Auvergne ?… Jamais ! Comment veux-tu ? Jamais ! Il a fallu que tu me rencontres… Je n’y pense jamais ! » Et je te vois là-bas, dans ta caba ne de bon bois résineux, goudronné extérieurement, sous ta couverture en fau sses ardoises vertes qui ne sont que des planchettes moussues. En compagnie de ta chatte Greta, si elle vit encore, maniaque etmalincarrée, acariâtre comme le sont la plupart des vieilles créatures. Où vont tes pensées ? Je te vois penché sur ton Telefunken, écoutant les radios françaises. Ou bien relire éternellementLe Comte de MonteCristo, parcourir quelquefois un journal français abandonné par un touriste. Rien de tout ça ne te parle des Bessières, de Saint-Rémy-sur-Dur olle, de Thiers ni de l’Auvergne. Du pays où tu refuses de revenir. L’as- tu réellement oublié, ce pays de bosses et de bois comme la Bavière, mais de trou peaux, de fromages, de chapelets, de couteaux, de dentelles comme nulle pa rt au monde ? De pierres qui chantent (on les appelle « phonolithes »), de s ources qui fument ou pissent le sang, d’étangs peuplés de monstres verts ? La cl é des églises – pourvu qu’elle soit ancienne et bénite au moins par trois curés successifs – guérit les écrouelles et autres maladies de la peau. Les fantô mes, qui habitent les combles des vieilles maisons thiernoises, se lèvent la nuit au temps du Mardi gras et des 1 guenillesen qu’au matin lespour les manger encore chaudes dans le plat, si bi mères de famille n’ont d’autre ressource que d’en p réparer de nouvelles. Les volcans alignés sur l’horizon continuent d’entrer e n éruption chaque soir quand le soleil se couche et remplissent le ciel de leurs laves pourpres. Peut-on oublier tout cela quand on l’a connu ? Mais il se peut que tu n’aies pas tout connu, que je confonde tes souvenirs avec les miens. Tu n’étai s qu’un Auvergnat débutant. Il te restait tant de choses à découvrir, tant de r aisons d’aimer davantage notre province commune, ignorée de ses habitants mêmes ! Ne puis-je espérer qu’une fois au moins tu y reviendras en pèlerinage ? Une chose m’inquiète : pendant que tu vivais loin d ’elle – quarante ans d’absence : beaucoup d’hommes durent moins de temps que cela ! – mille choses ont changé sur son visage. L’air, l’eau, les gens ne sont plus tout à fait les mêmes. On ne rit plus, ne pleure plus, ne se pa ssionne plus aux mêmes raisons. Et si tu allais ne pas la reconnaître ? Co mme une épouse trop longuement quittée. Et si, à peine arrivé, tu allai s lui tourner le dos et regagner ta forêt, lui rendant ainsi l’injustice que jadis tu reçus d’elle ? Je crois donc qu’il faut que je te prépare à vos re trouvailles. Elle sait beaucoup de toi, de ce que tu es devenu. Et tu ne sais rien d’elle. Vois-tu, depuis que j’ai raconté ton histoire, Sain t-Rémy, qui précédemment soupçonnait à peine ton existence, ne se console pa s de t’avoir perdu. Chaque fois que j’y monte, on m’interroge : « Mais au juste, sa ferme, où était-elle ? » Je soupçonne que le conseil municipal médite d’y ap poser une plaque de
marbre : « Ici naquit et habita Baptiste Pascal, dit “Sang-de-Chou” »… Je ne te parlerai pas de ton frère Séraphin, ni de ta belle-sœur l’« Européenne ». Qu’ils soient vivants ou morts, cela ne doit poi nt te retenir de nous honorer d’une visite. Je trouve à présent quantité de perso nnes qui se souviennent de toi. Qui ont tété le lait de tes vaches, gobé les œufs d e tes poules, t’ont côtoyé sur les bancs de l’école. Et ils racontent en rigolant comme des crocodiles le jour où tu te tranchas une veine pour prouver qu’il y coula it du sang bleu. « Mais non ! cria quelqu’un. C’est du sang de chou ! » Ha, ha, ha ! À croire que presque toute la paroisse t’a fréquent é. Et tu n’avais que douze ans quand tu la quittas. Saint-Rémy n’a guère changé. Sauf que l’hôtel de l’ Europe est devenu épicerie. Mais la grande nouveauté est le plan d’ea u. Rien à dire à cela, s’il ne fallait payer à la saison chaude pour y accéder, po ur avoir le droit de se tremper dedans et de marcher sur ses bords : la municipalit é trouve le moyen de vendre sa fraîcheur, le reflet des nuages, les jeux du sol eil. Autrefois, les Thiernois allaient se baigner dans la Dore, dont le beau nom celtique signifie « eau claire et courante ». Celle que chanta Chateaubriand sans l’avoir vue : Ma sœur te souvient-il encore Du château que baignait la Dore ? Et de cette tant vieille tour Du More Où l’airain sonnait le retour Du jour ? Aujourd’hui, la Dore est tellement polluée qu’il a fallu constituer ailleurs des réserves d’eau inoffensive. Il n’y a plus de Dore claire, comme il n’y a plus d e Danube bleu. Nous l’avons vu ensemble à Ratisbonne, boueux, épais, rougeâtre, charriant des rats crevés.
Je t’écris de Thiers où tu te sentis déjà en exil. Douze années de chiffres, d’additions interminables, je pose six et je retien s quatre-vingt-dix-huit. Vous demeuriez, vous, les Pascal, dans cette rue obscure qui faisait dire à ton père : « J’y ai trois domiciles. Le mien, l’hôpital et la prison. – Dire, lui reprochait ta mère, que tu m’as descend ue ici ! Que tu oses me faire habiter en face d’une prison ! – Vaut mieux habiter en face que dedans ! » Réjouis -toi : la prison est aujourd’hui fermée. Transformée en école technique à l’usage de garçons qui, comme toi, ont raté leur passé. Ils se promènent du moins la conscience tranquille dans l’ancienne cour des détenus. La tour – reste du château féodal –, la tour-mitard où languissaient les prisonniers punis n’est peuplée d ésormais que de pigeons. On devrait transformer toutes les prisons en écoles. Le reste de la rue est intact, sauf que trois ou qu atre maisons ont été jetées bas à la verticale de l’église, ce qui a découvert des caves incroyables, creusées à la pioche dans l’épaisseur du rocher. Plus bas, o n entre dans le Moyen Âge. Rappelle-toi, cher Baptiste, tes vadrouilles enfant ines. En ce temps-là, chaque
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