Le vertige haïtien
337 pages
Français

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Le vertige haïtien , livre ebook

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Description

Partant d'une simple observation, la crise permanente du pays, l'auteur offre dans cet ouvrage des réflexions approfondies et une nouvelle approche de l'échec de l'Etat-nation et de la faiblesse chronique de la croissance économique en Haïti. Il illustre, au travers de fresques d'exposés et de recommandations, comment toute route menant à la démocratie véritable et à l'éradication de la pauvreté endémique en Haïti doit passer par l'établissement de l'Etat de droit et de la croissance économique forte et soutenue.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2011
Nombre de lectures 374
EAN13 9782296446267
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1350€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE VERTIGE HAÏTIEN
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12804-0
EAN : 9782296128040

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Rose N EAMY S AINT- L OUIS


LE VERTIGE HAÏTIEN
Réflexions sur un pays
en crise permanente
En mémoire de :

- mon père, Durand Saint-Louis, qui avait purgé une peine de trois ans de prison avant de fuir son pays pour se réfugier aux États-Unis, et ses amis Eugène Piou, Louisius Pierre-Louis et Théophile Lindor, disparus dans la boucherie de François Duvalier ; j’imagine leurs gémissements et cris de souffrance ;
- ma mère, Rosa Cantave-Saint-Louis, pour son courage, sa rectitude morale et sa bonté ;
- mon maître-modèle d’école primaire, Germain Sémerzier, pour son profond sens du devoir civique.
AVANT-PROPOS
RÉSUMÉ D’UN ITINÉRAIRE IDÉOLOGIQUE ET THÉORIQUE


L’un des plus passionnants domaines de recherche de l’histoire économique du XX e siècle, le rôle de l’État dans la croissance et le développement économiques, est en pleine crise idéologique et théorique. Toutes les prémisses sur lesquelles les études sont fondées ont été fragilisées.
La prépondérance idéologique et le raisonnement binaire sont en perdition. On ne fait plus l’éloge ni de la générosité de l’État-providence ni de l’exonération de l’État-gendarme de toute fonction sociale. On ne parle plus ni de l’infaillibilité de l’État dirigiste ni de la soumission de l’État aux diktats du marché. On ne promeut plus ni la morale économique de l’État-desposte éclairé ni la croyance de l’État ultralibéral dans l’anarcho-capitalisme. On ne défend plus ni la sublimité de l’État élitiste ni la « sainteté » de l’État populiste. On cherche de nouveaux repères en bricolant avec des morceaux de théories et d’idéologies éclatées.
Considérant toutes les formes de relations possibles entre le politique et l’économique, il y a une question qui peut paraître saugrenue d’autant que le pays qu’elle concerne est insignifiant dans les échelons de la hiérarchie du monde : comment expliquer la crise permanente de l’État et la faiblesse chronique de la croissance économique en Haïti depuis plus de deux cents ans ? Pourtant, le questionnement de la situation de ce pays est pertinent quant aux enseignements politiques, économiques et sociologiques qu’il contient. Il s’agit de leçons qui peuvent être utiles à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de la richesse ou de la pauvreté des nations.
Les chercheurs intéressés par l’État et l’économie haïtiens sont sévèrement touchés par la crise paradigmatique. Pendant plus d’un demi-siècle, ils ont été guidés ou profondément influencés par des écoles de pensée qui sont aujourd’hui en hibernation. Avec le chamboulement théorique, ce sont les fils conducteurs des débats sur la défaillance de l’État-nation haïtien qui ont cassé. Pourtant, ce désarmement épistémologique peut stimuler la créativité, encourager la liberté de l’esprit, éperonner les penseurs, renforcer le pragmatisme, et enrichir les réflexions sur les causes de l’échec de l’État en Haïti et ses impacts : exclusion sociale, instabilité politique, pauvreté, dégradation de l’écosystème, délabrement de l’économie, etc.
En effet, les théories du développement se sont développées essentiellement autour de la question de l’intervention de l’État dans l’économie et de son rôle dans la cohésion nationale et sociale. C’est un véritable champ de bataille idéologique. Cela a provoqué de virulents débats politico-économiques au cours de la deuxième moitié du XX e siècle. Les grands théoriciens de l’époque et leurs disciples ne voulaient pas de cessez-le-feu intellectuel. Ils parlaient de l’État, de la croissance économique et du développement comme s’ils en avaient trouvé les secrets. Et puis, surprise : on a découvert que les belles cathédrales théoriques et idéologiques étaient fissurées dans leurs fondations et limitées dans leurs missions. Ainsi, les croyances se flétrissaient ou s’effaçaient complètement de la mémoire des fidèles. Parmi les théories les plus populaires, on peut citer :
La théorie de la dépendance
Cette théorie, inspirée de l’analyse de Karl Marx de l’exploitation du monde par le capitalisme, repose sur l’approche selon laquelle l’accumulation du capital se ferait au niveau mondial au détriment des économies sous-développées (les périphéries). Ainsi, les relations de domination entre les pays industrialisés et les pays sous-développés condamneraient ces derniers au sous-développement à perpétuité. Le développement des pays riches se maintiendrait donc par l’exploitation du sous-développement des pays pauvres. Tout un panthéon d’économistes se posait en porte-fanion de ce mouvement néomarxiste. On évoquait leurs noms dans les chapelles politiques de la gauche haïtienne : André G. Franck, Celso Furtado, Fernando Henrique Cardoso, Raúl Prebisch, Samir Amin, Sergio Bagú, etc.
L’influence de la théorie de la dépendance sur la littérature politico-économique d’Haïti, de la fin des années 1950 aux années 1980, a trois origines. La première, la plus profonde, est la révolution des esclaves de 1803 contre le système d’exploitation colonial. La deuxième, la moins profonde, est la poussée littéraire anticolonialiste du début du XX e siècle, le « Mouvement indigéniste ». La troisième, relativement récente, est la grande remise en question du statu quo politique dite la « Révolution de janvier 1946 », « Les cinq journées glorieuses » ou « Les cinq glorieuses ». La quasi-totalité des écrivains indigénistes et tous les principaux leaders de « Les cinq glorieuses » constituent le piédestal de la littérature haïtienne et de la gauche plurielle (dure, modérée et molle). Cette tradition intellectuelle se heurte aujourd’hui à trois réalités.
1- L’exploitation capitaliste des pays de l’Asie du Sud-Est a donné naissance aux « Dragons de l’Asie », quatre économies compétitives à l’échelle mondiale : Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour. On s’en souvient. Les « progressistes » haïtiens les considéraient, de la fin des années 1970 aux années 1980, comme des « pays-ateliers » dont les mains-d’œuvre sont soumises à l’exploitation sauvage du capitalisme. Ce fut le temps où ils portaient leur communisme, trotskisme et maoïsme en bandoulière pour une cause noble mais mal appréhendée : la lutte pour la justice sociale. Aujourd’hui, ils apprennent qu’une nation égalitaire qui partage équitablement la pauvreté au nom de cette justice n’est pas moralement supérieure à une nation économiquement exploitée sous l’égide d’une bourgeoisie égoïste, cynique et à la poursuite aveugle de l’argent.
2- Le lauréat du prix Nobel d’économie Gunnar Myrdal, dans son livre Asian Drama : An Inquiry Into the Poverty of Nations , 1968 ( Le drame de l’Asie : une enquête sur la pauvreté des nations ), s’était montré peu optimiste quant au développement de ces pays. L’Asie sur laquelle se lamentait Myrdal est aujourd’hui le pôle d’attraction économique du monde, et la meilleure leçon de développement de tous les temps.
3- La création d’industries « anti-importations » en Amérique Latine la substitution à l’importation, une industrialisation déclarée pour faire face aux « exploitations » commerciales des pays développés s’est traduite par un échec. Les quelque dizaines d’industries rachitiques d’Haïti en ont fait aussi l’expérience. La moquerie, c’est que la même substitution à l’importation avait contribué à l’industrialisation de nombreux pays européens et des États-Unis pendant la longue période de nationalisme économique du milieu du XIX e siècle au début du XX e siècle. On comprend maintenant que le succès d’une thé

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