Les Amants de la lagune
165 pages
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Les Amants de la lagune , livre ebook

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Description

Dans l'ombre de son père, riche propriétaire et maire du village, André est élevé avec l'idée obsédante de lui donner un héritier. Peine perdue, il n'aura que deux filles. Cette pression se reporte alors sur la benjamine, Lucie, dont les velléités contestataires n'ont d'égal que les idées autoritaires de son grand-père.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 41
EAN13 9782812916175
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Musicien, dramaturge, romancier, poète, chroniqueur de presse, adjoint à la culture de sa commune où il a créé un Salon du livre,Bernard Duporgeest résolument tourné vers les arts. Dès son premier ro man,Les Pins de la discorde, paru en 2001, il insuffle à son écriture sa passion pour l’histoire, de la grande à la petite, celle qui fait le quotidien des gens. Il a reçu le prix Saint-Estèphe 2011 pourLe Tambour de Lacanau.
L A ES MANTS DE LA LAGUNE
Du même auteur
Aux éditions De Borée
La Cabane du berger Les Pins de la discorde,Terre de poche
Autres éditeurs
Des remous dans l’air bleu Histoires peu ordinaires à Lacanau Humeurs de Duvallon L’Année des treize lunes La Maison du passé Le Mal des marais,prix Ardua 2007 Le Tambour de Lacanau,prix Saint-Estèphe 2011 Les Racontars du Courtioù Les Silences de la sorcière
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.
©
, 2013
BERNARDDUPORGE
LES AMANTS DE LA LAGUNE
I
A RNAUD LAMBERT ÉTAIT SOUCIEUX. La sécheresse le tracassait. Le massif forestier qui entourait la commune souffrait du man que d’eau. Depuis début juin 1921, la chaleur, très forte, s’était installée. Ma intenant, fin août, il faisait encore plus chaud. Tous se plaignaient. Les premiers six m ois de l’année avaient été froids, les récoltes de seigle, piteuses, voilà que maintenant la sécheresse pointait son nez, il n’avait pas plu depuis trois m ois. Il faut dire que cette année, l’été frôlait des records. La température, dans les derniers jours de juillet, avait atteint trente-neuf degrés, et Paris commençait, di sait-on, à manquer d’eau. Ici, dans la lande girondine, ce n’était pas encore le c as, mais pour combien de temps ? Avec inquiétude, les paysans regardaient ré gulièrement le fond du puits, il leur semblait que, chaque jour, l’eau s’éloignai t un peu plus de la margelle. Les lagunes se transformaient tout doucement en boue sè che et, de ses notes 1 monotones, lepléoù-pléoù n’arrêtait pas d’appeler la pluie, tandis que les autres oiseaux chantaient à peine. On sortait d’une guerre qui avait tué bon nombre de soldats, alors est-ce que, la paix re venue, le climat allait terrasser le reste de la population ? Pour l’eau, si ça continuait, Arnaud Lambert finira it par écouter Germaine, sa femme, qui le suppliait d’accepter l’idée d’une pro cession pour faire venir la pluie. Il refusait depuis longtemps, laissant ces b ondieuseries aux autres. Lui, il faisait de la politique, la religion, c’était l’aff aire des femmes. Le maire qu’il était n’allait quand même pas demander l’aide du curé, il ne manquerait plus que ça ! Pourtant, à force d’attendre l’eau du ciel, il ne s avait plus que penser. Il avait beau regarder minutieusement le calendrier des Post es, le vol des hirondelles, la couleur de l’aube ou du couchant, écouter les dicto ns des vieux, aucun signe n’apportait un quelconque espoir d’averse salvatric e. En tant que responsable de la commune, il devait faire quelque chose. Ça passa it tout d’abord par le respect du règlement. Dans les cas graves, il fallait que l e conseil municipal se réunisse pour prendre une décision, et ce manque d’eau, c’ét ait un cas grave. Il avait donc organisé une réunion ce soir à 20 heures, aprè s la traite des vaches. Il espérait que tous les élus seraient là. Il y aurait bien sûr son ennemi de toujours, le grand Gustave, qui ne manquait aucune occasion d e le contredire. Tant pis. Fichue place que celle de maire. Les Lambert occupa ient ce poste depuis deux générations, alors Arnaud n’avait pas failli à la tradition, et il espérait bien que ça continuerait encore longtemps. La propriété, ça allait de pair avec le pouvoir. Comme il avait les deux, il comptait bien les garder. Quand il en aurait assez, il présenterait son fils André à sa place et la vie de la famille, étroitement liée à celle du village, continuerait tranquillemen t et sûrement. Il n’y avait personne de compétent dans l’opposition et il ne ri squait pas grand-chose venant de là. Depuis deux générations, seule la fam ille du grand Gustave Maleyran était contre lui. Après Napoléon III, la r oyauté et la République avaient séparé définitivement les deux clans et chacun, cam pant dans son camp, tirait sur l’autre avec force arguments. Depuis tout ce te mps, cela ressemblait à un jeu, mais ce n’en était pas un. Le maire se devait de veiller sur les intérêts des vieilles familles, celles qui avaient donné une âme à ce petit village blotti dans la lande girondine, à l’ombre des pins semés par la gé nération précédente. Elles avaient trimé comme des esclaves. Des troupeaux de moutons se promenaient
encore sur la lande, mais tous les ans, grâce à l’a ssèchement des marais, la forêt grignotait l’espace. Arnaud Lambert avait don c le droit et le devoir de régner sur cette commune, pour honorer ses anciens, disait -il en levant le front pour donner du poids à son propos. Ils devaient profiter de cette lande transformée en forêt, faisant la fortune de certains, grâce à la r ésine. Ils avaient assez transpiré pour ça ! Et de l’eau, il en fallait pour les pins, il en fallait pour les cultures de maïs, de seigle, de blé, il en fallait pour les jar dins, il en fallait pour les pâturages, et si les jours à venir restaient au bea u fixe, l’avenir, lui, ne l’était pas. Comme un malheur n’arrive jamais seul, depuis quinz e jours, ce foutu de grand Gustave faisait les bistrots de la commune en tenant le même discours : – Si j’étais maire, vous ne verriez pas ça ! Il y a urait de l’eau pour tous ! Quand on lui demandait comment il s’y prendrait, il clignait de l’œil d’un air malicieux en affirmant : – Donnez-moi la majorité aux prochaines élections, vous verrez ce que vous verrez ! Et il partait en marchant de travers, l’alcool le f aisant claudiquer encore plus que d’habitude. Arnaud Lambert l’affirmait, le gran d Gustave n’était pas près d’avoir la majorité. Pas sérieux. Trop farfelu. De plus, sa propriété n’était quand même pas à la hauteur de la sienne. Tant pis pour l ui si ses parents n’avaient pas su garder leurs biens. Ils avaient été bien con tents de trouver la famille Lambert pour leur acheter ce qu’ils n’avaient pas s u faire prospérer. Lui, Arnaud Lambert, les cent cinquante hectares qu’il possédai t lui conféraient le droit d’être le plus puissant du village. Il faut dire qu’à son mariage sa femme, Germaine Hostein, avait apporté quelques jolies pièces de pi ns qui, depuis, avaient fructifié. Pour son fils André, il avait préparé un bon mariage. Valentine Ceyran, une cousine lointaine, avait accepté de marier sa f ille avec lui. Avec les surfaces plantées ou à planter qu’elle avait apportées, plus celles dont elle hériterait d’ici une vingtaine d’années, la petite Amélia était un e xcellent parti. Elle n’avait pas de frère, parfait. Un seul enfant par famille, voil à la solution pour protéger les biens. De préférence un garçon, surtout l’aîné. Ain si la propriété ne quittait pas la famille, ce qui n’allait pas être le cas chez les C eyran. Ma foi, tant mieux pour les Lambert. Si, par hasard, il y avait plusieurs enfan ts, le droit d’aînesse faisait force de loi, et la propriété ne se diviserait pas. Les jeunes s’étaient donc mariés et leur premier enfant était né en mars 1920. Donc, avec sa situation, Arnaud Lambert, le plus riche du village, était réélu à ch aque élection. Il faut dire que dans les semaines qui les précédaient il était géné reux, distribuait à boire et à manger à beaucoup de gens, faisant des promesses qu ’il oublierait très vite. Avec tous ses efforts, il se demandait comment on p ouvait encore voter pour ce fantaisiste de Maleyran, qui était toujours élu, au détriment de ce couillon de Joseph Bon qu’Arnaud Lambert avait placé dernier de sa liste, car c’était celui qui avait le moins de propriété ! À croire que les gens du village élisaient Gustave, ce buveur de vin rouge, juste pour le folk lore. Le maire tenait bien la majorité de son conseil mun icipal, qui ne s’opposait jamais à lui. Pour maintenir ses prérogatives, sa l iste était établie avec les fils des gros propriétaires du village, mais il devait c onvaincre Yves Lagarde, l’instituteur, de le laisser manœuvrer comme il l’e ntendait. Pas méchant, l e bougre, pas méchant pour deux sous ; il passait pour un farfelu ambitieux, avec ses idées révolutionnaires. En le nommant secr étaire de mairie, Arnaud Lambert évitait ainsi une candidature gênante. Il p ensait calmer cet instruit qui,
l’œil noir et la moustache frémissante de colère qu and on parlait politique, les traitait ouvertement d’ayants pins ! C’est vrai qu’ à part le jardin de son logement de fonction, dont il ne s’occupait même pas, c’est sa femme qui plantait, taillait, bêchait, s’escrimait ; la propriété n’avait pas bea ucoup de sens pour lui. Était-ce la faute des ayants pins si les parents de ce gars de la ville n’étaient pas nés à la campagne ? – Il est comme tous les citadins, affirmait Georges Cazaux, le premier adjoint. Avec leurs idées neuves, ils croient tout savoir, p ensent qu’un pin pousse comme ça en claquant des doigts, et que la fortune vient en dormant. C’est vrai que les anciens se l’étaient cassée, la tête, pour avoir une propriété raisonnable. Ils avaient transpiré pour assainir le marais, creusant des fossés et 2 de largescrastess avait été, afin que l’eau s’écoule vers les étangs. Le marai laissé en l’état dans des coins bien creux, il serv ait de réservoir, évitant les 3 inondations. Bien à l’abri dans lestonnessur ses bords, dans les mois bâties de grand froid, ils chassaient le canard de passage . Mais le marais, les pins et le jardin avaient besoi n d’eau, donc sa responsabilité de maire obligeait Arnaud Lambert à maîtriser la situation.
Le conseil dans son entier était là, presque tous l es hommes du village aussi. Le grand Gustave était avachi sur sa chaise, assomm é par tous les verres qu’il avait ingurgités tout au long de cette chaude journ ée. Ce climat sec ne l’incitait pas à la tempérance ! « Au moins, se dit le maire, il nous foutra la paix . » Arnaud Lambert ouvrit la séance avec solennité, deb out, écharpe tricolore autour de la taille : – Messieurs, je vous ai convoqués car l’heure est g rave. – Elle est surtout tardive, hoqueta le grand Gustav e. À c’t’heure, moi, d’habitude, chui déjà au pieu. Quelqu’un dans le public lui demanda s’il s’endorma it avec ses vaches, pendant la traite. Le maire dut taper sur la table pour rétablir le silence et préciser que personne n’avait le droit de parler da ns une réunion du conseil. – Je reprends. Les fossés sont à sec, les nappes so nt au plus bas, les légumes crèvent dans les jardins, le maïs sèche sur pied, et je ne parle pas de l’état des prairies ! On me dit que je devrais fair e quelque chose, mais quoi ? Faire la danse de la pluie avec un Indien que je ne sais même où trouver ? Non, je ne sais pas quoi faire, et je pense qu’il n’y a pas grand-chose à faire, sinon attendre que la nature décide elle-même. – Moi, j’ai la solution, hoqueta une nouvelle fois le grand Gustave. – Génial, dit un élu, le grand Gustave connaît un p oint d’eau. Le maire fit taire les rires. – Tant mieux, Gustave, alors ta solution, dis-la-no us vite, et rentre chez toi pour dessoûler ! Le grand Gustave essaya de se lever mais, hélas ! c huta lourdement. Les fesses par terre, sous l’éclat de rire général, il réussit à balbutier : – Nommez-moi maire et je vous donne la solution ! S inon la sécheresse va continuer. Les conseillers, au début, s’amusaient, mais là, le pauvre Gustave leur faisait pitié. Comment, avec une telle attitude, pouvait-il penser un jour être maire ? Tout le monde plaignait la Louise, sa femme, obligé e de supporter un tel homme
à la maison. Après discussion, hélas ! pas plus que le maire, au cun conseiller ne connaissait la solution. À part observer le ciel et attendre les nuages annonciateurs de fraîcheur, que faire d’autre ? – Justement, déclara Guillaume Segonnes, parlons-en du ciel, ma femme m’a dit… Le maire le coupa : – Je crois savoir ce que t’a dit ta femme, la mienn e m’a sans doute raconté la même chose. – Alors, demanda le jeune Sylvain Marian, elles ont dit quoi vos femmes ? Parce que moi j’en ai pas encore, donc je ne sais p as ce qu’une femme peut dire en cas de sécheresse. Le public éclata de rire. Le maire fit de nouveau r evenir le calme. C’est alors que du fond de la salle une voix s’éleva. Grave. To us reconnurent celle de l’abbé Pierre Émeric, curé de la paroisse. – Si monsieur le maire veut bien interrompre la séa nce afin que je puisse parler. De sa voix forte, Arnaud Lambert rappela de nouveau que personne dans le public n’avait le droit d’intervenir en séance du c onseil, donc, pour la circonstance et devant les faits graves comme celui évoqué ce soir, il interrompait volontiers cette séance afin que monsi eur le curé puisse s’exprimer. Le silence se fit, un peu comme à l’église. Pierre Émeric prit la parole : – Mes chers amis, décidément, vous ne changerez pas . Vous attendez toujours tout des autres, et vous ne vous prenez ja mais en charge. Des murmures désapprobateurs s’élevèrent. Ici, à la campagne, bien sûr que si, on se prenait en charge. – J’insiste, vous ne vous prenez pas assez en charg e. Vous attendez tout du ciel, comme la pluie, puisqu’elle vient justement d e là. Mais cette eau qui vous manque, si vous désirez ardemment la voir tomber, l ’avez-vous demandée à ce ciel ? L’avez-vous demandée assez fort pour que le Tout-Puissant, qui commande la nature, à vos prières, vous l’envoie ? « Ça y est, pensa le maire, à tous les coups les fe mmes sont allées le voir pour qu’il fasse une procession. » En face de lui, le secrétaire-instituteur souriait. – Dites-moi, monsieur le curé, si votre Tout-Puissa nt voit tout, comme vous le prétendez, il doit bien voir que nous manquons d’ea u en ce moment, non ? En nous asséchant, ne se moquerait-il pas de nous ? Un brouhaha s’ensuivit. On n’était pas forcément d’ accord avec les idées du curé, mais on devait le respecter, or, pensait Georges Cazaux, « notre instituteur est en train de se moquer de lui ! ». Il n’accepta pas. – Je vois que monsieur l’instituteur fait l’intelli gent. Chez nous, on se méfie des choses trop intelligentes, parce qu’on ne les compr end pas toutes. Et, quand on ne comprend pas bien ces choses, on a toujours peur de se faire couillonner. Du coup, pour éviter cela, on écoute, on écoute encore et on écoute toujours. Pour comprendre. Je pense donc que monsieur le curé doit continuer à nous exposer ce qu’il a à nous annoncer. Après, quand nous auron s compris, nous déciderons. L’instituteur sourit de plus belle. C’est vrai que dans beaucoup de villages de campagne le progrès mettrait du temps à venir, et i l estimait que l’Église se chargeait, avec ses croyances, de ralentir son arri vée. Pourtant, si la solution
pour faire pleuvoir à ses yeux n’existait pas, pour avoir de l’eau afin d’arroser les cultures et les jardins, il suffisait de faire des forages. Dans la région, à part des puits bien entretenus, pas très profonds, on n’util isait pas ce procédé, comme dans son pays d’origine, le Var, où l’on forait pou r emmener l’eau dans son village natal. On y avait même construit un château d’eau. Mais allez expliquer ça aux élus ! Il se jura qu’un jour il se présenter ait aux élections, et qu’il aurait des projets qui ne concerneraient pas seulement le curage des fossés ! Le curé continua : – Pour répondre à monsieur l’instituteur, le Tout-P uissant voit en effet que la sécheresse nous accable mais, comme on ne lui deman de pas de nous aider, il pense que notre sort nous convient. Il se tourna vers le maire : – Je vous propose donc, monsieur le maire, de faire , dimanche prochain, une procession, avec bannières, oriflammes et cantiques , de l’église vers la petite fontaine d’Eugène Lescar, afin de prier notre Seign eur de bien vouloir nous donner l’eau qui manque tant à nos jardins, à nos p rés et à notre forêt. Sachant que, depuis plusieurs générations, on donne des ver tus à cette source, elle fera encore des miracles, si nous demandons cela avec fo rce à notre Seigneur. Je ne vous demande pas une réponse immédiate. Passez me v oir à la cure quand vous voudrez pour me donner votre réponse. Bien le bonsoir, messieurs. Arnaud Lambert reprit la séance : – Alors, messieurs les conseillers, qu’en pensez-vo us ? Ils étaient perplexes, sentant sous cette propositi on une idée de femme. Dans leur for intérieur, ils savaient que s’ils refusaie nt il y aurait des grimaces dans tous les ménages. Sylvain Marian l’avait bien compris. – Si on dit non au curé, je ne risque pas d’engueul ade, je suis célibataire. Cette histoire semble être une invention de femme, même si on n’est pas du tout sûr du résultat, on ne risque pas grand-chose à la faire cette procession. C’était vrai, et que faire d’autre pour que cette s atanée pluie se décide à tomber ? Dans d’autres circonstances, les vieilles faisaient brûler des cierges contre l’orage, d’autres faisaient dire des messes pour les moissons, le curé passait bénir les fermes pour la procession des rog ations. Personne ne savait si ça servait à quelque chose, mais on respectait les habitudes. Alors, au point où ils en étaient, effectivement, pourquoi ne pas essa yer ? La décision fut prise sans enthousiasme : le maire irait voir le curé pour lui indiquer que le conseil était d’accord. S’il le vou lait bien, on ferait ce cortège religieux dans quinze jours. – S’il ne pleut pas d’ici là, bien sûr. Vous marque z cette décision et cette remarque dans le registre du conseil, monsieur l’in stituteur. Le secrétaire de mairie fit la grimace, tandis que le grand Gustave, sortant de sa torpeur, hurla : – Vous faites un pacte avec l’Église ! C’est scanda leux ! Vous aurez beau vous promener avec bannières et cierges allumés, en chantant et même en chantant faux, vous ne ferez pas pleuvoir ! Seul le progrès résoudra ce problème. Pour cela, il faudra changer de municipal ité ! Le maire, d’un geste, lui montra la porte, lui cons eillant d’aller cuver son vin dans sa grange à foin.
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