Maladies et pratiques magiques au Sénégal
324 pages
Français

Maladies et pratiques magiques au Sénégal , livre ebook

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324 pages
Français

Description

Les représentations sociales de la maladie dépendent du contexte culturel de leur production. En effet, les nombreux êtres culturels qui peuplent l'univers visible ou invisible sont des agents non-microbiens de la maladie selon les croyances. Les croyances se sont adaptées à la société marchande-libérale et à son idéologie de compétuition et d'émulation sociale. La ville, les banlieues de Dakar, les régions du Sénégal, les campagnes ont été les terraions d'observation.

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Publié par
Date de parution 01 octobre 2013
Nombre de lectures 23
EAN13 9782336326498
Langue Français
Poids de l'ouvrage 8 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Raymond Sémédo
MALADIES ET PRATIQUES MAGIQUES AU SÉNÉGAL
Maladies et pratiques magiques au Sénégal
Raymond SémédoMaladies et pratiques magiques au Sénégal *
© L’Harmattan, 2013 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN : 978-2-336-30295-9 EAN : 9782336302959
INTRODUCTION
L’univers de la maladie, du sens du mal et du bien est marqué par les représentations sociales. Elles sont des gisements culturels, des « ordinateurs culturels » programmés qui agissent sur notre pensée, nos habitudes, notre manière d’être, nos attitudes… Elles préexistent à nos comportements, nos choix les plus divers, à notre culture, à nos conduites. Ces invariants symboliques assurent la permanence du groupe et des individus dans une interaction permanente quasi fusionnelle. Les représentations sociales ne sont pas figées car elles intègrent les opinions, les images, les préjugés, les croyances, les stéréotypes, les stigmatisations, les références linguistiques, sémantiques, cognitives, les rumeurs, les idéologies, les lieux communs propres aux mentalités. Ce savoir collectif a traversé l’Histoire du groupe et s’inscrit durablement dans les métamorphoses sociales. L’étude des représentations sociales montre que toutes les sciences humaines se sont intéressées à leur décryptage. Nous devons à Denise Jodelet cette définition : « C’est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social. Également désignée comme “savoir de sens commun” ou encore “savoir naïf”, “naturel”, cette forme de reconnaissance est distinguée, entre autres, de la connaissance scientifique. Mais elle est tenue pour un objet d’étude aussi légitime que cette dernière en raison de son importance dans la vie sociale, de l’éclairage qu’elle apporte sur les processus cognitifs et les interactions sociales. On reconnaît généralement que les représentations sociales, en tant que systèmes d’interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales. De même, interviennentelles dans les processus aussi variés que la diffusion et l’assimilation des connaissances, le développement individuel et collectif, la définition des identités personnelles et sociales, l’expression des groupes et les transformations sociales. En tant que phénomènes cognitifs, ils engagent l’appartenance sociale des individus avec les implications affectives et normatives, avec les intériorisations d’expériences, de pratiques, de modèles,
de conduites et de pensée, socialement inculqués ou transmis par la 1 communication sociale qui y sont liées » . La connaissance de la vie mentale individuelle et collective est réhabilitée. Tout un courant de pensée novateur s’intéressa à l’étude des représentations sociales. Il est vrai que durant plusieurs décennies la sociologie et l’anthropologie avaient abandonné ce terrain inauguré par Durkheim vers 1891. Cependant, l’un des pères fondateurs de la Sociologie Auguste Comte avait vu la nécessité d’étudier les « représentations collectives ». En effet, il voulait comprendre le monde des poètes et des artistes marqué par ce qu’il a appelé « l’intelligence par images ». Il avait compris que le fait religieux et mental était un « noyau dur » pour la recherche qu’il allait entreprendre. Malheureusement, le projet d’Auguste Comte échoua, il eut le temps de théoriser sur la septième science. Il est vrai que la tradition psychosociologique a voulu comprendre tous les problèmes liés à la parenté, à la magie, à la religion, au langage, à l’inceste, aux rites, aux mythes… Par contre, des chercheurs en Psychologie comme Wilhelm Wundt en Allemagne et Gabriel Tarde ont voulu expérimenter en laboratoire leurs théories sur la connaissance des mentalités. Chez Durkheim, les faits sociaux sont indépendants et extérieurs aux consciences individuelles. C’est de la même manière qu’il faut comprendre les représentations individuelles par rapport au substrat matériel. 2 Mieux, les recherches entreprises par Émile Durkheim sur les formes élémentaires de la vie religieuse, sur le suicide, la division du travail social, le socialisme, les règles de la méthode sociologique, etc., montrent bien le souci de cerner la morale, les mentalités, la pensée, les croyances religieuses, politiques, morales. Dans une perspective novatrice, Maurice Halbwachs publie un livre fondateur en 1925, Les Cadres sociaux de la mémoire. Aussi, dans le prolongement de Durkheim, Marcel Mauss et Henri Hubert ont étudié les mentalités archaïques, le totémisme, les représentations magico religieuses, le don ou l’échange dans les sociétés traditionnelles. La pensée de 3 Lucien LévyBruhl sur la mentalité prélogique a été réfutée. Il est revenu sur sa construction théorique vers la fin de sa vie.
1. Sous la direction de Denise JODELET, Les représentations sociales, Paris, PUF, 1989, p. 53. 2. En 1912, Émile DURKHEIM, publie :  Les Formes élémentaires de la vie religieuse, Le système totémique, en Australie, Paris, PUF, e 7 édition, 1985. e  Le Suicide. Étude de sociologie, 1897, Paris, PUF, 1986 (10 tirage). e  De la division du travail social (1893), Paris, PUF, 1986 (11 édition). e  Le socialisme, Paris, PUF, 2 édition, 1971. e  Leçons de sociologie. Physique des mœurs et du droit, Paris, PUF, 2 édition, 1969. re  Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1986, 1 édition, 1895. 3. Lucien LEVYBRUHL, La mentalité primitive, Paris, PUF, 1922.
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4 En recherche pédagogique, Jean Piaget s’est inspiré de lui. Par ailleurs, les travaux de l’École de Sociologie allemande notamment 5 6 ceux de Max Weber, de Georg Simmel , de Ferdinand Tönnies (18551936) ont eu un impact sur l’étude des représentations. En effet, en construisant le 7 concept d’esprit du capitalisme comme individu historique, Max Weber met en évidence que les croyances religieuses des protestants ont contribué à l’émergence d’une mentalité économique, un « éthos ». L’ascétisme des protestants a favorisé l’accumulation des richesses et l’émancipation matérielle. Mieux, la réussite sociale est le signe que le croyant est élu et tire des bénéfices de son comportement. La vision du monde est une élévation matérielle. Karl Marx et Friedrich Engels ont, eux, apporté les fondements d’une interprétation du monde. En effet, la conception matérialiste montre que l’univers matériel est indépendant des représentations. Les sentiments, les idées appartiennent au monde matériel donc extérieurs à l’être mais ils participent à son environnement, son milieu. Le réel existe de manière indépendante à la conscience. L’homme a une existence indépendante de la conscience. C’est à ce juste titre que Karl Marx notait que « ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être. C’est inversement leur être 8 social qui détermine leur conscience ». Le concept d’aliénation montre bien qu’en vendant sa force de travail, l’ouvrier n’a pas de temps libre en dehors de ses heures de repos. Aussi, le système idéologique contribue à asseoir la domination. C’est en ce sens que Louis Althusser notait que « l’idéologie est une représentation du rapport imaginaire des individus à leurs conditions 9 réelles d’existence ». Les représentations sociales ne peuvent pas s’émanciper de différentes idéologies dans telle ou telle société. Le marxisme, surtout l’École des Annales a permis de comprendre les liens entre infrastructures et superstructures, de comprendre le mouvement dialectique qui participait à toutes les ruses de l’Histoire. En définitive, rien n’est figé, le mouvement est à
4. Jean PIAGET :  La formation du symbole chez l’enfant. Initiation, jeu, rêve et interprétations, Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1978.  La psychologie de l’intelligence, Paris, Armand Colin, 1967. 5. Georg SIMMEL, Sociologie et Épistémologie, Paris, PUF, 1981. Recueil de textes paru en 1884. 6. En 1887 puis en 1912, Ferdinand TÖNNIES publie son ouvrage fondateur Communauté et Société, catégories fondamentales de la sociologie pure, Paris, Retz, 1977. 7. Max WEBER, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Plon, 1964. Première publication (19041905). 8. Karl MARX, Contribution à la critique de l’économie politique, Paris, Éditions Sociales, 1957, p. 4. 9. Louis ALTHUSSER, « Idéologie et appareils idéologiques d’État » in Positions, Paris, Éditions Sociales, 1976, p. 101.
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