MÉMOIRES POUR SERVIR À L’HISTOIRE DE LA
GUERRE DE 1914-1918
FERDINAND FOCH
AVANT-PROPOS
PRÉFACE
LE VINGTIÈME CORPS
Chapitre premier — Le 20e corps en couverture, 25 juillet – 13 août
1914.
Chapitre II — Le 20e corps dans l’offensive de Lorraine. La bataille de
Morhange, 14-20 août 1914.
Chapitre III — Le 20e corps pendant la retraite de la Meurthe et la
contre-offensive, 21-28 août 1914.
LA 9e ARMÉE, 19 AOÛT - 4 OCTOBRE 1914
Chapitre premier — La retraite.
Chapitre II — La bataille de la Marne.
Chapitre III — La fin de la bataille et la poursuite. 10-12 septembre.
Chapitre IV — L’arrêt.
LA BATAILLE DES FLANDRES - OCTOBRE 1914 - AVRIL 1915
Chapitre premier — La manœuvre du nord.
Chapitre II — La bataille de l’Yser.
Chapitre III — La bataille d’Ypres.
Chapitre IV — Les événements sur le reste du front des armées du nord.
17 octobre-20 novembre.
Chapitre V — Coup d’oeil d’ensemble sur la bataille des Flandres.
Chapitre VI — Premières tentatives alliées contre le front fortifié
allemand. — Regroupement des forces alliées dans les Flandres.
Décembre 1914-avril 1915.
DE MARS 1918 À LA FIN DE LA GUERRE
Chapitre premier — L’offensive allemande du 21 mars et l’accord de
Doullens.
Chapitre II — Les premiers actes du commandement.
Chapitre III — L’accord de Beauvais.
Chapitre IV — Le rétablissement de la situation alliée à la Somme et
l’effort allemand dans les Flandres.
Chapitre V — La question des effectifs des armées alliées en France. Chapitre VI — L’attaque allemande de Reims à Montdidier (27 mai-13
juin).
Chapitre VII — Dans l’attente (13 juin-15 juillet).
Chapitre VIII — La deuxième bataille de la Marne.
Chapitre IX — Le mémoire du 24 juillet.
Chapitre X — Offensives partielles des alliés (août-septembre 1918).
Chapitre XI — L’offensive générale des armées alliées, du 26 septembre
au 15 octobre. Enlèvement de la position Hindenburg.
Chapitre XII — Le problème des effectifs, des fabrications de guerre et
des communications à l’automne de 1918.
Chapitre XIII — L’offensive générale des armées alliées du 15 octobre
au 11 novembre 1918.
Chapitre XIV — L’armistice.
Chapitre XV — La marche au Rhin.
AVANT-PROPOS.
Au cours de la dernière guerre, mes fonctions m’ont successivement appelé à
différents postes, d’abord à la tête du 20e corps, et ce sont alors les opérations
de Lorraine jusqu’à la fin d’août 1914. Puis je commande la 9e armée, et c’est la
bataille de la Marne. Après cela, comme adjoint au général commandant en chef,
je suis chargé de coordonner dans le nord les actions des troupes françaises avec
les troupes alliées, britanniques et belges ; ce sont alors les batailles de l’Yser,
d’Ypres, les attaques d’Artois et la bataille de la Somme, qui nous mènent à la fin
de 1916.
Comme chef d’état-major général de l’armée en 1917, je fonctionne à titre de
conseiller militaire du gouvernement français. Il a en effet décidé de prendre part
à la conduite de la guerre. J’assure, entre autres entreprises, notre coopération
en Italie dès le mois d’avril. Je la dirige personnellement à la fin d’octobre et
pendant le mois de novembre de la même année. Enfin je participe à
l’installation de l’armée américaine en France. En 1918, comme président du
comité militaire exécutif de Versailles, puis comme commandant en chef des
armées alliées, je prépare et conduis l’ensemble des forces alliées du front
d’Occident.
Aujourd’hui, en toute sincérité, j’écris mes souvenirs. Ils ne forment pas une
histoire de la guerre, mais seulement le récit des événements auxquels j’ai pris
part. Comme on vient de le voir, c’est seulement dans la dernière année que ce
récit peut porter sur l’ensemble du front d’Occident. Il a été écrit d’après les
impressions que nous éprouvions au moment de l’action, comme aussi d’après
les renseignements que nous avions ou les hypothèses que nous faisions sur
l’ennemi, à ce moment toujours plein d’incertitudes.
Pour saisir comment j’ai vu et interprété les événements, peut-être n’est-il pas
inutile au lecteur de remonter plus haut, de connaître sommairement le passé de
celui qui a écrit. Les manières de voir et de faire d’un homme d’un certain âge
proviennent en effet d’une formation qui les explique naturellement quand on la
connaît, comme aussi de certaines circonstances particulières qui ont marqué
dans sa vie, au point d’en orienter et d’en fixer constamment la conduite.
Né à Tarbes, au pied des Pyrénées, en octobre 1851, d’une famille entièrement
pyrénéenne, j’avais fait mes études successivement au lycée de Tarbes, au lycée
de Rodez, au petit séminaire de Polignan, dans la Haute-Garonne, puis au collège
des jésuites de Saint-Michel à Saint-étienne, partout où la carrière de
fonctionnaire de mon père avait entraîné ma famille. À Saint-étienne s’étaient
terminées mes études préparatoires au baccalauréat ès lettres, à côté du futur
maréchal Fayolle. Bien que j’aie pu songer de bonne heure à l’école
polytechnique comme l’illustre camarade que je viens de citer, nos familles et
nos maîtres n’avaient pas cru avantageux de nous épargner le circuit littéraire
qui allait évidemment retarder le commencement de notre préparation à l’école.
C’est ainsi qu’après la classe de philosophie nous passions notre baccalauréat ès
lettres avant d’aborder les études scientifiques. Si le propre de ces dernières, de
la formation mathématique notamment, est d’habituer l’esprit à considérer des
grandeurs et des formes matériellement définies, comme aussi à préciser des
idées sur ces sujets, à les enchaîner par un raisonnement implacable et à
façonner ainsi cet esprit à une méthode de raisonnement des plus rigoureuses, le propre des études de lettres, de philosophie et d’histoire, est avant tout, en
quittant le monde de l’observation, de faire naître et de créer des idées sur le
monde vivant, par là d’assouplir et d’élargir l’intelligence, au total de la maintenir
en éveil, active et féconde, en présence du domaine de l’indéfini qu’ouvre la vie.
Devant ce vaste horizon qui est pourtant une réalité, il faut bien, pour avancer,
tout d’abord voir large, percevoir clairement, puis, un but étant choisi, y marcher
résolument par des moyens d’approche et de conquête d’une efficacité bien
assurée.
C’est ainsi que la double préparation de connaissances générales et d’études
spéciales se montre avantageuse, semble-t-il, pour qui veut, non seulement
connaître un métier, mais aussi le faire au besoin évoluer et l’appliquer
successivement à de nouveaux buts, d’une nature souvent différente. L’avenir ne
fera sans doute qu’accentuer, pour l’officier notamment, cette nécessité de la
culture générale à côté du savoir professionnel. à mesure que s’étend le domaine
de la guerre, l’esprit de ceux qui la font doit s’élargir. L’officier de réelle valeur ne
peut plus se contenter d’un savoir professionnel, de la connaissance de la
conduite des troupes et de la satisfaction de leurs besoins, ni se borner à vivre
dans un monde à part. Les troupes sont en temps de paix la partie jeune et virile
de la nation, en temps de guerre la nation armée. Comment, sans une constante
communication avec l’esprit qui anime le pays, pourrait-il exploiter de pareilles
ressources ? Comment pourrait-il présider aux phénomènes sociaux,
caractéristiques des guerres nationales, sans un certain savoir moral et politique,
sans des connaissances historiques lui expliquant la vie des nations dans le passé
et dans le présent ?
Une fois de plus, la technicité ne lui suffira plus. Il la faut doublée d’une grande
somme d’autres facultés. Facilement il comprendra d’ailleurs que son esprit et
son caractère se préparent mieux pour la guerre à venir, et que la carrière se fait
plus docilement dans la paix, si, dans un entier sentiment de discipline, il se
maintient constamment par une intelligence largement en éveil à la hauteur des
circonstances et des problèmes qui se présenteront sur sa route, plutôt qu’en
vivant uniquement de la vie de garnison et en se laissant obséder par l’idée de
gravir les échelons de la hiérarchie, sans justifier de capacités grandissantes.
À défaut de cette conception, l’officier de carrière risque de se voir préférer, au
jour de la guerre, l’officier de complément muni certainement du savoir
indispensable, mais que le train d’une vie plus productive a maintenu dans une
plus féconde activité.
En tout cas, après avoir terminé mes études littéraires au collège saint-Michel,
j’allais à Metz, en 1869, poursuivre au collège Saint Clément ma préparation à
l’école polytechnique. C’était un établissement très bien dirigé, en plein
développement, principalement recruté en Alsace et en Lorraine, préparant de
nombreux candidats aux écoles de l’état : polytechnique, Saint-Cyr et forestière,
dans des cours remarquablement faits. Deux hommes notamment, le père
Saussié et le père Causson, y tenaient une grande place par leur savoir et par
leur dévouement absolu à la formation de leurs élèves. Un patriotisme ardent les
animait sur cette frontière toujours menacée. Ils le communiquaient à leurs
disciples, ils en poursuivaient un premier couronnement dans le succès de leurs
élèves aux concours d’admission aux écoles.
Les événements de 1870 nous trouvaient dans cette excitation laborieuse. Ils
allaient nous laisser des souvenirs profonds. C’est, dès la fin de juillet 1870, une
importante partie de l’armée française se réunissant autour de Metz dans un excellent esprit mais avec un manque d’organisation impressionnant. C’est, par
un soir déclinant, l’empereur Napoléon III arrivant pour prendre le
commandement en chef et remontant la rue Serpenoise, affalé dans sa voiture
découverte, accompagné du prince impérial au regard inquiet et interrogateur,
escorté des magnifiques cent-gardes, au milieu d’une population anxieuse et
troublée à la vue de ce tableau de lassitude.
C’est l’installation à la préfecture du quartier généra