Modélisations et sciences humaines
470 pages
Français

Modélisations et sciences humaines , livre ebook

470 pages
Français

Description

Depuis quelques décennies, dans la littérature scientifique en général, et dans les sciences humaines en particulier, se sont installés les termes de modèle et de modélisation. Mais quel sens donner à ce phénomène ? Qu'entend-on par modèle et modélisation ? Sont-ce des termes spécifiques aux sciences humaines ? Des liens peuvent-ils se nouer avec les mathématiques, par exemple ? Cet ouvrage propose un état des lieux et des usages.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 juin 2016
Nombre de lectures 18
EAN13 9782140012419
Langue Français
Poids de l'ouvrage 28 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

omniprésents dans la littérature scientiIque et en particulier celle des
phénomène ? Même si dans certains cas, c’est la déInition « classique »
à combler le fossé entre enquête empirique et réexion théorique. La
simuler
îgurer
humaines, ont-elles développé des types de modélisation spéciIques ?
Cette réexion sur les modèles et la modélisation, menée sur les
Ont contribué à cet ouvrage : , Claude B , Manuel Gustavo I , Dominique , Jacqueline L Olivier O , Savina , Georges Daniel V
H S
Sous la direction de Claude Blanckaert, Jacqueline Léon et Didier Samain
et Didier Samain Modélisations et sciences humaines Figurer, interpréter, simuler
Histoire desSciencesHumaines
MODÉLISATIONS ET SCIENCES HUMAINESFIGURER,INTERPRÉTER,SIMULER
Histoire des Sciences HumainesCollectiondirigée par Claude BLANCKAERT
Fortes désormais de plusieurs siècles d’histoire, les sciences humaines ont conquis une solide légitimité et s’imposent dans le monde intellectuel contemporain. Elles portent pourtant témoignage d’hétérogénéités pro-fondes. Au plan institutionnel, la division toujours croissante du travail et la concurrence universitaire poussent à l’éclatement des paradigmes dans la plupart des disciplines. Au plan cognitif, les mutations intellectuelles des vingt dernières années ainsi que les transformations objectives des sociétés post-industrielles remettent parfois en cause des certitudes qui paraissaient inébranlables. Du fait de ces évolutions qui les enrichissent et les épuisent en même temps, les sciences humaines ressentent et ressentiront de plus en plus un besoin de cohérence et de meilleure connaissance d’elles-mêmes. Et telle est la vertu de l’histoire que de permettre de mieux comprendre la logique de ces changements dans leurs composantes théoriques et pratiques. S’appuyant sur un domaine de recherche historiographique en pleine expansion en France et à l’étranger, cette collection doit favoriser le dé-veloppement de ce champ de connaissances. Face à des mémoires disci-plinaires trop souvent orientées par des héritages inquestionnés et par les conflits du présent, elle fera prévaloir la rigueur documentaire et la ré-flexivité historique.
Dernières parutions P. Clerc et M.-C. Robic,Des géographes hors-les-murs ? Itinéraires dans un Monde en mouvement (1900-1940), 2015. B. Gérard,Histoire de l’ethnomusicologie en France (1929-1961), 2014. e e N. Hulin,Les sciences naturelles. Histoire d’une discipline duXIXauXXsiècle, 2014. N. Hulin,Culture scientifique et humanisme. Un siècle et demi d’engagement sur le rôle et la place des sciences,2011. É. Chapuis, J.-P. Pétard, R. Plas (dir.),Les psychologues et les guerres, 2010. C. Blanckaert,De la race à l’évolution. Paul Broca et l’anthropologie française (1850-1900), 2009. N. Hulin,L’Enseignement et les sciences. Les politiques de l’éducation en e France au début duXXsiècle, 2009 S. Moussa (dir.),Le mythe des Bohémiens dans la littérature et les arts en Eu-rope, 2008. Buffon,De l’homme, présentation par M. Duchet, postface de C. Blanckaert, 2006. S. Collini et A. Vannoni (éd.),Les instructions scientifiques pour les voyageurs e e (XVII-XIXsiècle), 2005.
Sous la direction de Claude BLANCKAERT, Jacqueline LÉON et Didier SAMAIN
MODÉLISATIONS ET SCIENCES HUMAINESFIGURER,INTERPRÉTER,SIMULER
Publié avec le soutien du Centre Alexandre Koyré
Illustration de couverture :Taxinomiepar Didier Samain
© L’HARMATTAN, 2016 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr ISBN:978-2-343-09294-2EAN :9782343092942
Introduction
DES SCIENCES DU VISIBLE
Didier SAMAIN
« … une graphie violemment réductrice, apparemment transcriptive – en vérité, une codification profondément modificatrice et éclairante. La fleur devient alors un schéma, l’animal, un dessin, et les cailloux, les agglo-mérats les plus confus, de claires équations numériques, des chiffres… » (François Dagognet, 1973 : 47).
Un mot et ses usages
Quelques remarques historiques et lexicographiques On date généralement du lendemain de la première guerre mondiale l’irruption généralisée de la référence à la modélisation. C’est toutefois un peu plus tard que la notion demodèlestabilise en logique à partir se des travaux de Tarski (1954), qui en fournissent depuis la définition canonique, reprise sans modification substantielle par Nagel (1961), ou Badiou (1969). Résumée en langage ordinaire, cette définition pose qu’est « modèle » une interprétation sémantique d’une théorie formelle 1 dans laquelle cette théorie est vraie. On dira ainsi que l’arithmétique est un « modèle » (une interprétation possible) de la théorie des nombres. Dans un autre domaine, empirique cette fois, la loi de Zipf, qui énonce une régularité formelle sans préjuger de ses causes, accepte plusieurs interprétations différentes : économique, géométrique, probabiliste, etc., ________________ 1. Dans ce qui suit, les expressionsinterprétation canonique,conception canonique (des modèles)désignent par abréviation cette conception. Non qu’elle serait effectivement le prototype (ou l’origine, ou l’aboutissement) des autres – l’hypothèse ne vaudrait dans le meilleur des cas que pour l’histoire de la logique –, mais parce qu’on peut, convention-nellement et par commodité, la traiter comme un prototype. Voir note 2 page suivante.
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Didier SAMAIN
dont il est donc permis de dire qu’elles sont autant de « modèles » de 1 cette loi. De même, si une régularité morphosyntaxique dans une langue donnée peut recevoir aussi bien une interprétation sémantique que rec-tionnelle, on peut considérer que sémantique et rection sont donc deux « modélisations » de ladite régularité. Rien n’empêche par ailleurs un modèle d’intégrer des variables hétérogènes : si on tente par exemple de reconstituer (par simulation sur ordinateur ou autrement) ce qui a pu conduire à une situation donnée, mettons tel type de développement ur-bain, en combinant à cette fin une série non close de variables indépen-dantes, allant de la sociologie des populations à la topographie des lieux, en passant par des données archéologiques, on aura établi un « modèle » de développement urbain, c’est-à-dire une interprétation possible de ce développement. Ces exemples simples devraient suffire à montrer que, prise dans cette acception, la modélisation s’est sans doute pratiquée comme la prose de Monsieur Jourdain, c’est-à-dire bien avant que l’échec conjoint du pro-gramme de Hilbert et de celui du Cercle de Vienne (dans sa version réductionniste initiale) n’aient conduit un Tarski à réintroduire la séman-2 tique en logique. Dans cette acception spécifique, s’il y a un avant et un après, il réside donc sans doute moins dans les pratiques elles-mêmes que dans leur explicitation, car il reste vrai que ce n’est pas tout à fait la même chose de faire de la prose sans le savoir et de réfléchir sur la prose. Nul doute que l’intervention du calcul n’ait par ailleurs contribué, no-tamment dans les disciplines qui privilégient aujourd’hui des approches multifactorielles, à modifier ladimensiondes modèles. Quoi qu’il en soit, le mot ou la notion se sont entre-temps largement diffusés dans nombre de disciplines allant des sciences de la nature aux sciences de l’ingénieur, en passant par celles de l’homme, au point de concurrencer désormais d’autres mots qui firent jadis florès : « para-digme », « épistémè », « style cognitif », etc. Ce qui conduit à la question
________________ 1. Cette « loi » empirique pose l’existence d’une corrélation formelle et régulière entre le rang d’une ville et sa population. Elle a été ensuite étendue à d’autres situations. Cf., ici même, Léon et Varenne. La définition de la modélisation avancée par Sinaceur (1999 : 651) et citée par Léon est également une application de la conception canonique aux processus physiques (N.B. Toute mention d’auteurs non référencés renverra désor-mais aux articles des auteurs du présent livre). 2. Voir par exemple Viain, qui expose, dans une perspective presque identique, un cas d’intégration d’un « modèle » sémantique dans la grammaire (rectionnelle) arabe. En ce qui concerne l’histoire de la logique, Tarski semble une balise valide, même si la théorie des modèles s’est esquissée progressivement. Sur Tarski, cf. Armatte, mais l’article d’Isaac, qui retrace l’évolution de Frege depuis l’idéographie de 1879 jusqu’au début des années 1890, donne à penser que ce dernier avait esquissé une conception interprétative des modèles assez voisine de celle ultérieurement exposée par Tarski.
Des sciences du visible
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posée par Blanckaert dans son article de synthèse : si ces mots ne sont pas interchangeables, comment interpréter cette évolution lexicale ? Et cela d’autant que, comme il arrive souvent, l’extension d’un emploi semble inversement proportionnelle à sa rigueur. De fait, si la définition rappelée ci-dessus se retrouve invariablement en bonne place dans tout dic-tionnaire d’épistémologie, voire de philosophie générale, elle ne s’y trouve jamais en exclusivité. Alors que les motsmodèleetmodélisationse sont généralisés, les dictionnaires, et tout autant les nombreux ouvrages consacrés à la question des modèles, sont en effet bien en peine d’en proposer un tableau unifié dès qu’ils tentent de franchir les limites des quelques champs disciplinaires dans lequel un emploi à peu près uni-1 voque de la notion semble s’imposer. Face à cette « polysémie aussi désarmante que productive » (Blanckaert), les solutions les plus souvent adoptées consistent, soit à tenter d’en illustrer les emplois par domaines, 2 c’est ce que font fréquemment les recueils, soit à adopter une classifi-cation plus dictionnairique, c’est-à-dire un regroupement organisé par 3 acceptions. Et ceci complique déjà un peu notre tableau, puisque cela suggère que ce travail de définition s’apparente alors bien plus à une enquête lexico-graphique qu’à une axiomatique terminologique. Il s’agit dans ce cas de motset d’emplois, dont les acceptions, partagées ou non, restent généra-lement implicites, et dont les occurrences s’étendent jusqu’à celles éta-blies depuis longtemps dans la langue ordinaire (le « modèle » du peintre par exemple). D’une part, il devient dans ces conditions difficile, voire illusoire, de les réduire à un noyau invariant, mais, d’autre part, et quand bien même n’y verrait-on qu’un effet de mode, on ne peut négliger le fait sociologique et phraséologique de la diffusion, à un moment donné, d’un
________________ 1. Le Moigne (1977), qui est ingénieur de formation, en fournit par exemple une analyse assez précoce et parfaitement cohérente pour les sciences de l’ingénieur. Mais nous sommes alors dans un cadre disciplinaire déterminé. Si l’on adopte une perspective plus générale, une solution radicale fut parfois de procéder par ukazes, tel Badiou (op. cit.), qui n’accorde la qualité de « scientifiques » qu’aux savoirs mathématisés et dont les « modèles » lui paraissent obéir aux principes qui viennent d’être rappelés. Cette position est très efficace : dès lors qu’une épistémologie est censée coïncider avec sa terminologie, et que l’une et l’autre se soumettent à un discours d’autorité, les choses deviennent tout de suite beaucoup plus simples. Le présent ouvrage a essayé de ne pas céder à cette com-modité. 2. Par exemple, Nouvel, 2002. 3. Blanckaert observe qu’« à son échelle d’analyse propre, le métadiscours historio-graphique n’est pas en reste, soit qu’il étudie rigoureusement les modalités de diffusion ou de création des “modèles” dans les sciences concernées, soit qu’il enregistre la réforme lexicale récente en transposant au profit du seul “modèle” ce qu’on tenait naguère pour théorie, schéma, méthode ou simple “analogie” ».
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