Mondes paysans
214 pages
Français

Mondes paysans , livre ebook

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214 pages
Français

Description

Dans une grande majorité des cas, les communautés paysannes manifestent des résistances, souvent qualifiées d'immobilisme ou de refus du progrès, à l'évolution technologique. Le propos questionne ici l'origine des changements préconisés, leur légitimité, leur compatibilité avec le système social supposé les accueillir. Il s'arrête aussi sur les conditions de l'adoption et de la diffusion de la technique, à travers sept exemples concrets.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2012
Nombre de lectures 35
EAN13 9782296500839
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

hydrauliques à Madagascar, gestion des efLuents et gestion de l’eau en
ces communautés ont manifesté des résistances, souvent qualiîées
Inversement, le cas de l’électriîcation rurale en Guyane montre combien
Dessin de couverture : Jean-Pierre Pénez, Rémire-Montjoly, Guyane.
MarieChristine Zélem
MONDES PAYSANS
Innovations, progrès technique et développement
Témoignage de Pierre Brugel
L O G I Q U E S S O C I A L E S
MONDES PAYSANS
)nnovations, progrès technique et développement
Logiques sociales Collection dirigée par Bruno Péquignot En réunissant des chercheurs, des praticiens et des essayistes, même si la dominante reste universitaire, la collection « Logiques Sociales » entend favoriser les liens entre la recherche non finalisée et l'action sociale. En laissant toute liberté théorique aux auteurs, elle cherche à promouvoir les recherches qui partent d'un terrain, d'une enquête ou d'une expérience qui augmentent la connaissance empirique des phénomènes sociaux ou qui proposent une innovation méthodologique ou théorique, voire une réévaluation de méthodes ou de systèmes conceptuels classiques. Dernières parutions Henry TORGUE,Le sonore, l’imaginaire et la ville. De la fabrique artistique aux ambiances urbaines, 2012. Hugues CUNEGATTI,Passer son permis. Sociologie d’une formation déniée, 2012. Gilles VIEILLE MARCHISET et Anne TATU-COLASSEAU, Sociologie(s) du sport, 2012. Olivier SERVAIS,L’Épistémologie pratique de Pierre Bourdieu, 2012.Rahma BOURQIA (dir.), Territoires, localité et globalité. Faits et effets de la mondialisation, volume 2. 2012. Rahma BOURQIA (dir.), La sociologie et ses frontières. Faits et effets de la mondialisation, volume 1. 2012. Hugues CUNEGATTI, Charles SUAUD (dir.),La sécurité routière : enjeux publics et société civile, 2012. Catherine ESPINASSE, Eloi LE MOUEL (dir.),Des liens qui créent des lieux,Tome 2, 2012. Catherine ESPINASSE, Eloi LE MOUEL (dir.),Des lieux qui créent des liens,Tome 1, 2012. Sabrina DAHACHE,Féminisation de l’enseignement agricole, 2012. Odile MERCKLING,Parcours professionnels de femmes immigrées et de filles d’immigrés, 2012.
Marie-Christine Zélem
MONDES PAYSANS
)nnovations, progrès technique et développement Témoignage de Pierre Brugel
Du même auteur : Politiques de Maîtrise de la Demande d’Energie et résistances au changement. Une approche socio-anthropologique. Paris, L’(armattan, coll. « Logiques sociales », ʹͲͳͲ. En collaboration : Marie-Christine Zélem, Odile Blanchard, Didier Lecomte ȋdirsȌ, L’Education au Développement Durable de l’école au campus.Paris, L’(armattan, coll « Questions contemporaines », ʹͲͳͲ. © L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99655-7 EAN : 9782296996557
 Durant mes années de collège dans le Cantal, Pierre Brugel a été mon professeur d’espagnol et mon professeur d’occitan aussi. Ses cours n’avaient rien de commun avec les autres.J’appréciais le mode sarcastique de ses critiques sur les responsables de ce « monde paysan à la dérive ». Il a éveillé chez moi une certaine conscience.A posteriori, lorsque je retrace mon parcours de la sociologie rurale à la sociologie du développement puis à la sociologie politique et au monde associatif, je réalise combien il a contribué à influencer ma vision du monde. «Peut-être bien qu’on n’enseigne pas seulement ce que l’on sait, mais qu’on enseigne aussi ce que l’on est» dit-il.
J’avais envie de lui offrir un espace dans cet ouvrage.
A Julie A ses grands-parents, autrefois paysans
Témoignage ______________________________________________________________________
 La société productiviste produit beaucoup, et beaucoup d’ordures, au point de ne savoir où les mettre, ni comment s’en débarrasser. Or, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». La société traditionnelle ne produisait pas d’ordures, surtout pas de produits résiduaires organiques nommés « PRO» comme c’est indiqué dans un des chapitres de ce livre.
Moi qui suis né dans la paysannerie qui, en travaillant la terre des autres, ne visait que la subsistance, je regarde et j’écoute tous les ultra compétents qui parlent de la crise et de la croissance qui ne revient pas. Moi qui ai connu un monde localement sans croissance, puis l’emballement des trente glorieuses, je repense à mon père qui me dit un jour, en fin de labour avec nos vaches : « un jour le robinet du pétrole sera fermé et alors…». Il est mort au moment du « premier choc pétrolier ».
Avant 1940, mon père était premier valet d’une ferme en expansion à Fontmaure sur le plateau de la Viadène, ferme qui a rassemblé jusqu’à 75 hectares. Le propriétaire, petit paysan d’origine, investissait dans l’agriculture tous les projets que sa femme, douée pour les affaires, réalisait à Paris dans l’hôtellerie. Il achetait toutes les parcelles qui se vendaient autour de sa ferme natale. Mon père « soulevait » les bruyères, les amendait avec un camion (hippomobile) de scories de déphosphoration Thomas, bon amendement en calcaire. Il
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ensemençait les bruyères en seigle, seigle qui était suivi par un trèfle ou un autre fourrage fixant l’azote atmosphérique; puis venait le pâturage. La paille de seigle, le fourrage et le pâturage faisaient grandir le troupeau qui, à son tour, faisait grossir le tas de fumier fertilisant. L’herbe nourrissait les « tracteurs » (des bœufs et trois juments)qui tractaient la charrue, la faucheuse et la moissonneuse lieuse, et puis le camion pour aller à la ville. La batteuse était mise en mouvement par le bois des haies. Vraiment, labourage et pâturage étaient bien les deux mamelles de cette ferme.
(Je me souviens avoir trouvé, en 1989, le cahier de doléances de la paroisse de Prunet, en Châtaigneraie, paroisse tout à fait comparable par le sol et les bruyères à la ferme de Fontmaure. Ce cahier de doléances a celad’exceptionnel que son scribe n’a pas écrit les doléances politiques de la bourgeoisie rurale. Il a réellement écouté les paysans : «la paroisse souffre d’un manque d‘herbages qui entraîne un manque de traction animale et de fermiers pour augmenter la production de céréales à la hauteur des besoins. C’est là le cycle de la pauvreté »).
Par la suite, après la guerre, mon père souffrant d’une sciatique, revint à la petite paysannerie dans les côtes du Goul. Avec quatre vaches et quatre chèvres, il produisait bon an mal an, suffisamment de seigle pour la subsistance de la famille. Mais ce seigle ne donnait pas assez de litière pour les bêtes et pour le tas de fumier fertilisant. D’abord la châtaigneraie devait être débarrassée avant la récolte des fougères et de la bruyère qui poussaient entre les arbres. Après la récolte, il restait la jonchée de feuilles et de bogues. Au balai de châtaignier, au râteau et à la fourche, nous les rassemblions au bord du chemin en tas que nous couvrions de branches pour éviter la dispersion par le vent. La « paille» de blé noir passait aussi par l’étable. Au besoin, mon père fauchait avec une faux épaisse une partie de la lande. Ou bien il coupait une « baste » (une jachère de genêts) et la débitait avec une hache sur un billot. Plus haut, sur le plateau du Barrez, dans la grande ferme voisine de 150 hectares, les refus de pâturage (poussés sur les bouses des
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vaches) et les joncs des « vergnes » (où le tracteur ne passait pas de peur de s’enfoncer) narguaient l’agriculteur. On était bien contents quand mon père demandait de faucher pour la litière.
Jamais je n’ai vu mon père épandre d’engrais chimiques et la ferme ne produisait pas de produits résiduaires organiques. Les épluchures des légumes et autres végétaux du jardin passaient dans les cages des lapins. A la saison, les restes de châtaignes bouillies passaient à la volaille. Et les crottes des lapins et la « gallinace » (les fientes des volailles) représentaient un bon fumier pour le jardin. Les « eaux grises » de la vaisselle et les « eaux blanches » de la laiterie passaient à la pâtée des cochons.
Non, dans mon souvenir, l’agriculture paysannesavait réutiliser les « PRO ». Quand je fis des études, les sciences naturelles, très descriptives des espèces vivantes, étaient muettes sur ce que nous appelons aujourd’hui l’écologie, les interactions de la vie des espèces. Cependant, nos manuels de sciences naturelles comportaient deux tableaux : le cycle du carbone et le cycle de l’azote. Ces deux tableaux prenaient en compte ce qui se vivait dans la ferme de mes parents.
Je ne me retiens plus d’avouer que j’ai la religion de la matière organique. Pour moi, même morte, elle garde quelque chose de la vie (avant d’y retourner). A Aurillac, le «paysan » retraité que je suis est réduit à cultiver trois pots de géranium sur son balcon. J’ai toujours un récipient en plastique où je mets non seulement mes feuilles et fences mortes, mais tous les déchets végétaux. Je n’ai pas de lapins. Après compostage, je vais verser mes récipients à la campagne sur un tas de fumier à la lisière d’un bois. Je préférerais que les tontes restent sur place et amendent et fertilisent les gazons dont elles proviennent, mais je n’arrive pas à m’indigner. Un tas de gazon ça a été vivant, ça ne peut pas être sale, ni polluant pour le bois. Je me demande si le tondeur ne sauve pas ainsi de la décharge une matière organique que d’autres considèrent comme une ordure.
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