Penser l aide
163 pages
Français
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Description

Depuis une dizaine d'années, les professionnelles de l'aide institutionnalisée sont amenés à exécuter des politiques sociales axées de plus en plus fortement sur le contrôle. Quel est le sens de cette profession et comment trouver l'espace nécessaire pour produire de l'aide ? Les recherches théoriques exposées dans cet ouvrage concluent à la dimension subversive de l'aide et permettent de construire une identité professionnelle des travailleurs sociaux.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2010
Nombre de lectures 63
EAN13 9782296253025
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait











Remerciements
Tout au long de l’écriture de ce livre, j’ai éprouvé une profonde
reconnaissance envers Michel Taleghani qui, à travers sa maïeutique,
m’a « autorisée » à penser. Tout en me nourrissant de sa « pensée
théorisante », il m’a accompagnée sur les chemins parfois tortueux de
ma réflexion.
La liste de celles et de ceux auxquels s’adressent mes plus sincères
remerciements est longue. En effet l’aventure que représente cet écrit
n’aurait sans doute pas abouti si de nombreuses collègues, par leur
confiance, ne m’avaient poussée, soutenue, critiquée, encouragée, tout
particulièrement Aline Fino-Dhers qui, avec patience et perspicacité, a
suivi le développement de mon raisonnement.
Bien sûr je n’oublie pas les amis qui se sont intéressés à ce travail,
et notamment Pierre et Laurent qui m’ont aidée à apprivoiser cet outil
aussi génial que torturant, l’ordinateur.

*P R O L O G U E
Quelle étudiante en service social n’a pas eu l’intention d’aider
en choisissant cet itinéraire professionnel ?
L’acte d’aider, dans notre civilisation judéo-chrétienne fut
valorisé, valorisant, respecté et méritoire jusqu’à l’émergence
des théories freudiennes. La prise en compte de l’Inconscient, la
mise en évidence de l’effectivité de l’ambivalence affective
dans toute relation sont venues troubler la bonne conscience
altruiste et sacrificielle. L’esprit charitable et le désir d’aider ont
perdu leur respectabilité et sont même devenus suspects.
Dans les années 70, les analyses sociologiques, sous
influence des théories marxistes, telle celle de Jeannine
Verdès1Leroux , ont participé à la désacralisation de l’aide et ont
dénoncé la mission du service social, au mieux, comme illusoire,
au pire comme stratégie du contrôle social, au profit des
o« dominants » (Intermède 1 histoire n 3). Ces démonstrations

* Conçu et écrit après 40 ans d'expériences de service social et des années de
recherche sur le sens de cette profession dite d'aide, cet essai peut paraître un
peu passé étant donné les références et citations. Cependant, l'auteur pense
qu'il n'est pas dépassé et que cette réflexion est plus que jamais d'actualité dans
le questionnement sur les paradoxes de l'inscription de l'aide dans les contraintes
du contrôle social. En effet, depuis une dizaine d'années, les professionnelles de
l'aide institutionnalisée sont amenées à exécuter des politiques sociales axées de
plus en plus fortement sur le contrôle.
On est en droit de se demander quel est le sens de cette profession et comment
trouver l'espace nécessaire pour produire de l'aide.
Les recherches théoriques exposées dans cet ouvrage concluent à la dimension
subversive de l'aide et permettent de construire une identité professionnelle des
travailleurs sociaux.
1 J. Verdès-Leroux, Le Travail Social, Paris, Minuit, 1978.
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ont semé le doute, la culpabilité, le déni, la dépression ou la
colère au sein de la profession. Ce procès d’intention a fait
apparaître brutalement le langage de l’aide comme discours de
l’illusion au service du discours institutionnel, inscrit dans le
contrôle social.
Pourtant une longue pratique de sélection au concours
d’entrée dans un institut de formation d’assistants sociaux
permet le constat qu’individuellement l’orientation professionnelle
est toujours motivée par le désir d’aider et une demande des
candidates d’apprendre à aider. Au cours de cette expérience,
je n’ai jamais entendu une candidate exposer consciemment un
désir de contrôler une certaine population, comme a voulu le
démontrer J. Verdès-Leroux.
Cette attente des futures professionnelles pose l’aide, et plus
particulièrement l’aide sociale professionnelle, non plus comme
une faculté naturelle, affectivo-intuitive (le plus souvent
asso2ciée à une spécificité féminine ), souvent qualifiée d’indicible,
mais comme un objet de connaissance, objectivable donc
transmissible.
Pendant longtemps, les programmes d’enseignement se
présentaient comme une sorte de patchwork des sciences
humaines : de belles pièces de psychologie, psychiatrie, psychanalyse,
un morceau de sociologie, un bon bout de droit et de législation
sociale, des éléments de sciences politiques et politiques
sociales, enfin, pour suivre l'évolution de la société, des notions
d’économie et de science de l’information et de la
communication. Parallèlement, et sans lien évident, l’histoire du service
social, ses fondements éthiques, son code de déontologie
développaient l’appartenance professionnelle, tandis que les stages
et les méthodologies modelaient les savoir-faire.

2 Tout au long de ce livre, je parlerai des assistantes sociales, la règle de la
supériorité du nombre paraissant plus réaliste, sans pour autant exclure les
rares courageux qui ont choisi cette profession.
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Toutes ces disciplines sont des éléments importants mais
périphériques par rapport au noyau dur de la profession : la pratique,
ses aléas, ses tenants et ses aboutissants théoriques, politiques et
éthiques, et nous sommes en droit de nous demander comment
cette juxtaposition de savoirs théoriques hétéroclites peut
produire du sens et de la pensée en travail social.
Depuis 1980, le programme de formation initiale tente
d’intégrer la nécessité d’articuler ces connaissances à la
spécificité du travail social et la question s’est alors posée pour les
formateurs : comment réaliser cette articulation, comment éviter
cette rupture entre stages et acquisitions théoriques, comment
construire des liens entre connaissances formelles et morcelées
et connaissances empiriques se développant sur le terrain ? Y
a3t-il une science de l’aide : l’aidéologie ?
Ce livre propose de réunir et mettre en cohérence les
connaissances sur l'aide sociale professionnelle, phénomène
devenu objet d’étude spécifique.
À l'aube de la retraite, après quarante ans d'expériences, de
questionnements et de recherches en travail social, a émergé le
désir de mettre de l'ordre dans les connaissances acquises, de
les articuler et de les mettre par écrit pour apporter quelques
éléments de réflexion à la lente et difficile conceptualisation de
l'aide sociale professionnelle, partie la plus significative du
travail social.
On peut qualifier ce travail d'essai, « comme exercice de soi,
dans la pensée, qui exige l'autre » … « Comme épreuve
modifi4catrice de soi-même, dans le jeu de la vérité . »
Nous prenons à notre compte cette position de sociologues :
« Nous n’avons pas cherché à dissimuler sous un scientisme de
façade nos options et nos rejets, ni à séparer par une frontière
(dite autrefois “épistémologique”) infranchissable, les
“jugements de faits” et les “jugements de valeur”. Car, comme

3 o « Jalons pour une Aidéologie », Forum, n 51, mai 1990.
4 Expression de Michel Foucault dans Le souci de Soi, citée in W. Schmid,
« Foucault, la forme de l'individu », Magazine Littéraire, avril 1989.
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l’enseignait Max Weber, sans la ressource d’un “point de vue”
engageant des valeurs, comment serait-il possible de
sélectionner, dans le flux embrouillé de ce qui advient, ce qui mérite
5d’être relevé, analysé, décrit ? »
Ainsi, au-delà d'une recherche d'objectivation, des prises de
position accompagnent cette réflexion dans la mesure où elles
peuvent apporter un éclairage dans les difficultés à lier les
intentions au discours dominant. L'intention est à mettre en lien
avec la notion d'engagement, acte pensé, impliqué et personnel,
qui ne saurait se confondre avec l'acte militant, b

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