Saisons tardives
146 pages
Français

Saisons tardives , livre ebook

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146 pages
Français

Description

Ce récit intimiste propose les fragments de vie d'une enfant née dans une famille paysanne et de son cheminement pour devenir femme. Ce parcours est marqué par la mort brutale et prématurée du père. La maladie, puis la renaissance grâce à une greffe de rein, forcent à rompre la fatalité d'une transmission familiale et élargissent le champ du regard à d'autres possibles. L'auteure aborde ici le passage difficile d'une société traditionnelle et rurale à la société moderne où chacun ressent la nécessité de s'inventer une histoire propre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2013
Nombre de lectures 12
EAN13 9782296531543
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Michèle BonnardSaisons tardives
…A six ans, je suis une fllette timide, un peu farouche, dont Saisons tardivesl’univers, immense à mes yeux, s’est borné jusque-là à la portée de ma
vue : le hameau dominé par la barrière montagneuse, le jardin et les prés
alentour. Vie sans contraintes, rythmée par les saisons, vie paysanne qui
romanse suft à elle-même…
Saisons tardives est un récit intimiste, fragments de vie d’une
enfant née dans une famille paysanne et de son cheminement pour
devenir femme.
Ce parcours est marqué par la mort brutale et prématurée du père.
La maladie, puis la renaissance grâce à une grefe de rein, forcent à
rompre la fatalité de la transmission familiale, et élargissent le champ
du regard à d’autres possibles.
A travers son histoire singulière, l’auteure aborde ici un thème
universel et social  : celui du passage difcile d’une société traditionnelle
rurale immuable, où l’individu, et plus particulièrement la femme,
n’existe pas face au groupe, à la société moderne où chacun ressent la
nécessité de s’inventer une histoire propre.
Michèle Bonnard vit dans un petit village de montagne, où elle est
secrétaire de mairie. Elle a participé à l’ouvrage collectif Ecritures de
l’intime, le récit de soi face au regard de l’autre, publié aux éditions
Traces de vie en avril 2011.
Illustration de couverture : Peinture de Dominique Weill.
collection
ISBN : 978-2-343-00332-0
14,50 € Amarante
BONNARD_135x215.indd 1 22/02/13 14:57
Michèle Bonnard
Saisons tardives





SAISONS TARDIVES


Amarante



Cette collection est consacrée aux textes de
création littéraire contemporaine francophone.

Elle accueille les œuvres de fiction
(romans et recueils de nouvelles)
ainsi que des essais littéraires
et quelques récits intimistes.








La liste des parutions, avec une courte présentation
du contenu des ouvrages, peut être consultée
sur le site www.harmattan.fr







Michèle Bonnard










SAISONS TARDIVES

Roman














L’Harmattan





































© L’Harmattan, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-343-00332-0
EAN : 9782343003320
J’ai quatre ans et je suis la plus belle dans ma petite robe
bleue.

Je marche tête baissée pour mieux l’admirer, puis la
soulève à hauteur de mes yeux, la palpe et la tortille dans
tous les sens pour en distinguer tous les motifs.

C’est une toute petite robe de coton bleu ciel, que ma
mère a cousue pour moi. De fins motifs bleu marine la
parsèment, qui illustrent les fables de La Fontaine.

Ravissement à la vue de ces petites saynètes animées : le
renard et les raisins, le loup, la cigogne, le corbeau perché
sur son arbre, l’agneau, le bouc… Je les contemple tour à
tour, en scrute inlassablement tous les détails. Ces petits
animaux virevoltant autour de moi, au rythme de mes
pas, gonflent mon cœur de joie.

J’ai quatre ans et je suis la plus heureuse dans ma petite
robe bleue.
















5 As-tu jamais su, ma mère, que tout le bonheur du monde
était contenu dans ce petit bout de tissu doux ?

Oui, je fus cette enfant éblouie, ce petit corps gracile
auréolé d’un léger bout de tissu bleu.
Je fus cette petite fille heureuse, née un jour d’automne
dans une famille paysanne.

T’en souviens-tu, ma mère, toi qui ne veux plus te
souvenir, toi qui ne sais pas te souvenir… ?
























6 Naissance
___________________________________________________




Un pâle soleil d’automne roussissait les pentes de la forêt,
et la tiédeur de l’air invitait à s’attarder au jardin, à
rattacher les chrysanthèmes, ou à cueillir les fleurs
ébouriffées des derniers asters …
…ou bien le froid s’était-il déjà installé, et un grand vent
d’octobre, obligeant à se calfeutrer, dépouillait les frênes
de leurs feuilles racornies, déjà desséchées, les faisant
tourbillonner et s’amasser aux encoignures des seuils de
portes ?

Etais-tu dans l’étable, au grenier, ou occupée dans le
potager à rentrer les courges avant les premières gelées,
ou encore à repasser, laver ou repriser ? Je ne t’imagine
pas te reposer, te ménager. Cela n’a pas pu exister.
Jusqu’au dernier moment, tu as travaillé, fait comme si de
rien n’était. D’ailleurs, de ces choses-là, on ne parlait pas.
Seul le travail comptait. Sentiments étouffés, émotions
ravalées, souffrances cachées.

Et pourtant, je me plairais tant à imaginer Joanna se
penchant vers toi, et te disant gentiment « Albina,
reposetoi ».
Et, après tout, pourquoi pas ?
Oui, cela aurait pu exister, pourquoi m’appliquerais-je à
noircir ce dont je ne peux me souvenir, sous prétexte que
plus tard…

Une douleur soudaine et sourde, venue du tréfonds de
toi, t’a sans doute alertée, puis très vite affolée. Tu as
attendu, paralysée, guettant la douleur qui irradiait. As-tu
7 osé en parler à Joanna ? Tu l’aurais fait si elle n’était pas
partie garder les vaches au pré.
Alors tu as couru chercher Jean dans la forêt, ou occupé à
empiler du bois sous le hangar, ou encore à enrouler les
clôtures au bout du champ de dessous.
« Je crois que c’est le moment » as-tu haleté, essoufflée.
C’est tout, si peu de paroles échangées. Jean s’est
dépêché, s’est changé en vitesse, lui aussi affolé : plus de
doute, pour la première fois, tu vas accoucher.

Jusqu’au jour de ton mariage, tu n’as jamais quitté cette
grande ferme austère, imposante à l’orée des bois, dans ce
hameau perché des Martourets. La ferme où tu es née.
« On ne sortait jamais », dis-tu aujourd’hui pour expliquer
la détresse dans laquelle tu t’es trouvée, un peu comme
pour t’excuser.

Car ce jour-là, celui de ton mariage, tu as quitté la grande
maison de ton enfance pour la première fois. Tu es partie
vivre dans une autre ferme, inconnue celle-là, si proche et
si lointaine à la fois, à quelques kilomètres au nord, un
peu plus haut sur le plateau.
La ferme de Jean, ou plutôt celle de ses parents, Julien et
Joanna : un arrachement pour toi.

Ton mariage t’a jetée dans une famille inconnue, qui
t’effraie : ce beau-père autoritaire que tu crains déjà tant,
cette belle-mère qui t’intimide car on dit qu’elle a du
caractère. Et Jean, ce fils de vingt-huit ans, que tu connais
si peu finalement, et qui respecte l’autorité de ses parents.
Du jour au lendemain, te voilà transplantée dans une
maison étrangère, dont tu ne saurais t’approprier le
moindre recoin. Toute chose ici vit déjà d’une vie qui ne
t’appartient pas. Où est ta place ? Tu n’avances que
timidement, ta vie est déjà marquée par le renoncement.

8 Ton esprit reste tout entier tourné vers les Martourets,
que ton cœur languissant ne parvient pas à quitter. Tu
languis loin de ton hameau, de tes parents, tu regrettes les
jours heureux du temps passé, ces jours monotones, sans
surprise, que déjà tu idéalises. Finalement, tu aurais
préféré rester la fille de tes parents. Ici tu te sens niée, ta
parole, d

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