Trois lettres au journal  L’Homme
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Description

Ernest Cœurderoy
Trois lettres au journal « L’Homme »
Londres, s.d.
TROIS LETTRES
AU JOURNAL
"L’HOMME."
ORGANE DE LA DÉMAGOGIE FRANÇAISE À L’ÉTRANGER
PAR
ERNEST CŒURDEROY
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LONDRES
JOSEPH THOMAS, 2, CATHERINE STREET, STRAND.
TROIS LETTRES
AU JOURNAL L’HOMME
À la suite d’une simple réclamation que je lui adressais, le journal l’Homme m’ayant
provoqué à une discussion sérieuse qu’il s’est reconnu plus tard incapable de
soutenir contre moi, je publie les réponses que l’impartiale rédaction de ce journal a
refusé d’insérer. Dieu merci ! la démagogie du National et de la Réforme ne règne
pas encore sur le monde, et l’on trouve en Angleterre des imprimeries sans
brevets ! PREMIÈRE LETTRE.
Au Rédacteur en chef du Journal l'HOMME :
>
Monsieur le rédacteur en chef,
J’ai sous les yeux le journal l’Homme, du 12 courant. Dans son premier article,
signé Ch. Ribeyrolles, ce journal, répondant à une allégation contraire de la
Correspondance Havas, prétend qu’aucune publication démocratique-socialiste
n’a appelé le triomphe de l’absolutisme moscovite.
Je suis surpris de trouver dans le journal l’Homme une affirmation aussi absolue.
Ses rédacteurs n’ignorent point cependant qu’en juin et septembre 1852, moi,
démocrate-socialiste apparemment, j’ai fait paraître deux publications dans
lesquelles je prévoyais les événements actuels, et j’appelais le tzarisme russe au
sac de la civilisation du monopole. Ces deux publications ont soulevé un assez
grand scandale au milieu de l’émigration ...

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Extrait

>>>LONDRESJOSEPH THOMAS, 2, CATHERINE STREET, STRAND.TROIS LETTRESAU JOURNAL L’HOMMEÀ la suite d’une simple réclamation que je lui adressais, le journal l’Homme m’ayantprovoqué à une discussion sérieuse qu’il s’est reconnu plus tard incapable desoutenir contre moi, je publie les réponses que l’impartiale rédaction de ce journal arefusé d’insérer. Dieu merci ! la démagogie du National et de la Réforme ne règnepas encore sur le monde, et l’on trouve en Angleterre des imprimeries sansbrevets ! PREMIÈRE LETTRE.Au Rédacteur en chef du Journal l'HOMME :>Monsieur le rédacteur en chef,J’ai sous les yeux le journal l’Homme, du 12 courant. Dans son premier article,signé Ch. Ribeyrolles, ce journal, répondant à une allégation contraire de laCorrespondance Havas, prétend qu’aucune publication démocratique-socialisten’a appelé le triomphe de l’absolutisme moscovite.Je suis surpris de trouver dans le journal l’Homme une affirmation aussi absolue.Ses rédacteurs n’ignorent point cependant qu’en juin et septembre 1852, moi,démocrate-socialiste apparemment, j’ai fait paraître deux publications danslesquelles je prévoyais les événements actuels, et j’appelais le tzarisme russe ausac de la civilisation du monopole. Ces deux publications ont soulevé un assezgrand scandale au milieu de l’émigration ..." />
>>>>Ernest CœurderoyTrois lettres au journal « L’Homme »Londres, s.d.TROIS LETTRESAU JOURNAL"L’HOMME."ORGANE DE LA DÉMAGOGIE FRANÇAISE À L’ÉTRANGERRAPERNEST CŒURDEROYLONDRESJOSEPH THOMAS, 2, CATHERINE STREET, STRAND.TROIS LETTRESAU JOURNAL L’HOMMEÀ la suite d’une simple réclamation que je lui adressais, le journal l’Homme m’ayantprovoqué à une discussion sérieuse qu’il s’est reconnu plus tard incapable desoutenir contre moi, je publie les réponses que l’impartiale rédaction de ce journal arefusé d’insérer. Dieu merci ! la démagogie du National et de la Réforme ne règnepas encore sur le monde, et l’on trouve en Angleterre des imprimeries sansbrevets !
>PREMIÈRE LETTRE.Au Rédacteur en chef du Journal l'HOMME :Monsieur le rédacteur en chef,J’ai sous les yeux le journal l’Homme, du 12 courant. Dans son premier article,signé Ch. Ribeyrolles, ce journal, répondant à une allégation contraire de laCorrespondance Havas, prétend qu’aucune publication démocratique-socialisten’a appelé le triomphe de l’absolutisme moscovite.Je suis surpris de trouver dans le journal l’Homme une affirmation aussi absolue.Ses rédacteurs n’ignorent point cependant qu’en juin et septembre 1852, moi,démocrate-socialiste apparemment, j’ai fait paraître deux publications danslesquelles je prévoyais les événements actuels, et j’appelais le tzarisme russe ausac de la civilisation du monopole. Ces deux publications ont soulevé un assezgrand scandale au milieu de l’émigration et du journalisme pour que je croie devoirrectifier l’assertion du journal l’Homme.Dans la première, la Barrière du Combat, faite en collaboration de mon ami OctaveVauthier, on trouve ce passage :" À nous, fils de la France, républicains démocrates socialistes, il tarde de voirarriver les Cosaques, car nous comprenons la Révolution…. Qu’ils descendent, lesBarbares, qu’ils transfusent leur sang jeune dans les veines de nos sociétésdécrépites, constitutionnellement, organiquement bourgeoises…. Qu’ils viennent etqu’ils soient bénis ! ne sont-ils pas nos frères ? "Dans la seconde, De la Révolution dans l’Homme et dans la Société, je dis :" J’ose fixer le Nord au lieu de détourner mes regards des nuages qui s’ycondensent, de la foudre qui gronde, de cette puissance russe qui nous accable detout son poids, et je dis : il n’y aura plus de RÉVOLUTION tant que les cosaques nedescendront pas. "Je borne mes citations à ces deux passages.Voilà ce que j’ai soutenu, ce que je me propose de soutenir encore, aussitôt quemes ressources me le permettront, incessamment j’espère.Quant à ma qualité de démocrate-socialiste, je me plais à penser que personne nepeut la mettre en doute en présence des actes de ma vie entière.Me tenant en dehors de tous les partis, je ne puis me recommander qu’à votreimpartialité, Monsieur le rédacteur en chef, pour l’insertion de cette lettre.Je vous envoie un bon souvenir d’affection personnelle.>>>>>M. Cœurderoy sait bien qu’on n’a besoin d’aucun patronage d’homme ou de partipour que des protestations quelque peu fondées et signées soient accueillies dans
l’Homme, journal de liberté, quoique peu Cosaque.Donc, sans aucun scrupule ni réticence, nous faisons droit à sa réclamation, et silorsque nous avons écrit les quelques lignes qui l’ont provoquée, nous avions euses deux brochures en mémoire, nous les aurions bien certainement signalées ; carl’exception confirme la règle. Il y a deux ans, M. Cœurderoy fonda son école ; il y estresté seul et mourra de même : nous nous trompons, ils sont deux à courir lessteppes du désert et de la fantaisie.Un mot sur le fond.M. Cœurderoy sait comme nous que la principale question qui divise et troublel’Occident, est une question de science, un problème à résoudre, celui du travail, etil appelle les Cosaques, c’est-à-dire la servitude, l’ignorance et la misèreorganisées, disciplinées, abruties par un despotisme qui tient tout sous sa main,les âmes et les corps !Certes, ces braves gens sont nos frères, comme monsieur Cœurderoy ; mais noustrouvons qu’ils seraient par trop incapables et par trop dangereux, commeprécepteurs d’économie sociale, de politique et de gouvernement.Est-ce comme révolutionnaire, et pour faire la place nette aux idées, que M.Cœurderoy convoque ces légionnaires du désert et les appelle avec le czar au sacde la civilisation ?Hélas ! la France les connaît. Paris les a déjà vus, deux fois, dans ses murs : et quelui portèrent-ils ? les anciennes reliques et les anciennes servitudes : en revancheils emportèrent nos trésors et notre honneur !M. Cœurderoy désire la transfusion d’un sang jeune dans les veines de nossociétés décrépites : il espère que cette opération rajeunira le vieux monde.Nous dirons à M. le docteur Cœurderoy que depuis soixante ans le peuple deFrance a versé plus de sang pour la cause de l’humanité, que les Cosaques detoutes les Russies n’en ont versé pour le despotisme, depuis mille ans. Du sangjeune, riche, vigoureux — Et qu’était donc celui qui coulait aux grandes barricadesde Paris, il y a quatre ans à peine ? Ah ! vous blasphémez la science, vous blasphémez la patrie, vous blasphémez laRévolution !Savez-vous ce qui arrive, quand une nation trahie dans son dernier effort, et violéepar l’étranger, subit une de ces invasions sauvages que vous appelez sur notrepays avec une candeur si triste : C’est que le peuple — qui est toujours jeune,entendez-vous ? — s’en va relever les derniers morts et les embaume dans sonsouvenir ; c’est que, trente ou quarante ans plus tard, il va chercher le neveu del’empereur, et l’acclame président, croyant, ainsi, se venger de Waterloo !Vous dites que vous comprenez la Révolution, et vous ne voulez pas du peuple-soldat de la Révolution, et vous passez le mot d’ordre aux Cosaques !Vous dites que vous êtes démocrate-socialiste, et vous croyez à la supériorité desraces ! vous appelez l’une à régénérer l’autre ! et dans une question de science, etquand il s’agit de résoudre le problème du dernier affranchissement, vous faitesappel à toutes les bestialités de l’ignorance et de la servitude !En vérité, votre école ne fera pas fureur, et nous vous aimions mieux comme nousvous avons connu.>>DEUXIÈME LETTRE.Au citoyen Ch. Ribeyrolles, rédacteur-en-chef du journal l’HOMME.
Citoyen rédacteur,— Puisqu’ainsi l’on vous nomme et que vous paraissez y tenir. Moi, j’aime mieuxm’appeler Homme, ou même tout bourgeoisement Monsieur, jusqu’à ce qu’on aittrouvé pour les hommes de progrès une désignation moins antique et moinsstupidement étroite que celle de citoyen. —Dans ma lettre du 15 avril, je n’avais d’autre but que de vous faire une réclamationque vous-même voulez bien trouver quelque peu fondée et signée. Et voilà qu’àpropos de cela, vous me provoquez à une discussion sérieuse. Je n’espérais pasune si bonne fortune, et je rends hommage à votre impartialité.[1]Je serai un peu long ; j’avoue mon entière inaptitude à trancher d’un seul mot desquestions organiques de l’importance de celle que vous soulevez. Je vous enpréviens, tout en commençant, afin que vous voyiez bien s’il vous convient ou nond’insérer cette lettre dans son entier. Tronquée, elle n’aurait plus de sens. C’est uneobservation que je vous rappellerai d’ailleurs à propos de la façon tant soit peucavalière dont vous jugez en une demi-colonne de journal des publications qui m’ontcoûté, à moi, quelque travail. Je savais bien que toutes les intelligences n’étaientpas égales, mais je ne me doutais pas vraiment qu’il pût y avoir de si grandesdifférences entre elles.Cela dit, je réponds à votre article.Un mot d’abord sur vos plaisanteries à l’endroit de ce qu’il vous convient d’appelermon école. Il serait à souhaiter, citoyen, que personne n’eût moins de prétentionsque moi à fonder quoi que ce fût et que tout le monde fût porté d’aussi bonnevolonté à démolir tout ce qui est. J’estime que la Révolution — qui je sers et quej’aime, bien que vous en disiez — aurait en cela plus à gagner qu’à perdre.Je ne cherche à acquérir une influence quelconque sur qui que ce soit. Je seraisréellement bien maladroit si, tendant à ce but, je persistais à défendre des opinionsqui répugnent aussi profondément que les miennes au chauvinisme français, et si jem’obstinais à m’aliéner par tous moyens les bonnes grâces des hauts Césars de lafuture république (qui sait quand reviendra ?) J’ai prouvé, et je prouvesuffisamment, Dieu merci ! que je suis l’ennemi de tous les partis et de toutes lessectes, et que je ne recherche ni les faveurs ni l’approbation de personne. Je suisétonné que vous ne me rendiez pas au moins cette justice.En général, citoyen, ceux qui veulent fonder des écoles ou des partis ne s’isolentpas, comme moi, afin d’être plus libres de travailler ; ils courent les clubs, lesestaminets et les coteries où l’on recrute des âmes. L’on arrive plus sûrementaujourd’hui à la célébrité par un surnumérariat de cette sorte que par toute une viede travail. Vous savez tout cela mieux que moi. Enfin, la meilleure raison pourlaquelle je ne m’efforce pas de faire école, celle qui pourrait me dispenser detoutes les autres, c’est que les écoles ne sont plus possibles avec le prodigieuxessor des intelligences et des volontés individuelles depuis quelques années. Vousn’ignorez pas que je me suis rendu compte de ce mouvement quand j’ai écrit : lesDieux sont morts ! Les Césars sont morts ! Et que, m’adressant aux plus grands dela démocratie, je me suis écrié : "qu’ont à faire avec l’immense révolution qui nouspresse vos chétives personnalités ?" — Et ce serait moi qui jouerais à l’armée etirais m’ennuyer à l’École, comme un enfant ?… Mon cher citoyen, vous voustrompez d’adresse.Tenez, voulez-vous que je vous dise mon opinion sur toutes les autorités etcraties[2] du monde — depuis la démocratie que veut dire domination desmajorités jusqu’à l’autocratie qui signifie domination d’un seul ? — La meilleuren’en vaut rien. C’est pourquoi je suis en lutte avec toutes, officielles et officieuses ;— c’est pourquoi je ne veux être ni César ni prétorien, ni chef ni soldat, ni maître niesclave, ni fétiche ni adorateur, ni mômie, ni crétin, ni homme de paille, de cartonou de plâtre. C’est pourquoi je pense, j’écris et je suis seul. À mon sens, c’est leplus grand éloge qu’on puisse faire d’un homme que de dire qu’il est seul, et je vousremercie de me l’avoir adressé. Car ce n’est par vous, qui êtes de la minorité, quivous en vantez, et qui avez raison ; ce n’est pas vous qui pouvez croire me blesseren m’écrivant que mon école ne fera pas fureur, et qui pensez qu’une question descience sociale puisse être résolue par une addition de partisans.Je ne suis pas avec les Révolutionnairres, je suis avec la Révolution. Je ne suis pasavec les Systématiques, je suis avec la Science. J’écris parce que j’y suis sollicitépar mon attraction. Quant à ma valeur comme écrivain ou comme homme, jamais,
que je sache, on n’a dit de moi que je fusse idiot ou esclave : qu’on m’ait appeléfou, peu m’importe. Pas plus sur vous que sur moi, ou sur quiconque fait acte deses dix doigts ne peut prononcer sans appel une société aussi anormale, aussiéphémère, aussi prévenue, aussi incomplète, aussi isolée du mouvement généralque l’est celle des réfugiés[3], la seule à l’appréciation de laquelle j’aie pu jusqu’àce jour soumettre mes idées, et qui ne m’a pas condamné tout entière, croyez-le,aussi dédaigneusement, aussi sommairement, aussi maladroitement, que vousl’avez fait.Pour me résumer sur ce premier point, je serais désolé de penser à plusieurs,d’agir à plusieurs, de n’être pas seul, moi, homme, dans le sens le plus étendu etcontradictoirement le plus individuel de ce mot.. . . . . . . J’en viens à mon opinion sur la décadence des races franco-latines, surl’avénement prochain de la race slave, sur l’intervention du glaive cosaque pourfaire place nette aux idées de l’Europe occidentale. Je répète que tout cela vas’accomplir ; que tout cela est prouvé par tous les moyens de déduction, d’inductionet de comparaison à l’usage de l’intelligence humaine ; que les événements sechargent de confirmer ce que je disais en 1852, alors que — ne vous en déplaise— personne ne s’occupait du tzar et de l’universelle révolution.Vous ne vous attendez pas, j’imagine, à ce que je résume dans une lettre les idéesémises dans un livre de sept feuilles d’impression, non plus que les considérationsphysiologiques, historiques et analogiques sur lesquelles mon opinion est basée.Je désire seulement que vous ne me fassiez pas dire ce que je n’ai jamais dit, carje serais bien à plaindre si je n’avais su trouver d’autres raisons que celles quevous me prêtez à l’appui d’une thèse aussi simple, aussi juste, aussi féconde que lamienne.— Je vous le répète, il n’est pas d’auteur qu’on ne puisse rendre ridicule etinintelligible en prenant un passage de ce qu’il a écrit, et en expliquant, bâchant,paraphrasant ce passage selon les besoins de la cause. Qu’est-ce donc, quand onne cite rien, et qu’on dénature à plaisir, et que l’on sait qu’on dénature, et que l’onveut dénaturer ? Il est surtout facile d’altérer complètement de cette manière lesens de livres écrits, comme les miens, dans un esprit antinomique, anti-monopoliste et anti-national.À titre d’ami, je vous ai adressé un exemplaire de mes deux publications, et certesvous êtes aussi capable que qui ce soit de juger. Ne me forcez point par vosréponses à croire que vous n’avez pas daigné lire. Prenez garde surtout, vous quivénérez le public, qu’il ne vous accuse, avec toute apparence de raison, de vousprononcer sur des travaux que vous ne vous donnez pas même la peine deparcourir. C’est une grave atteinte à la réputation d’un journaliste, et vous tenez à lavôtre. Je crois donc que vous m’avez lu. Par conséquent, vous savez que je n’ai pasenvisagé misérablement, unilatéralement, en simpliste enfin, une question aussivaste et aussi profonde que celle de la Transformation humaine et du Croisementdes races. Vous savez que j’ai fait la part de l’Idée comme celle de la Force, cellede la France comme celle de la Russie, celle de la Liberté humaine comme cellede la Fatalité divine, celle des Civilisés comme celle des Slaves, celle de laRépartition du sang par l’ordre qui s’établira comme celle de sa Transfusion par laguerre qui se fait, celle de la Germination et celle de la Gangrène, celle de laMinorité progressive comme celle de la Majorité borgne, celle de la Mort et celle dela Résurrection. Vous savez bien surtout que je n’ai blasphémé ni les morts de juin,ni la Révolution, grand Dieu ! ! Pour vous en convaincre, il vous suffisait d’ouvrirmon livre.[4] Bientôt vous lirez dans mes Jours d'Exil un chapitre sur Juin 1848 quime dispense à tout jamais de me justifier d'un crime que je n'ai pas commis, que jen'ai jamais ni excusé, ni pallié, citoyen ex-rédacteur-en-chef de la RÉFORME. —Quant à la patrie ; non, je ne reconnais pas la patrie actuelle. Elle est trop au grédes traités de 1815, trop rétrécie par les gouvernements, trop dénaturée par leprivilège, trop déformée par les préjugés, trop absolument avilie, flétrie, trop inique,trop vieillie, pour que je n'en sois pas, comme vous, proscrit. Je dirai bientôtcomment m'apparaît la patrie de l'avenir. Mais je ne regrette ni la France, ni Paris,la ville des lauriers, ni ses égoûts ni ses sentines ; jamais je ne me prendrai d'unepassion soudaine pour la bourgeoisie de mon pays. — Je rends grâce au ciel den'être pas titré en habileté politique. — J'en dis autant de toutes les patriescivilisées. Je ne voudrais être citoyen d'aucune ; j'aime mieux être proscrit,vagabond, déclassé, gitano, et contradictoirement, citoyen du monde. Interrogez-vous bien, citoyen rédacteur, et dites, dites si vous aimez la France d'aujourd'hui. Orla France restera ce qu'elle est aujourd'hui tout qu'elle s'appellera France. Il fautqu'elle meure et qu'elle renaisse, puisque nous-mêmes, les plus indépendants de
ses enfants, nous ne sommes plus guère que des rhéteurs de Byzance. Hélas ! laFrance, la vraie France de l'avenir et de la Révolution, elle est tout de son long sousla terre noire, elle est morte les 23, 24 et 25 Juin 1849, héroïque dans sa sublime etsuprême revendication ! Voulez-vous que je révèle notre plus intime secret, à noustous, proscrits ? ! Nous avons honte d'être appelés Français depuis Juin 1848. Moidu moins, j'ai bien souvent caché que je l'étais.Deux mots encore, et j'ai fini. Dans tout ce que j'ai écrit sur la transformationprochaine de l'Europe, il n'y a que ceci : L'humanité accomplit sa lente évolution,par une série de révolutions successives. — La vie est à ce prix. — Les révolutionssont des conservations. — Nous sommes arrivés à une de ces époquespalingénésiques où les vieilles nations meurent, où de nouvelles leur succèdent. —Il y a des peuples comme des hommes, qui restent longtemps enfants. — La raceSlave est de ce nombre. — Les nations Franco-Latines vont mourir, et la race Slavereprendra leur place au timon du char humanitaire. — J'appelle le glaive du tzar àprécipiter la solution, à trancher le noeud gordien sur lequel nous révolutionnaires,imperceptible minorité, nous nous ensanglantons les doigts depuis si longtemps.J'ai dit cela, et rien que cela. J'aime à penser que votre mémoire seule est endéfaut, quand vous me faites dire autre chose. Vous vous en convaincrez si vousvoulez revoir le chapitre Révolution Démocratique et Sociale de mon livre, je necrois pas cette lecture indigne de vous; je ne la crois pas mutile non plus, si vousvoulez me faire l'honneur d'une réponse plus sérieuse que la première..... En un mot, citoyen rédacteur, j'ai été préoccupé, il y a deux ans, de la questionqui préoccupe tous les esprits aujourd'hui. Vous-même, que faites-vous autre choseque prévoir la défaite des armées civilisées ? Que prévoit M. Herzen, dans desarticles que vous trouvez remarquables par le fond, sinon l'avènement des racesSlaves ? Que prévoient les rois d'Occident qui tremblent sur leurs trônes. Queprévoient les armées et leurs héros qui ne marchent qu'à regret ? Que prévoit lemonde entier qui s'agite et frissonne comme à l'approche des déluges ?.... Ce quej'ai osé dire.Vous, quel parti prenez-vous dans les circonstances actuelles ? Il n'est pas facile dele savoir. Avant peu, avant peu, vous direz comme moi : " Je n'ai pas craintd'affirmer que les nations bourgeoises étaient en pleine décadence et que lesRusses seraient appelés un jour les fils aînés du Socialisme. J'ai fortifié mon âmecontre le concert de malédictions qui va m'assaillir ; j'aime mieux la cautérisationque la mort, — la Révolution que la nationalité, — l'humanité que la France ; j'ai prisau sérieux ces deux mots : RÉVOLUTION UNIVERSELLE. " (p. 218.)Qui veut trop prouver ne prouve rien, citoyen. Vous ne ferez jamais croire à ceuxqui ont lu mon livre que j'aie traité la question de révolution européenne aussiniaisement que vous le dites. Vous ne ferez jamais croire non plus à ceux qui meconnaissent que j'aie perdu le respect de moi-même au point de me faire l'esclavede tous pour parvenir à fonder une école. Le persiflage, citoyen, est une arme àdeux tranchants qui blesse bien plus celui qui la dirige que celui contre lequel elleest dirigée. J'ai été douloureusement surpris de la trouver dans des mains aussihabiles que les vôtres. J'aurais attendu de votre intelligence et de votre coeur autrechose que cela. Je vous aimais mieux comme je vous ai connu. Mais je vousaime encore. Il m'est pénible de rompre avec des personnes qui m'avaient jugédigne de leur affection et à qui j'avais donné la mienne.Sur ce, Vive l'universelle Guerre ! Vive l'universelle Révolution ! Et vivent lesCosaques qui nous apportent l'une et qui forceront l'autre ! Ne sont-ils pas nosfrères ? — J'y tiens, et je m'y tiens. — Qui vivra, verra !Sur ce, hombre (homme), — c'est le salut espagnol, il vaut mieux que le salutrépublicain — que Dieu vous garde ! Pour moi, je reste dans l'espoir de vivre endehors de tout parti et de toute secte, comme un franc anarchiste. Cela medispensera dans cette vie et dans l'autre des palabres parlementaires.Agréez, citoyen rédacteur en chef, mon fraternel salut.>Dans cette discussion, le citoyen Charles Ribeyrolles n'ayant été que le porte-plume
d'une raison sociale, je saute par dessus lui pour courir droit à la direction suprêmedu journal l'Homme. Je veux cependant témoigner au citoyen Ribeyrolles la douleurque j'éprouve à voir son intelligence, son jugement et ses amitiés particulières à lamerci des intérêts d'un parti..... Quel siècle que celui dans lequel les hommes quiont le plus de talent travaillent avec ceux qui ont le plus d'argent et d'influence ! Etquelles exploitations inouïes dans le XIXe siècle ! Croyez bien, lecteurs, qu'il y a unmonopole en démocratie comme en tout autre institution civilisée. Je me fais fort dele démontrer quelque jour.Aux citoyens associés pour la direction du journal l'HOMME etl'exploitation du Peuple.À la lettre précédente il n'a pas été répondu, il ne sera jamais répondu, — j'entendssérieusement. — Les démagogues ont en horreur la Vérité et la Lumière ; ilsaiment les mystères de nuit et les ruses chroniques. Ce sont les plus maladroits despolitiques. Ils passent leur existence à battre le quart à la porte de l'hôtel duGouvernement, sans jamais oser entrer ni pouvoir se maintenir. Cromwells transis !Voyons, citoyens Révolutionnaires, dites une bonne fois que vous voulez courber lanation sous un régime de salutaire terreur, de censure éclairée, de culte grotesqueet de pure morale lacédémonienne. Ne parlez plus de liberté, surtout de celle de lapresse. Et alors on saura à quoi s'en tenir sur votre compte, on apprendra que vousvalez encore moins que les gouvernements existants, et tout le monde rira, commemoi, de vos prétentions à conduire les masses.Donc, tribuns célèbres, vous persistez à dire que le peuple est mineur ; qu'il fautque vous lui mâchiez sa nourriture intellectuelle ; qu'il y a des idées dangereusespour son esprit encore faible, et que les miennes sont de ce nombre. Donc,citoyens très illustrres, vous ne voulez pas que je bénéficie de l'immense publicitéde votre journal ; vous trouvez que je suis trop petit pour que vous vous abaissiezjusqu'à moi, et me tiriez de mon obscurité. Donc, après m'avoir provoquégratuitement, sans habileté, sans savoir-vivre, à une discussion organique, vousreculez devant l'insertion de mes lettres et vous ne daignez seulement pas direpourquoi.À la bonne heure ! mes maîtres ; voilà qui est vraiment grand, superbe, seigneurial,royal, impérial, pyramidal, colossal de dédain et de fierté ! En vérité, Louis XIV,Nicolas, Loyola, Soulouque et leurs pareils, les plus forts enfin, ne sont quepolissons comparés à vous. Il faut convenir que vous êtes très habiles ! à votreéloquence silencieuse, on vous prendrait presque pour des représentants de ladroite, ou des faiseurs de coups d'État, ou des proscripteurs en grand, ou encoredes censeurs du tzar de toutes les Russies. Au fait, à la possibilité d'exécution près,dites-moi, je vous prie, où est la différence ? Et vous croyez, par de semblables procédés, m'empêcher d'ouvrir ma droite pleinede scandales et ma bouche de fer ? Allons donc ! J'estime, en dépit des jésuites etde vous, que toute vérité est bonne à dire. Tenez, il me reste un peu plus de centfrancs pour couvrir mon dénûment physique ; je préfère les employer à découvrirvotre pauvreté morale. Je veux vous forcer dans le dernier de vos retranchements,celui du silence, où vous vous défendez si admirablement. Je n'ai peur que de laconspiration des sourds-et-muets volontaires. Partout où il y a du bruit, je me trouvebien. Car je ne redoute de puissance ni dans le ciel ni sur la terre. Et il y a toujoursmoyen de se délivrer de l'esclavage.De bon compte, avouez cependant que vous avez été bien gauches avec moi.Votre plus majestueux orateur, quand il pouvait faire sonner sa voix retentissantesur un théâtre digne de lui, a dit bien des coups et bien des coups encore aupouvoir : " Faites donc la part de l'effervescence des passions et du bouillonnementdu sang. Ne comprimez pas la vapeur de façon à centupler sa force et sonimpétuosité. Sachez ouvrir les soupapes quand il faut. " Pourquoi donc n'avez-vouspas suivi ces sages conseils que vous donniez aux autres ? Pourquoi ne m'avez-vous pas répondu sérieusement, scientifiquement ? c'était le moyen de me faireoublier votre inqualifiable attaque et d'élucider une question importante. Pourquoine vous rappeliez-vous pas ces paroles du citoyen Félix Pyat : " Il n'y a rien de faible
comme la Force." Mais non ;... voilà que vous faites pire que le Pouvoir, et que vouscomprimez ma liberté rétive jusqu'à la faire échapper dans un nouveau pamphlet.Dieux ! que vous êtes gauches ! Quos vult perdere Jupiter dementat !Si vous étiez jeunes, tout jeunes, on pourrait dire que vous avez fait cela dans unmoment d'emportement. Mais comptez bien : vous commencez à dater, vous êtesun peu mûrs. Voilà déjà pas mal de printemps que vous usez vos culottes de peaudans les parlements et les journaux, vous n'êtes plus de première main, d'absoluefraîcheur. Vous êtes parvenus à un âge où l'on a de l'expérience, où l'on ne fait plusdes étourderies étourdiment. Donc vous vous êtes concertés, vous avez calculépour faire, vous, une école ; — car je ne crois vraiment pas que l'article du citoyenRibeyrolles m'ait fait autant de mal qu'à lui. Les Rré-volutionnaires sont morts. Prions pour les Rré-volu-tionnaires !Que l'Être-Suprême, Maximilien de Robespierre et le jeune Saint-Just leur donnentl'impartialité qu'ils n'ont pas, le dévouement qu'ils n'ont pas, et la force qu'ils n'ontpas ! qu'ils se conservent vigoureux dans les siècles des siècles !Les Rrrév-olutionnaires sont morts. Prions pour les Rrrév-olu-tionnaires !Qu'ils ne renient plus leurs amis ! Qu'ils ne se rapprochent plus de leurs ennemis !Qu'ils ne soient plus à Dieu et à Mammon ! Qu'ils ne disent plus oui et non sur lemême principe ! Qu'ils ne donnent plus la main droite et la main gauchealternativement comme s'ils dansaient un quadrille !Qu'ils deviennent polis et de bonne foi ! qu'ils soient moins chauvins, moins rageurs,moins tapageurs que par le passé ! Que leur vue s'allonge un peu, s'il est possible !Qu'ils ne suivent plus comme des chiens ; qu'ils s'essaient à marcher seuls !Les Rrrrévo-lutionnaires sont morts. Prions pour les Rrrrév-olutionnaires !Dans la couche des Révolutionnaires la Mort s'est glissée. La mort aux yeuxabsents, aux os sonores, aux grands pieds ! La mort négligente de se couvrir et dese laver ! La mort qui vit de la désolation, des chagrins et des peines de tous. —Dans la couche des Révolutionnaires, la triste mort s'est glissée, froide fiancée !Citoyens révolutionnaires, ne blasphémez donc plus la Liberté, l'Impartialité,l'Indépendance, la Vérité, la Révolution. Ne blasphémez donc plus les morts de.niuJAh ! vous vous prétendez libres ! Est-ce parce que vous avez fondé une société quis'appelle la Révolution, dans laquelle on n'est admis qu'en prêtant serment ?Ah ! vous vous prétendez impartiaux ! Est-ce parce que vous avez fondé un journalqui s'appelle l'Homme et qui refuse d'insérer tout ce qui ne rentre pas dans votreprogramme ?Ah ! vous vous prétendez indépendants ! Est-ce parce que vous êtes sectionnés,enregistrés, enrégimentés, alignés, inspectés, conseillés, excités, arrêtés,embrigadés, monarchisés, fétichisés, uniformisés de sous-ventrières rouges et dechapeaux à grand bord ? Ah ! vous vous prétendez défenseurs de la vérité, quand vous dénaturez à plaisir lesécrits de vos adversaires et que vous ne voulez pas même admettre leursrectifications !Ah ! vous vous sacrez révolutionnaires et vengeurs des morts de Juin ! Est-ce parceque vous étiez membres de la Commission exécutive, rédacteurs de la Réforme,préfets de toutes préfectures, procureurs de la République rose, tourmenteurs desblessés dans les hôpitaux ? Ah ! ne me contraignez pas de vous dire les atrocitésque vos pareils commirent en ces jours de sang et de deuil dans les salles del'Hôtel-Dieu de Paris ! Ne contraignez pas les morts glorieux à sortir de leurstombes et à se dresser contre vous !Ah ! vous prétendez personnifier la République ! Ah ! vous êtes l'église du progrès,le conseil national de l'instruction publique, la sentinelle de l'Opposition, le factotumde la Révolution, le tube digestif de la Propagande, les poumons de l'Émeute, lecœur de l'Insurrection, la dictature de la Délivrance, la communauté populaire,orthodoxe ! Ah ! vous êtes les disciples du général Cavaignac, et nous ne devons
pas vous discuter, et quand vous nous calomniez, il faut nous incliner devant vosExcellences ! Ah ! quand on vous égratigne on fait saigner le Socialisme ! Ah ! voustranchez la question du TRAVAIL sans toucher à PROPRIÉTÉ ! Ah ! la France estla première des nations, et vous êtes les premiers des Français ! Ah ! vous êtesl'organe de la Démocratie universelle : ... Vous ! ! — Non certes, car je ne veux pasêtre représenté par vous, moi comme tant d'autres !Ah ! vous vous mettez à genoux devant la bourgeoisie, vous lui tendez des mainssuppliantes, vous vous prosternez bien bas, bien bas devant la boutique, vouslissez le poil de l'épicier, vous baisez mémère, la bonne Bourgeoisie. Et vousprétendez que c'est l'Universelle Démocratie qui fait ces bassesses ! Non certes !Les morts reviennent. Prenez garde aux morts de Juin !Ah ! citoyen Ribeyrolles — ex-rédacteur en chef de la Réforme, — Bianchi —socialiste départemental, — Cahaigne — ex-propriétaire de la Commune deParis, — Ph. Faure — qui étiez au Peuple, — et autres ! vous vous sacrez grandsprêtres de l'Univers pensant ! Et vous servez à l'Univers pensant, en fait d'articlesscientifiques, des détails intéressants sur la toilette et les petits levers del'empereur Nicolas ! Ah ! c'est là toute votre science ! Et vous croyez que l'Universpensant est ravi de la direction que vous daignez imprimer à son intelligence ? Ah !vous vous figurez que vous avez le monopole du pamphlet, de l'épigramme, dupersiflage, de la médisance, de la calomnie, de la presse enfin, absolument commele pouvoir que vous combattez ! Non, non... vous n'êtes pas forts ; et la violence,sans la force, est ridicule.Aristocrates de la Démocratie, dévoués de la Dictature, martyrs de la Terreur,despotes de la Liberté, vides remplis de proclamations ronflantes, chiens—chats,loups—agneaux, sépulcres rougis, squelettes tapageurs, éteignoirs à jour,noirceurs immaculées. À qui donc croyez-vous imposer encore ? Par qui vouscroyez-vous regardés, admirés, suivis, enviés ? Ne vous a-t-on pas pris àl'épreuve ? Et cette épreuve n'a t-elle pas assez coûté d'émeutes, de sang et detyrannies ?Ô Miguel Cervantès ! immortel critique, que n'ai-je ta verve et ta bonne plumecastillane, et ton divin langage pour dépeindre pittoresquement ces grandsdémolisseurs de trônes, ces infatigables pourfendeurs d'armées, ces gigantesquesconspirateurs, ces braves renverseurs de moulins à vent, ces égayants modèlesd'abnégation, de dévouement et de sacrifice qu'on appelle les révolutionnaires dela tradition.Gens de parti — de quelque parti que ce soit — je vous le dis : La Vérité est une.La Liberté est une. L'Esclavage aussi est un. Être d'un parti, c'est n'être plus soi.N'être plus soi, c'est être tout le monde. Être tout le monde, c'est n'être personne.N'être personne c'est être un homme de parti.Ah ! vous m'avez trouvé trop petit pour vous, Messeigneurs ! Eh bien ! je vousmettrai plus bas que les vers qui rampent. Car j'ai sur vous l'avantage d'être sansengagements et d'avoir ma libre parole ! Car vous m'avez donné le droit d'être sanségards avec vous, d'abord en me provoquant sans motif et sans mesure, ensuite enrefusant de faire droit à mes justes réclamations.Peut-être serez-vous contraints de parler de cette brochure. Afin que vous soyiezplus à l'aise pour l'abîmer, je vous préviens que je ne répondrai plus à aucune devos attaques. D'abord parce que votre exemple m'autorise à arrêter les frais, quandil me convient ; ensuite parce que je n'ai pas comme vous, de journal à ma tion ;enfin, parce que j’ai mieux à faire que de m’occuper de l’éducation des sourds.Je prie mon ami A. Talandier de m’excuser si je place notre correspondance sousle titre de cette brochure. Non erat hîc locus, je le sais. Mais il m’étaitmatériellement impossible de faire, deux publications distinctes. Au reste, je croissuffisamment prouver à mon ami Talandier, par le contenu même de ma lettre, queje ne le confonds pas avec les démagogues révolutionnaires.
Dans son numéro du mercredi, 3 mai, le journal l’Homme insérait la lettre suivante :Mon cher Ribeyrolles,Quelqu’étrange qu’il puisse paraître d’appeler l’invasion des Barbares sur le mondecivilisé, et non pas seulement une invasion passagère comme celle de 1812-15,mais une invasion complète et définitive comme celle sous laquelle croula le mondeRomain, il faut une telle abnégation ou une telle indifférence pour oser contemplersans défaillance un pareil avenir que, de toute manière, il y a lieu de s’étonner et dechercher la raison d’un pareil vœu.Mais nos amis sont loin d’être des indifférents. Quelque jugement que nous ayons àporter sur leurs écrits, la part soufferte par eux dans la persécution commune nepermet à personne de mettre en doute leur amour pour la République démocratiqueet sociale, et leur passion (le mot dévouement les offusque) révolutionnaire. Nousn’avons donc pas à les condamner, puisque, si triste que soit leur erreur, ils sontcourageux et de bonne foi ; mais à les convaincre, ce qui est peut-être plus difficile,car ils me paraissent bien épris de leur Cosaquisme, d’autant pIus épris que leurpassion est aussi neuve, pour des démocrates, que peu consolante.À quoi tient cependant cette idée aussi étrange pour la Démocratie que peuoriginale par elle-même, l'Assemblée Nationale et ses pareils nous ayant dèslongtemps habitués à l'appel aux Russes ? uniquement, selon moi, à un fauxjugement historique en vertu duquel on a accepté l'invasion du monde Romain parles Barbares comme une chose bonne, heureuse, providentielle, nécessaire autriomphe du christianisme, et que nous devons bénir, comme nous bénirions lespeuples qui feraient aujourd'hui triompher dans le monde le Socialisme et laRépublique universelle.Ce jugement n'est pas nouveau, non plus que l'analogie établie entre la venue duSocialisme dans le monde moderne, et la venue du Christianisme dans le monderomain. Mais, tandis que l'analogie est vraie, le jugement est faux.Oui : comme dans le Bas-Empire, les Césars et le Christianisme se disputaient lemonde, les Césars et le Socialisme se disputent le monde aujourd'hui. Mais il n'estpas vrai que le triomphe des Barbares ait été le triomphe du Christianisme. Il n'aété que le triomphe de la féodalité qui, certes, n'était ni dans l'Évangile, ni dans lesprédications égalitaires, ni dans l'organisation démocratique de l'église primitive.De ce que les prélats chrétiens firent avec les rois Barbares une alliance impie etvénale pour partager la domination avec eux, conclure que le Christianisme atriomphé avec et par l'invasion, c'est se payer de mots, ou prendre pour laréalisation des promesses du Christ ce long et sanglant avortement qui, au lieu d'unmonde de liberté et d'égalité, a produit la féodalité à deux têtes (Pape etEmpereur), le monstre bucéphale du moyen-âge. Ceux-là donc dépensent mal leurbravoure qui s'écrient : viennent les Cosaques ! périsse le monde civilisé ! ettriomphent avec les peuples nouveaux les doctrines nouvelles ! Dieu garde leSocialisme d'un pareil triomphe, et nos amis de faux jugements sur le passé et defausses espérances pour l'avenir !Rétablissons les faits s'il est possible. La Gaule a été conquise deux fois ; lapremière fois par les Romains, la deuxième fois par les Barbares. Ces deuxconquêtes ont été aussi complètes que possible. Romains et Francs se sontassimilé la Gaule à ce point qu'il n'est possible aujourd'hui que de reconnaîtrel'esprit des différents peuples, leurs traditions, leurs tendances, mais non lespeuples, eux-mêmes. La civilisation propre aux Gaulois, égorgée par les Romainset enterrée dans ses forêts sacrées vit bientôt le poids d'une seconde conquêtetomber sur son cadavre et l'enfoncer plus avant dans le sol paternel. La civilisationromaine, un temps triomphante, ne profita de sa victoire sur le Druidisme que pourlaisser dans les Gaules des germes qui devaient éclore plus tard et fut bientôtécrasée aussi par la Barbarie. Puis l'ordre règna de nouveau, et quel ordre !... Leshistoriens aristocrates appellent cela les 14 siècles de la glorieuse Monarchiefrançaise !... Nous savons de quelle sueur, de quel sang, de quelles larmes estpétrie cette gloire... Mais je n'ai pas l'intention de refaire l'histoire ici. Passons.Les historiens modernes qui, dans l'étude des développements politiques etsociaux du monde, ont tenu compte de l'esprit même qui caractérisait les différentspeuples dont le mélange compose aujourd'hui la nation française, ont appelé lemouvement émancipateur des dernières siècles le mouvement Gallo-Romain.Cela est vrai et faux en même temps. Vrai, en ce sens que ces deux mouvementsont été souvent confondus ; faux, en ce qu'ils ont toujours été divers d'origine et de
tendance, comme l'esprit même des différents peuples, et qu'ils se sont séparés enfait aussitôt que le triomphe de l'un d'eux a brisé l'alliance nouée par l'oppressioncommune.Le mouvement romain, caractérisé par l'application aux libertés politique etmunicipale, le mouvement bourgeois par excellence, a fait sa révolution et aabandonné le gaulois après la victoire gagnée en commun.Le mouvement gaulois, caractérisé par l'aspiration à l'égalité politique et sociale, lemouvement unitaire, religieux, politique et économique tout à la fois, le mouvementdirigé contre les Institutes et les Commentaires de César, aussi bien que contre leschâteaux et les coffres-forts, le mouvement cher aux travailleurs, le mouvement cherau peuple enfin, social et national par excellence, ce mouvement persiste etpoursuit à travers victoires et défaites la conquête de l'égalité, but suprême, findernière du développement individuel et social. Maintes fois le champ a été labouréet ensemencé ; mais toujours des orages ont détruit la moisson avant sa maturité.Amis téméraires qui appelez l'invasion, ne comprenez-vous donc pas que c'estappeler l'inondation sur la vallée fertile prête à donner ses fruits, sous prétexte queles eaux laisseront un limon d'où sortiront des terres nouvelles. Hélas ! assez demoissons ont péri déjà, et ce n'est pas le limon qui manque.Et, d'ailleurs, que savez-vous, que pouvez-vous savoir d'une invasion ? Qui ditinvasion, dit armées nombreuses, chefs guerriers, féodalité militaire s'imposant parla conquête. Est-ce encore ce que vous voulez et n'en avez-vous pas assez desCésars ?Si, encore, comme Herzen, vous mettiez, sans l'appeler de vos vœux, l'invasionrusse au nombre des choses possibles que l'avenir peut réaliser, et criiez auxbourgeois : vous voulez du Czar en haine du socialisme ; prenez garde d'avoir leCzar et le socialisme ; on vous comprendrait. Mais appeler le Russe pour vous,cela ne se comprend pas ; parce que, même en admettant (ce que je faisvolontiers) que dans son organisation communale, que dans ses tendancesintimes, que dans l'esprit de sa race, le Russe offre de nombreuses analogies avecles tendances socialistes gauloises ; en admettant même (ce qui est aller bien loin)que le peuple russe soit prêt à une rénovation sociale, est-ce que c'est la rénovationsociale que l'invasion nous amènerait ? Non ! elle ne nous amènerait qu'un peuplede soldats, complice et mercenaire de l'absolutisme. Arts, sciences, industries, toutdisparaîtrait foulé aux pieds des chevaux cosaques, et disparaîtrait pour longtemps.L'empire retarde l'avénement du socialisme de quelques années ; l'invasion leretarderait de plusieurs siècles. Et non seulement la révolution sociale ne se feraitpas en France, mais cette diversion guerrière empêcherait les germes dusocialisme russe de se développer, et la Révolution ne se ferait nulle part dansl'ancien monde.Pour moi, je crois que nous pouvons souhaiter au socialisme un destin plus heureuxque celui du christianisme trahi et faussé par ses propres ministres et par leursadeptes, les Barbares. Malgré le "Rendez à César ce qui appartient à César", et le"Mon royaume n'est pas encore de ce monde", je crois que le christianismecontenait de grandes promesses de liberté et d'égalité. Qu'est-il advenu de cespromesses ? que, sans réalisation sociale, elles sont restées comme une prophétiepour la Révolution moderne : et cela, grâce à qui ? grâce aux Barbares, en grandepartie. Voulez-vous donc qu'il en soit ainsi des promesses du socialisme ?Amis, amis, n'appelons pas sur les autres et sur nous-mêmes les sombres vaguesde l’inconnu. Ne promettons pas plus au peuple la Révolution par les Cosaques,que la Révolution par nous-mêmes. Promettons-lui la Révolution par lui-même,quand il voudra se connaître et se faire, selon son droit, sa propre destinée. LaFrance expie ses fautes en ce moment ; n’appelons pas sur le Sisyphe moderne unrocher plus lourd. Cherchons plutôt, nous qui n’avons été les complices desmeurtres ni à l’intérieur, ni à l’extérieur, à racheter notre patrie du dernier supplice,et à la rendre à elle-même et à sa mission civilisatrice.>TROISIÈME LETTRE.
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